CHAPITRE I : LES CONDITIONS D'EMISSION DES EPN
Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
Mémoire présenté et soutenu publiquement par
NYANGOE Guy Arsène Page 27
Mémoire présenté et soutenu publiquement par
NYANGOE Guy Arsène Page 28
Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
La crise économique de la seconde moitié des
années 80 dont les effets ont ébranlé le système
financier du Cameroun, a entraîné à sa suite, une crise de
liquidité. Pour juguler les effets de celle-ci sur la solvabilité
de l'Etat, plusieurs solutions ont été mises en oeuvre avec des
fortunes diverses. La titrisation arrive dans le paysage financier du Cameroun
dans un contexte d'insolvabilité de l'Etat. Celle-ci a été
retenue comme « un instrument privilégié de
traitement des arriérés intérieurs de l'Etat
»117. Cette
technique dite novatrice a permis à l'Etat de transformer les
engagements non négociables en créances négociables,
cessibles et remises en échange aux créanciers de l'Etat. La
question de la mise en oeuvre de cette technique nécessite la
satisfaction des formalités relatives à la politique
d'émission et de souscription des valeurs mobilières. Ainsi,
l'opération de titrisation de la DPI ou d'émission des EPN
obéit à une procédure bien déterminée dont
le respect des conditions est une garantie de son succès. Cette
opération requiert donc le respect des conditions procédurales
d'émission (section I) et des conditions liées aux
modalités de souscription (section II) des EPN.
SECTION I : LES CONDITIONS PROCEDURALES D'EMISSION
DES
EPN
L'émission des titres publics118 n'est pas
l'émanation de la seule volonté du gouvernement. Elle s'inscrit
dans un cadre global d'apurement de la dette publique119 contenu
dans les lois de finances de chaque année. Ainsi, le cadre
institutionnel de l'émission des EPN passe donc par le respect des
formalités légales et administratives où les pouvoirs
législatif et exécutif interviennent respectivement pour une
approbation et l'application des lois (paragraphe I). Après cette
première étape, l'administration, bras séculier de l'Etat,
est chargée de la mise en oeuvre de la politique de l'émission
des titres publics par le truchement des organes spécialisés
(paragraphe II).
117 NDONOU (R), « Le marché des effets publics
négociables du Cameroun, journée de réflexion sur la
formulation d'une stratégie, de gestion de la dette intérieure du
Cameroun » Yaoundé 21-24 novembre, 2005.
op.cit.
118 Obligations et bons du Trésor ou Bons Assimilés
du Trésor.
119 Loi n° 2007/006 du 26 décembre 2007 portant
régime financier de l'Etat.
Mémoire présenté et soutenu publiquement par
NYANGOE Guy Arsène Page 29
Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
PARAGRAHE I. LES PROCEDURES LEGALES
Le rôle du pouvoir législatif en matière
financière est défini par la constitution dans son article 26.
D'ailleurs, le parlement adopte et contrôle l'exécution du budget
c'est-à-dire la qualité de la dépense. Ce pouvoir que lui
confère la Constitution permet au parlement d'intervenir en aval sur la
procédure d'émission des titres publics en général
et des EPN en particulier. A ce stade de la procédure, les pouvoirs
législatif et exécutif agissent en synergie pour le respect de la
légalité. Car l'article 26(2) (d) (2) fait
référence au « budget
»120 dont la préparation incombe au
gouvernement tandis que l'adopte et le contrôle sont dévolus
à la compétence du parlement. Le professeur LEKENE
DONFACK définit le budget comme étant un
« acte par lequel sont prévues et autorisées les
recettes et les dépenses annuelles de l'Etat et des autres services que
les lois assujettissent aux mêmes règles
»121.
La référence au budget de l'Etat dans ces
analyses est un préalable nécessaire pour une meilleure
compréhension des différentes conceptions de l'emprunt
public122 d'une part et d'autre part de la titrisation. Pour les
uns, l'emprunt de l'Etat détourne au profit d'activités
publiques123, une partie de l'épargne privée qui
devait servir au financement des investissements productifs des entreprises.
Pour les autres par contre, l'emprunt public est désormais
considéré comme un moyen d'intervention économique aux
mains de l'Etat. En effet, l'Etat n'est pas un agent économique
assimilable aux particuliers du simple fait qu'il assure la direction de
l'économie. Au final, l'emprunt ne joue plus seulement le rôle de
procédé exceptionnel de couverture des charges publiques, il est
également utilisé comme instrument d'intervention sur
l'épargne et la consommation.
L'analyse des différentes conceptions de l'emprunt dans
ces travaux s'impose au regard des charges que le remboursement d'un emprunt
public fait peser sur le budget de l'Etat. C'est la raison pour laquelle les
pouvoirs législatif et exécutif doivent travailler en
étroite collaboration en matière d'émission des titres
publics et des EPN, et de gestion de la dette
120 Loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996
op.cit.
121LEKENE DONFACK, Finances publiques
camerounaises, op.cit, P. 35.
122 Idem. op.cit. P. 34.
123 LALUMIERE (P), Finances publiques, op.cit, PP. 410
et s.
LEKENE DONFACK, Finances publiques camerounaises,
op.cit, P. 187.
Mémoire présenté et soutenu publiquement par
NYANGOE Guy Arsène Page 30
Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
publique pour conserver un marché des titres viables et
éviter ce que le professeur Raymond MUZELLEC qualifie
d'effet « boule de neige
»124 . Pour ce faire il sera
analysé tour à tour le rôle du pouvoir législatif
(A) et celui du pouvoir exécutif (B) en matière d'émission
des EPN.
A. LE ROLE DU POUVOIR LEGISLATIF
Le rôle du pouvoir législatif d'une
manière générale en matière financière se
résume en un rôle d'approbation d'une part (1) et de
contrôle d'autre part (2). Ce rôle est identique en ce qui concerne
l'émission des EPN.
1. LE ROLE D'APPROBATION DU POUVOIR
LEGISLATIF
L'émission des obligations du Trésor par l'Etat
s'assimile aux emprunts à long ou moyen termes. Comme tel, ils doivent
être autorisés par une loi. Le gouvernement est l'autorité
compétente pour décider de leur émission. Mais pour ce qui
est de leur autorisation, elle est du ressort du Parlement. Ces
émissions sont faites conformément aux autorisations
générales données chaque année par la loi de
finances125. Toutefois, cette autorisation est relative. D'abord
parce qu'elle ne vaut que pour l'année en question et qu'ensuite des
autorisations expresses sont nécessaires pour les émissions
libellées en devise.
Dans la pratique, la loi de finances, dans un article devenu
traditionnel, reprend cet énoncé : « Le
Gouvernement est autorisé, à recourir à des
émissions des titres publics notamment les obligations du Trésor,
pour des besoins de financement des
projets126...
»
En plus de l'autorisation, le parlement joue également un
rôle de contrôle.
124 MUZELLEC (R), Finances publiques, op.cit, P. 436.
125 La loi n° 897/PJL/AN portant loi de finances de la
république du Cameroun pour l'exercice 2012 prévoit 287 milliards
de francs CFA au titre du service de la dette publique. Le Chapitre IV de la
loi N°2012/014 du 21 décembre 2012 portant loi de finances de la
République du Cameroun pour l'exercice 2013, prévoit une
enveloppe de 221 200 millions de FCFA au titre du service de la dette
publique.
126 BIDIAS (B), Finances publiques du Cameroun, op.cit.,
P. 483.
Mémoire présenté et soutenu publiquement par
NYANGOE Guy Arsène Page 31
Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
2. LE ROLE DE CONTROLE DU POUVOIR
LEGISLATIF
La pratique constitutionnelle camerounaise reconnaît au
parlement un pouvoir de « contrôle »
de « l'action gouvernementale par voie des
questions orales ou écrites et sur des objets déterminés
»127. En matière
financière, ce contrôle est parfaitement justifié au regard
du dégrèvement que subi le budget de l'Etat pour l'apurement de
la dette publique. En d'autres termes, le gouvernement est assujetti à
l'autorisation parlementaire en matière d'émission des titres
publics et des EPN. Cela est davantage vrai compte tenu du rôle du
pouvoir législatif matière budgétaire et
financière128.
L'opportunité de ce contrôle trouve sa
justification dans le fait que la saine gestion des finances publiques est
devenue sensible et les modes de contrôles plus modernes et
coercitifs129. En ce qui concerne l'apurement de la DPI et
particulièrement l'émission des EPN en échange des
créances sur l'Etat ou garanties par lui, celles-ci doivent être
motivées et conformes à la législation. Ainsi,
conformément au règlement CEMAC
n°12/2007-UEAC-186130, relatif à la politique
d'endettement et à la gestion de la DPI au sein de la CEMAC, les motifs
de l'émission des titres publics doivent être certains, opportuns
et conformes à la réglementation communautaire en la
matière. Ce règlement, étape importante de la
réforme juridique et institutionnelle de la gestion de la dette
publique, fait obligation à l'Etat camerounais d'élaborer et
d'annexer à la loi de finances de chaque année un document de
stratégie d'endettement public faisant ressortir outre la justification
de l'emprunt, les plafonds d'endettement et des garanties accordées par
l'Etat, la structure du porte feuille des nouveaux
127 Art. 35 de la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18
janvier 1996 op.cit.
128 MBELLE ANGOULA (D), La
répartition des compétences en matière de
préparation du budget de l'Etat du Cameroun, Université de
Yaoundé II, année académique 2008/2009, 135 p.
129 Cf. Dr. MOYUM KEMGNI (G), La nouvelle gouvernance
financière du Cameroun, in Juridis périodique, 2007,
PP.293-329; RASJ.
Dr. NNANGA (S.H), La protection juridictionnelle des
finances publiques africaines, in Juridis périodique, 2007, PP.
287304, RASJ.
130 Règlement n° 12/07 UEAC-186-CM-15 portant
cadre de référence de la politique d'endettement public et de
gestion de la dette publique dans les Etats membres de la CEMAC.
Mémoire présenté et soutenu publiquement par
NYANGOE Guy Arsène Page 32
Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
emprunts, les termes indicatifs des nouveaux emprunts, le
profil de viabilité de la dette sur un horizon de 15
ans131.
Avant la mise en oeuvre de ce règlement, le Cameroun ne
connaissait pas le principe de la limitation par la loi du plafond de dette
publique132. L'idée de plafonnement de la dette est une
technique qui a pour objectif d'éviter les tentations de facilité
en empêchant les pouvoirs publics d'accroître
exagérément des dépenses.
Après l'autorisation parlementaire, il revient au
gouvernement de fixer par un acte règlementaire le régime
juridique des titres à émettre.
|