L'ETAT
Le décret N°94/611/PM du 30 décembre 1994
portant règlementation de l'émission et de la gestion des effets
publics négociables, définit la titrisation comme un
procédé d'émission des titres négociables
appelés EPN représentant « un titre de
créance sur l'Etat ou qui bénéficie de sa garantie
».200 Ces créances peuvent résulter
soit des emprunts de l'Etat (A) soit de ses divers engagements (B).
A. LES CREANCES ISSUES DES EMPRUNTS DE L'ETAT
Plusieurs raisons peuvent justifier le recours de l'Etat
à un emprunt public par le biais de l'émission des titres de
court, moyen ou long terme, négociables sur les marchés
monétaire et financier201. Ainsi donc, l'Etat peut emprunter
des fonds à divers organismes financiers, afin
198 Ils peuvent être des opérateurs ou
fournisseurs des biens et services sur le marché. C'est le cas avec la
CRTV, la SNH, la CNPS ou même la CUY.
199 LEKENE DONFACK, Finances publiques camerounaises,
op.cit, PP. 236 et s. Décret N°2004/275 du 24 décembre 2004
portant code des marchés publics.
Décret N°2011/408 du 9 décembre 2011
portant création d'un ministère délégué
à la présidence de la République chargés des
marchés publics.
200 Art. 2 du décret N°94/644/PM portant
règlementation de l'émission et de la gestion des effets publics
négociables, op.cit.
201 Le marché monétaire est
réservé aux titres émis à court terme, (BOT) et
tandis que le marché financier est réservé aux titres
émis à moyen ou long terme.
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d'assurer le financement d'opérations liées
à l'exécution budgétaire, notamment en cas
d'investissements publics ou en cas de déficit monétaire du
Trésor Public. Les créances nées des emprunts publics
constituent la dette publique (1). Cependant, l'Etat peut se porter garant pour
le paiement d'une créance à la place de l'une de ses
entités (2).
1. LES DETTES DE L'ETAT
D'une manière simple, l'emprunt public est
défini comme étant la remise à l'entité publique
(Etat, CTD, EPA ou EPP) d'une somme d'argent par des particuliers en
contrepartie d'une promesse de remboursement. Cet accord est
matérialisé par la délivrance d'un titre. Le titre
émis représente donc un droit de créance pour une
durée déterminée202. Au regard des types de
titres émis, l'on a la dette flottante, constituée, d'emprunt
à court terme, dont les instruments d'émissions sont les bons du
trésor. Pour Benjamin BIDIAS,203 il existe
d'une part, les bons sur formule réservée au public,
c'est-à-dire aux particuliers et aux entreprises ; les bons en comptes
courants souscrits par les institutions financières, essentiellement les
banques et les compagnies d'assurance.
Le professeur LEKENE DONFACK met en exergue
dans son ouvrage Finances Publiques Camerounaises, les
problèmes liés à l'apurement de la dette flottante,
lorsque tous les détenteurs de titres (bons) viendraient à en
demander le paiement 204. Dans un tel cas de figure, et compte tenu
de l'étroitesse des ressources budgétaires, l'Etat peut
transformer pour reprendre l'auteur, « les bons du
trésor, d'emprunts à court et à moyen terme, en emprunts
indéfiniment renouvelés ».205 Ce
qui peut entamer quelque peu le crédit des titres de l'Etat.
Dans le même ordre d'idées, l'Etat peut
s'endetter auprès de la banque d'émission, par le
mécanisme des avances en comptes courant, du réescompte, des
traites et obligations cautionnés, des avoirs de la banque en monnaie
métallique, du compte postal de la banque
202 FERRANDIER (R) et KOEN (V), Marché de capitaux et
techniques financières, op.cit. PP. 129 et s.
203 BIDIAS (B), Finances publiques du Cameroun, op.cit.
P. 496.
204 LEKENE DONFACK, Finances publiques camerounaises,
op.cit. PP. 184 et s.
205 Idem.
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centrale ou des achats des bons du
Trésor206. Le traitement de la dette de l'Etat
vis-à-vis des organismes financiers, peut donner lieu à un
rééchelonnement des échéances de paiement, puis
à la titrisation selon le contenu de l'accord de négociation. Tel
est le cas de la dette de l'Etat vis-à-vis du secteur bancaire dont
l'encours en 2012 est de 11,2 milliards de francs CFA, pour 2,8 milliards de
dette titrisée.207
L'Etat peut également se porter garant des
créances de certaines de ses entités, ou plus
particulièrement de certaines de ses entreprises publiques et
parapubliques. La mise en oeuvre de ce mécanisme trouve son fondement
sur le transfert des sûretés consacrées et garanties en
droit civil par l'article 1692 du Code Civil. En effet, pour le
créancier, une créance aura d'autant plus de valeur si elle est
garantie par une sûreté. Celle-ci est l'une des techniques qui
permettent au créancier de ne pas souffrir de l'insolvabilité de
son débiteur. Le régime juridique des dettes de l'Etat ne
déroge pas à cette règle, même s'il
bénéficie d'un traitement particulier. Ce procédé
n'est pas à proprement parlé, une technique de cession de
créances mais plutôt de dette. Bien que voisine de la cession de
créances, la cession de dette pose des difficultés non
négligeables. La cession de dette permet au cédant de transmettre
au cessionnaire une ou plusieurs dettes avec tous leurs accessoires. Ainsi, si
le fait de changer de débiteur importe peu, le fait de changer le
débiteur est indiscutable compte tenu de sa qualité, de ses
activités ou encore de son patrimoine. La substitution de
débiteur que provoque cette cession peut être un danger pour le
créancier cédé puisque le nouveau débiteur peut ne
pas avoir les mêmes garanties. Cela est davantage vrai pour le cas
d'espèce eu égard aux privilèges de «
puissance publique » dont bénéficie l'Etat.
Aussi convient-il de noter qu'il existe plusieurs variétes de cession de
dette. Il s'agit d'abord de la cession de dette imparfaite. Ici, un nouveau
débiteur est ajouté à l'ancien. Le créancier
dispose donc de deux débiteurs, un à titre principal (le
cessionnaire) et l'autre à titre secondaire (le cédant). Ensuite
la cession de dette parfaite dans laquelle le nouveau débiteur vient
remplacer l'ancien. Le créancier doit accepter ce remplacement. Et
enfin, la cession plus que parfaite qui est une méthode dans laquelle le
créancier n'a pas à consentir au changement de débiteur
car celui-ci s'opère de par
206 Décret N°63 DF.246 relatif à la
souscription des compagnies d'assurance aux bons d'équipements. Loi
N°63-25 du 19 janvier 1963 sur l'émission des bons
d'équipement.
Arrêté N°189-MINFI-du juillet du 1976 pour
l'émission des bons de caisse.
207 CAA, Note de conjoncture trimestrielle de la dette
publique du Cameroun, P.28.
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la loi. La cession des dettes de l'Etat pose le
problème des garanties qu'il offre à ces créanciers.
2. LES CREANCES GARANTIES PAR L'ETAT
En tant que régulateur de l'activité
économique, l'Etat a l'obligation de veiller au bon fonctionnement de
tous les secteurs de l'activité économique208. Ainsi
donc, sur un plan tout à fait économique et même social,
l'Etat du Cameroun dans le souci de doter l'économie nationale d'un
tissu économique moderne et fort, a procédé aux lendemains
de son indépendance, à la création d'entreprises publiques
et parapubliques. Cette initiative ne s'est pas faite sans heurts car il a
fallu emprunter d'importantes sommes d'argent, aussi bien au niveau national
qu'international209.
Le fonctionnement des ses entreprises a connu des fortunes
diverses jusqu'à l'adoption le 22 décembre 1999 par
l'Assemblée Nationale de la loi N°99/016 du 22
décembre portant statut général des entreprises du secteur
public et parapublic. Cette loi fait suite à l'échec de
la politique gouvernementale en la matière. Bien plus, ces entreprises
dotées d'une personnalité juridique et de l'autonomie
financière ont contracté des dettes auprès des banques
dont le paiement a été garanti ou pris en charge par
l'Etat210. Cette prise en charge s'assimile à un
cautionnement qu'offre l'Etat à ses nouveaux créanciers et qu'ils
suivront. En droit des sociétés et particulièrement en
matière de transmission universelle du patrimoine, eu égard aux
principes généraux gouvernant cette transmission, la
transmissibilité du cautionnement constitue la règle. Celle-ci
est considérée comme un contrat accessoire et comme tel, elle se
transmet pour les mêmes causes que le contrat principal auquel il est
attaché. Ainsi, elle estime que l'engagement de la caution étant
défini par rapport à la personne du débiteur ou du
créancier et la modification de leur personnalité
entraînent la
208 L'Acte Uniforme OHADA du 17 avril 1997 relatif au droit
commercial. Loi N°90/030 du 10 août 1990 régissant
l'activité commerciale au Cameroun.
209 La dette issue de ces emprunts internationaux fait l'objet
d'un autre traitement conformément aux conventions d'emprunt.
210 Rapport non publié du secrétariat d'Etat du
MINFI sur la stratégie de traitement de la dette intérieure
du Cameroun, op.cit, P. 8.
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disparition pour l'avenir de l'engagement de couverture de
caution. La personnalité du débiteur et des créanciers
sont des éléments de mesure fournis à la caution pour
apprécier non seulement la probabilité d'un passif à
couvrir mais aussi la quantification de son montant futur. Alors, la relation
s'éteint chaque fois que la personnalité juridique de l'une des
parties au rapport de cautionnement est directement affectée par
l'opération de transmission. Ce principe général de
transmission accessoire de la sûreté est repris en France par la
loi de 1988 instituant le FCC et dont la mise en oeuvre a été
rendue facile par l'article 1692 du Code Civil.
Ce principe a été appliqué au Cameroun
à l'occasion de la reprise par l'Etat, de certaines de ses entreprises.
En effet, consécutivement à l'effondrement des cours
internationaux de certains produits d'exportation, cette chute s'est traduite
au plan intérieur par des déséquilibres importants de
certains produits de base (café, cacao et coton).
La restructuration des entreprises publiques de secteur
agricole a nécessité d'une part l'intervention lourde de l'Etat
dans le cadre de la politique de rééquilibrage global de ces
filières. D'autre part, l'Etat Camerounais a procédé
à l'assainissement des structures financières de ces entreprises
en prenant à son compte le passif de celles-ci vis-à-vis du
système bancaire. Ainsi donc la dette bancaire de la SODECOTON, de l'ex
ONCPB et de la SEMRY au titre des arriérés accumulés sur
les crédits de campagne, a fait l'objet d'une consolidation sur l'Etat
du Cameroun. En d'autres termes, le mécanisme de consolidation des
arriérés des crédits de campagnes,
réescomptés par la BEAC s'est traduit par la substitution de
l'Etat aux entreprises pour le remboursement de cette dette au systèmes
bancaire, et partant contribuer à la sortie desdits encours de leur
bilan211.
La garantie de l'Etat sur les emprunts publics de ses
démembrements est un acte certes souverain, mais qui est bien
encadré au niveau de la sous-région CEMAC. Le titre II du
règlement CEMAC N°12/07-UEAC-186-CM-15 qui traite du processus et
des procédures d'emprunts et de garanties publics, fait obligation
à chaque Etat membre de désigner une
211 Idem.
En application de ce dispositif, la SODECOTON, l'ex ONCPB et
la SEMRY, ont pu respectivement sortir de leur bilan des montants
ci-après 39,2 ; 4,1 et 9,5 milliards de FCFA.
Selon la CAA, Note de conjoncture trimestrielle de la
dette publique du Cameroun, op.cit., l'encours en 2011 des droits sociaux
titrisés de l'ex-CAMAIR se chiffrent à 9 milliards.
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« autorité unique qui est seule
compétente pour conduire les négociations et signer les
conventions d'emprunts et tous les autres accords relatifs à la dette de
l'Etat »212.
Le même article 11 poursuit en précisant que cette
autorité est la seule « habilitée à
signer les conventions de garanties octroyées par l'Etat à ses
démembrements ou à des tiers ».
L'octroi de la garantie de l'Etat sur les emprunts publics de
ses démembrements est conditionné. A cet effet l'article 12 du
même règlement dispos que « chaque Etat membre
s'abstient de fournir sa garantie pour des prêts dont les conditions sont
plus onéreuses que celles de ses propres emprunts »,
pour une meilleure gestion de la dette publique dont le manuel de
procédure doit être élaboré et mis en oeuvre par
chaque Etat membre213. Cette disposition s'applique également
aux emprunts des CTD214. Outre les créances sur l'Etat
relevant des emprunts et des garanties octroyées aux emprunts de ses
démembrements (CTD, EPA et EPP), les créances sur l'Etat peuvent
également provenir de ses divers engagements.
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