Deuxième partie
Modélisation de l'évolution du niveau
d'encours
3 Observations empiriques et orientation de la
démarche
3.1 Analyse du niveau d'encours historique
Une observation de l'évolution de l'encours
global4 des CCP à la Banque Postale appelle plusieurs
remarques qualitatives. Nous avons tracé ci-dessous l'évolution
de cette grandeur sur la période 1994-2010. Les relevés sont
mensuels, avec interpolation affine.
![](Modelisation-et-couverture-des-comptes-courants-postaux2.png)
FIG. 1 - Évolution historique des CCP
On constate déjà une tendance nette de
croissance de la masse des dépôts. Les mesures étant
mensuelles, le graphe ici capture en fait la dynamique globale des encours. En
réalité, une étude de cette quantité à une
échelle plus fine révèlerait des saisonnalités
infra-mensuelles intimement liées à la période
étudiée, d'un ordre de grandeur de deux à cinq milliards
d'euros. Les flux importants représentés par le versement des
salaires (en fin de mois), des allocations sociales ou encore des retraites en
sont essentiellement à l'origine. Dans la cadre de cette étude,
nous nous restreindrons à la partie dite «stable» de
l'encours, c'est-à-dire celle représentée sur le graphique
ci-dessus.
Ainsi, bien que les dépôts soient à vue,
et donc, en théorie, sans maturité, on observe une forme de
stabilité remarquable de l'encours, qui ne «s'évapore»
jamais. Cette dernière remarque permet d'investir sur des actifs
financiers les liquidités collectées en considérant que
les dépôts ont une certaine durée de vie moyenne effective.
En pratique, cette dernière est considérée comme
étant de l'ordre de cinq ans. Les banques savent ainsi que les
dépôts
4Nous désignons par cette expression la
somme des dépôts correspondant à tous les comptes courants
ouverts dans l'établissement
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à vue restent relativement lontemps en base. Toutefois,
précisons ici que La Banque Postale (à titre d'exemple, mais la
remarque est vraisemblablement pertinente pour les autres établissements
de crédit) ne l'a jamais mesuré précisément. En
outre, l'encours total est continuellement «pollué» par la
production nouvelle (arrivées de clients). Les différents effets
(arrivées, sorties...) n'ayant jamais été isolés,
on observe l'évolution de l'agrégat sans pouvoir connaître
ce qui se passe aux échelles inférieures. Notre modèle
permettra de définir une forme de benchmark précis pour
l'appréhender plus finement.
Partant de ce graphe, deux approches ALM sont
envisageables.
La première correspond à une vision
surnommée «mort du bilan», dans laquelle la banque
arrête toutes ses commercialisations de produits. Cette approche consiste
à modéliser le vieillissement du stock existant sans aucune
nouvelle arrivée extérieure. On y étudie
l'évaporation progressive de la masse des encours dans le temps,
consécutive aux départs des clients actuels (volontaires, vers la
concurrence, ou par décès). L'établissement de
crédit adopte alors une forme de convention d'écoulement pour
décrire ce vieillissement, qui va conditionner sa stratégie
d'achat de titres. Quatre scénarios possibles de cette «mort du
bilan» sont représentés ci-après. Les courbes orange,
jaune et mauve correspondent respectivement à une décroissance
linéaire, à une décroissance linéaire après
un premier choc, et à une décroissance de type exponentiel ou
hyperbolique qui ralentit progressivement. L'adoption d'un scénario plus
brutal, avec un écoulement plus rapide, correspond bien
évidemment à une vision plus prudente. Les banques adoptent en
général une convention d'écoulement standard parmi l'une
de ces formes. L'idée est de retenir un scénario de crise dans
lequel l'évolution est relativement simple, typiquement une diminution
brutale de 10% (choc initial) suivie d'une décroissance linéaire
jusqu'à une échéance T (10 ans, 15 ans...)
où tout le stock aura disparu. Le modèle développé
dans ce mémoire permettra a priori des modélisations de
mort du bilan plus «réalistes» correspondant à une
évolution plus stochastique (se rapprochant de l'évolution
historique), tel que cela est suggéré par la courbe rouge. Ceci
permettra de modifier la convention d'écoulement et par
conséquent les stratégies d'achat de titres. À titre
d'exemple, si la convention standard (décroissance linéaire sur
T années) s'avère trop pessimiste, nous pourrons
optimiser les placements en investissant sur des titres de maturité plus
longue aux taux de rendement plus élevés.
![](Modelisation-et-couverture-des-comptes-courants-postaux3.png)
FIG. 2 - Scénarios d'évaporation de la masse des
encours de CCP
La seconde approche est quant à elle associée
à une vision dite «dynamique». Ceci passe non seulement par la
modélisation du vieillissement du stock existant mais également
par la modélisation d'une production nouvelle correspondant aux
arrivées progressives de nouveaux
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clients. Dans cette vision, on opère une projection de
l'encours des dépôts à vue de la banque dans le futur.
![](Modelisation-et-couverture-des-comptes-courants-postaux4.png)
FIG. 3 - Dynamique future de la masse des encours de CCP
L'idée est de calculer (ou à défaut
d'estimer) la distribution statistique du niveau d'encours à
différents horizons. Nous pourrons en déduire des intervalles de
confiance théoriques (ou empiriques) de la grandeur
considérée, aux différentes dates.
Cette modélisation constituera le coeur de ce
projet.
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