3.2 Motivation de l'approche retenue
Comme nous l'avons expliqué, nous souhaitons avant tout
développer une nouvelle approche de modélisation des encours.
Nous allons exposer ici la raison qui nous a amenés à rejeter les
modèles que nous avons consultés dans la littérature
académique.
Nous observons que dans l'ensemble des articles que nous avons
lus sur le sujet, les auteurs considèrent que l'encours bancaire suit
une dynamique très (trop) simple. En temps discret, leur démarche
consiste généralement à l'écrire comme une fonction
déterministe du temps, du Produit Intérieur Brut et/ou des taux
courts. L'idée est de le décrire comme une fonction croissante du
temps et de la richesse nationale et comme une fonction décroissante du
niveau des taux (en raison de l'attrait supplémentaire induit pour les
livrets rémunérés). Lorsque les auteurs raisonnent en
temps continu, ils supposent généralement que le niveau
Ät des dépôts de la banque est une diffusion.
Autrement dit, ils considèrent que Ät est solution d'une
équation différentielle stochastique (EDS) du type
d1Xt = lXt(adt + adWt)
avec /1 > 0 constant et o- constant.
C'est notamment ce que suggèrent les auteurs sus-cités (Jarrow et
van Deventer ainsi que Adam, Houkari et Laurent).
Notre conviction est que, dans un cas comme dans l'autre, la
modélisation sous-jacente n'est absolument pas pertinente pour l'encours
bancaire. Le plus gros reproche que nous faisons à ces deux approches
est leur «pauvreté» explicative. En effet, l'ensemble de la
dynamique des dépôts est résumé dans un cas par les
variations des taux ou du PIB et dans l'autre par deux paramètres
exogènes (à savoir le drift /1 et la volatilité
a). Il est intuitivement improbable qu'un si petit nombre de
paramètres ou de facteurs puisse expliquer une dynamique aussi complexe
que celle de l'encours des dépôts à vue. Le premier cas
correspond à une approche typiquement macroéconomique et ignore
totalement les aspects microécono-miques, démographiques et
comportementaux sous-jacents dans la dynamique des dépôts.
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Pour illustrer notre propos, on peut remarquer qu'il pose
implicitement une évolution identique pour toutes les banques quelle que
soit leur structure actuelle. Or il apparaît plausible de
considérer que les encours des comptes courants d'une banque en ligne,
fondée il y a dix ans, et d'une banque implantée historiquement
depuis des décennies, possédant une clientèle d'un
âge avancé, soient amenés à évoluer
différemment dans le futur. De même, les caractéristiques
démographiques du pays d'implantation de l'établissement, qui
apparaissent aussi comme des éléments déterminants, sont
totalement ignorés. Par exemple, une baisse importante de la
mortalité dans un pays donné suggère une croissance
notablement supérieure de l'encours des banques présentes dans ce
pays, au moins sur le moyen-long terme. Les mêmes remarques valent pour
le modèle de diffusion de type Black-Scholes, qui est certes
adapté pour des variations de cours de titre ou de taux, mais dont la
pertinence ici est plus que discutable. Nous critiquons donc ce choix,
probablement influencé par une certaine «culture» du pricing
et de la finance quantitative, consistant à adopter pour le processus de
l'encours des dépôts à vue une évolution similaire
à celui d'un taux de change ou du cours du pétrole. Les processus
sous-jacents sont en effet totalement différents! En outre, tout le
pouvoir explicatif de ce dernier modèle réside dans une unique
variable aléatoire, à savoir Lt lui-même. La
diffusion crée par ailleurs une évolution très erratique
et peut générer des trajectoires paraissant intuitivement
très invraisemblables5 (fortes variations locales,
décroissance vers 0 puis remontée importante. . .).
De notre point de vue, les approches présentées
fournissent ainsi intrinsèquement des modélisations du
comportement de l'encours très irréalistes. Les différents
exemples invoqués ci-dessus prouvent que celui-ci est intimement
lié à des données économiques (notamment
l'inflation) et démographiques ainsi qu'à la structure de la base
de clientèle actuelle ou au comportement des clients. Ce dernier varie
d'ailleurs selon toute vraisemblance avec leur âge et leurs
caractéristiques propres.
Nous proposons dès lors d'adopter une démarche
plus économétrique. Nous reprendrons dans un premier temps
l'approche macroéconomique suggérée dans les articles afin
de nous faire une première idée du «lien» entre
l'encours et certaines variables globales. Nous l'affinerons ensuite en
construisant un cadre théorique fondé sur la segmentation du
portefeuille de clientèle et intégrant des facteurs
démographiques et comportementaux.
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