SECTION II : LES CONDITIONS LIEES AUX MODALITES
DE SOUSCRIPTION DES EPN
Plusieurs moyens peuvent être utilisés par l'Etat
pour attirer les investisseurs. Le taux d'intérêt constitue sans
aucun doute le principal outil dans ce cas. C'est ce qui amène le
professeur LEKENE DONFACK166 à penser que
« l'appât » lancé en direction
des prêteurs est essentiellement un taux d'intérêt attractif
auquel les émetteurs des titres ajoutent quelques avantages
accessoires.
La transformation des engagements non négociables de
l'Etat en valeurs mobilières négociables et cessibles, remises en
échange aux créanciers de l'Etat, ne fait pas exception à
la règle. Ainsi les mécanismes de souscription des EPN, ont pour
but d'attirer les créanciers de l'Etat qui prennent le risque de
transformer des créances en titres négociables sur les
marchés monétaire et financier. Le cadre juridique vise quant
à lui à les protéger contre la toute puissance de l'Etat
et rendre crédible l'opération. Il revient dès lors
d'analyser les procédés de souscription des EPN au Cameroun
((Paragraphe I). Le fait que l'Etat ne soit pas un créancier ordinaire
suscite une certaine méfiance auprès des potentiels
investisseurs. Pour remédier à ce problème, un cadre
juridique est mis sur pied aux fins de rassurer et de protéger les
investisseurs (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES MECANISMES DE SOUSCRIPTION DES EPN
En général, à l'émission de
l'emprunt, le Trésor fixe un « plafonds
»167. La logique est tout autre en matière
de titrisation des créances sur l'Etat. A la différence de
l'émission d'un emprunt public ordinaire, la titrisation est un
procédé qui transforme des créances existantes en titres
négociables et cessibles sur le marché secondaire. Cela suppose
au préalable la
166 LEKENE DONFACK, Finances publiques camerounaises,
op.cit, P. 189.
167 LALUMIERE (P), Finances publiques, op.cit. P.
419.
Aussi l'article 4(2) du Règlement CEMAC n°
12/07-UEAC-186-CM-15 portant cadre de référence de la politique
d'endettement public et de gestion de la dette publique dans les Etats membres
de la CEMAC dispose que : « la stratégie d'endettement public
est consignée dans un document annexé à la loi de Finances
et comportant les indications suivantes.... Les plafonds d'endettement et de
garantie ... ».
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vérification des créances. Pour qu'il y ait
souscription, il faut attirer les souscripteurs (A) et leur offrir des
garanties fiables (B) qui matérialisent le sérieux de
l'opération et la crédibilité de l'Etat.
A. L'ATTRACTION DES SOUSCRIPTEURS
Toute émission de titres publics est
généralement assortie de privilèges qui visent à
attirer les souscripteurs. Ces privilèges peuvent être financiers
(1) ou non financiers (2).
1. LES PRIVILEGES FINANCIERS
En tant que régulateur du marché financier,
l'Etat peut influencer le comportement des potentiels investisseurs par la
manipulation des taux d'intérêt. En effet, le choix d'un taux
d'intérêt élevé peut les amener à souscrire.
C'est un élément qui contribue au succès de
l'opération d'émission des titres publics168. Le taux
d'intérêt doit être choisi en fonction des exigences des
souscripteurs. Toutefois, le taux d'intérêt ne doit pas être
trop élevé pour ne pas favoriser la « classe qui
prête et qui en bénéficie
».169 L'objectif d'une telle démarche vise
à ne pas alourdir la charge de la dette pour ne pas grever les budgets
futurs d'une charge trop lourde. Car une charge trop lourde peut contribuer
à augmenter le loyer de l'argent et perturber ainsi le marché.
Pour ne pas montrer que son crédit est ébranlé, l'Etat
doit tenir compte du taux d'intérêt pratiqué sur le
marché financier au moment de l'émission des titres publics en
général et des EPN en particulier. Ce taux d'intérêt
peut être diversement aménagé. Pour ce qui est des EPN, le
décret n°94/611/PM du 30 décembre 1994 précise que le
taux d'intérêt des 2OT et des OTZ est de 3% et celui des BOT est
déterminé par arrêté du MINFI.
Pour Benjamin BIDIAS, «
l'intérêt, se matérialise le plus souvent par l'exigence
d'un « coupon » attaché au titre et détachable au
moment où l'intérêt est versé, à la date
convenue au porteur du titre »170. Il existe
plusieurs types d'intérêt ou arrérages171.
L'intérêt
168 LALUMIERE (P), Finances publiques, op.cit., P.
420
169 Idem.
170 BIDIAS (B), Finances publiques du Cameroun, op cit.,
P. 484.
171 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, op.cit. P. 57.
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est dit nominal lorsque, l'émission s'effectue au pair
ou lorsque la somme versée par le souscripteur du titre et la somme
à rembourser par l'Etat coïncident172.
L'intérêt fixe quant à lui s'exprime en un pourcentage
invariable du capital prêté; l'intérêt est dit
variable dans le temps de façon propositionnelle ou progressive
lorsqu'il augmente avec la durée de l'emprunt. C'est
généralement le cas dans l'hypothèse de retardement du
remboursement des échéances. L'émission des titres
au-dessous du pair consiste pour le prêteur à verser en capital
une somme inférieure au moment nominal du titre souscrit. Par exemple,
pour un titre de 100 000 F cfa, le souscripteur verse 75 000Fcfa. En d'autres
termes, si un emprunt 3% est émis 75 000 F cfa pour une valeur
réel est de 4%, l'Etat donne en réalité 3 pour 75
000173.
En dehors des avantages liés au taux
d'intérêt, la collectivité publique peut consentir à
verser des primes soit à l'émission de titres soit au
remboursement de ces derniers. C'est ce que le professeur LEKENE
DONFACK a qualifié de « lots
»174. Il s'agit des privilèges
monétaires dont bénéficient les titres publics. Aussi, les
titres publics peuvent bénéficier d'exonération fiscale,
notamment en matière de droit de timbre, de l'impôt sur le revenu
des personnes physiques des droits de succession175. Dans le cadre
de l'émission d'un emprunt classique, ces privilèges ont
été abandonnés ce qui n'est pas toujours le cas en
matière de titrisation des créances sur l'Etat ou garanties par
lui.
De ce qui précède, la titrisation de la DPI au
Cameroun s'apparente à un mécanisme de conversion de la dette
publique176 aboutissant à rendre liquide les créances
non « transformables » ou
« gelées »177de l'Etat.
Elle s'effectue sous forme de remise d'un titre négociable
représentatif de la créance. A titre d'illustration, un taux
d'intérêt assez attractif
172 LALUMIERE (P), Finances publiques, op.cit., P.
420.
LEKENE DONFACK, Finances publiques camerounaises,
op.cit, 190
MUZELLEC (R), Finances publiques, op.cit, P. 424.
173 LEKENE DONFACK, Finances publiques camerounaises,
op.cit, P. 190.
174 Idem.
175 Ibid.
176MUZELLEC (R), Finances publiques, op.cit.
P. 626.
177 Rapport non publié du secrétariat d'Etat du
MINFI sur la stratégie de traitement de la dette intérieure
du Cameroun, op.cit, P. 15
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avait été rattaché aux titres émis
au cours de l'exercice fiscal 96/97178. Cette manoeuvre avait servi
à encourager les porteurs de titres qui prenaient le risque de la
conversion de leurs créances et de la variation des taux
d'intérêt sur le marché.179
A côté de ces privilèges financiers, la
collectivité publique octroie à ses créanciers des
privilèges non financiers.
2. LES PRIVILEGES NON FINANCIERS
Le principal privilège dont bénéficient
les titres ici est celui de leur protection vis-à-vis de l'Etat et des
particuliers. Selon un principe bien connu, les titres émis par la
collectivité publique bénéficient du privilège
d'insaisissabilité. Ce principe a été introduit en France
par les lois du 8 Nivôse An VI et du 22 floréal An
VI180. L'insaisissabilité des rentes sur l'Etat signifie
qu'aucune saisie ne peut être pratiquée entre les mains du
comptable du trésor181 sur les arrérages, dus aux
rentiers, c'est-à-dire sur les intérêts versés aux
prêteurs, ainsi que le capital des titres nominatifs de l'emprunt. En
revanche, tel n'est pas le cas des titres au porteur qui peuvent être
saisis. C'est sans doute la raison pour laquelle les titres gérés
par la CAA sont dématérialisés tandis que ceux
gérés par le Trésor public sont matérialisés
et nominatifs182. Pour ce qui est des titres au porteur le syndic
peut les vendre au nom du failli et les créanciers, de leur
côté peuvent saisir les rentes que le débiteur
récence dans une succession. Un adage ayant cours en droit privé
dit que « toute personne insolvable répond de ses
dettes sur tous ses biens ».
A ce privilège s'ajoute un autre, certes, accessoire
mais aussi important que les autres. Benjamin BIDIAS note que
« ces rentes sur l'Etat sont exonérés de la taxe
proportionnelle qui atteint les produits des valeurs mobilières
»183. Ainsi donc, en matière
d'enregistrement,
178 Date de la première émission des EPN.
179 SIMON (Y), Les marchés à terme de taux
d'intérêt, Economica, Paris, 1994, 112 p.
180 LALUMIERE (P), Finances publiques, op.cit. P.
420.
181 CA/CS, Jugement n° 323/2010 du 27 octobre 2010 ; Aff. :
MOMBELLE MA Bernard c/ Etat du Cameroun (MINFI).
182 BABISSAKANA et ABISSAMA ONANA, Les débats
économiques du Cameroun et d'Afrique, op.cit, P. 259. NYAMA (JM),
Le droit des sociétés, Cours polycopiés,
Université de Yaoundé II, FSJP, PP. 209 et s.
183 Idem.
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Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
sont exempte de la formalité et du timbre les actes
ayant exclusivement pour objet le renouvellement, le transfert, le
remboursement des rentes sur l'Etat184. Selon l'instruction n°
004/CGEPN/CAA relative à l'utilisation des titres publics
négociables par les agents économiques, les EPN peuvent
être utilisés pour compenser les dettes entre l'Etat et ses
créanciers. Plus exactement les OTZ ont servi à régler les
arriérés d'impôts des créanciers de
l'Etat185. Une fois ces conditions arrêtées, l'Etat
procède au placement des titres.
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