7 Sensibilités aux paramètres et aux
variables initiales
Pour pouvoir formuler des remarques qualitatives valides et
faire de l'inférence statistique, nous ne pouvons nous restreindre
à une seule réalisation dans chaque configuration.
L'enjeu ici est d'apprendre qualitativement et
quantitativement sur les lois de certaines variables, conformément
à l'ensemble du modèle que nous avons construit et des
hypothèses que nous avons posées. Parmi ces variables
d'«intérêt», citons par exemple les encours à
horizon donné (dans la banque, dans chaque strate...) ou encore la
durée de vie de l'encours dans une vision «mort de bilan»
où la banque arrête de commercialiser tout produit. Pour
réaliser cet objectif, il nous faut, à jeu de paramètres
et d'hypothèses fixé, simuler plusieurs trajectoires (il faut en
réaliser le plus grand nombre possible, la vitesse de calcul à
notre disposition étant ici le facteur limitant). Nous pourrons,
dès lors, calculer certaines statistiques «naturelles»9
relatives aux variables d'intérêt. Une telle démarche
correspond à des simulations de type Monte-Carlo. La raison du recours
à la simulation est notre incapacité
9Par exemple
l'espérance empirique (c'est-à-dire la moyenne des obsevations),
la variance réalisée ou encore des quantiles
empiriques
37
à calculer explicitement les lois des variables
aléatoires auxquelles nous nous intéressons, en raison de la trop
grande complexité du modèle sous-jacent. En effet, la
connaissance des différents taux de transition et de sortie, des lois
des processus d'entrée ainsi que de la dynamique inflationniste ne
permet pas de décrire explicitement la distribution de
probabilité de vt,, où t0 est
un horizon donné. Nous sommes donc ramenés à
générer le plus grand nombre de scénarios pour
inférer les lois des variables10. Voici le résultat
d'une simulation de différentes trajectoires dans un même sous-cas
(jeu de paramètres fixé). Lorsque le nombre de trajectoires
augmente, on voit apparaître une forme d'«enveloppe» typique,
qui est la traduction visuelle des intervalles de confiance de l'encours total
à chaque date.
FIG. 7 - Un faisceau de trajectoire de l'encours total de la
banque (l=2 et ir=0.002)
7.1 Influence de l'inflation et des taux de transition
Dans le cadre du modèle mathématique construit,
l'inflation est l'unique déterminant de la croissance de l'encours moyen
par cellule de clientèle dans la banque. Par conséquent, c'est
cette grandeur qui est à l'origine de la tendance (haussière,
baissière ou stable) de l'encours total dans l'établissement de
crédit sur le moyen-long terme. Si l'on reprend ainsi les trajectoires
simulées avec ii-=0.002 pour
lE{2,60} (Figure 5 de la page 28), et que l'on calcule le
Ä120 - Ä0
taux de croissance de l'encours sur les 10 ans, on obtient
respectivement 27.8% Ä0
et 27.4%, sachant que le niveau d'inflation a
augmenté de (1 + it)120 - 1 = 27.1% sur
cette même période. Les fluctuations obtenues sont dûes aux
mouvements des clients au sein de la banque, et ce d'autant plus que les
clients sont mobiles, c'est-à-dire que le paramètre l
est faible. On observe donc dans le cas l =2 des
irrégularités locales dans l'évolution de l'encours, qui
peut même sur certaines périodes décroître.
En particulier, on remarquera ici que, bien que notre
modèle suppose la relation déterministe Ät
= (1 + ii-)
Ät-1 pour 1 <
t < h entre encours moyen et inflation, l'encours total
10La loi forte des grands
nombres et le théorème central limite sont implicitement
«appelés» derrière cette procédure
38
dans la banque n'est pas pour autant une fonction
déterministe du niveau de l'inflation sous celui-ci. La raison à
cela réside dans la mobilité des clients au sein de
l'établissement. Ainsi, si sur l'intervalle mensuel [t - 1,
t], une proportion importante de clients passe dans des strates d'indice
supérieur (correspondant à des encours plus modestes), l'encours
total de la banque peut décroître sur cette même
période alors que le niveau d'inflation aura été
multiplié par 1 + it sur cet intervalle. Pour illustrer notre
propos, nous avons simulé une trajectoire de l'encours global de la
banque pour l=2 et it =0.002 sur un horizon de 17
ans (204 mois) et nous l'avons régressée sur le niveau
d'inflation (normalisé à 100 en t = 0). Ce dernier est
ici complètement déterministe, donné par ilt
=100(1 + it)t pour 1<t<204.
FIG. 8 - Régression du niveau de l'encours simulé
sur le niveau d'inflation hors tabac
Nous disposons ainsi d'une base de comparaison avec la
régression que nous avions effectuée à partir de l'encours
des CCP de la Banque Postale en début d'étude. Le coefficient
R2 de détermination obtenu sur la trajectoire
simulée est supérieur (nous avions obtenu R2
=0,973 sur les données historiques). Toutefois, il est
intéressant de noter que notre modèle, par la dynamique
continuelle de la base de clients dans le temps, permet de rendre compte
d'écarts de l'encours global par rapport au niveau d'inflation,
même si l'encours moyen par cellule (donc, en fin de compte, le niveau
moyen d'un dépôt de CCP) suit exactement ce niveau.
Pour saisir l'influence de la dynamique de l'inflation sur
celle de l'encours, nous nous sommes intéressés, à titre
d'exemple, à la distribution statistique de 60, qui n'est autre que
l'encours bancaire global à un horizon d'observation de h = 60
mois. Nous reprenons pour cela, dans le cadre du modèle que nous avons
construit, chacune des quatre configurations de base présentées
précédemment (inflation constante ou à dynamique
Ornstein-Uhlenbeck et l E{2, 60}). Nous avons
généré 1000 trajectoires pour chacune de ces
configurations.
Nous avons commencé par comparer les volatilités
renormalisées des trajectoires d'encours sous les différents jeux
de paramètres. La volatilité renormalisée Vol
d'une trajectoire simulée
d'encours
{At}tE{0,1,...,60} est la
variable aléatoire définie par
1
V
ol({At}tE{0,1,...,60}) = A0
|
v X6 0
tt=1
|
(At - At-1)2
|
39
Elle qualifie l'amplitude de ses variations locales (d'un mois
à l'autre). Nous avons donc, dans chacun des quatre sous-cas,
calculé la moyenne des 1000 volatilités empiriques
associées aux trajectoires simulées. L'adoption de la valeur 60
pour le paramètre l se traduit ainsi par une diminution de
91.2% de cette volatilité par rapport au cas l = 2.
L'adoption d'une dynamique inflationniste aléatoire augmente
légèrement cette volatilité par rapport au cas d'une
inflation constante, respectivement de 8.2% et de 8.7% pour
l = 2 et l = 60. On confirme donc numériquement
l'observation empirique sur les courbes tracées
précédemment.
Nous faisons à présent figurer dans le tableau
ci-après, pour chacun des quatre sous-cas (où nous disposons de
1000 données), la moyenne et l'écart-type empiriques, les valeurs
minimale et maximale obtenues ainsi que l'intervalle empirique de confiance"
à 95% de A60. Toutes les grandeurs sont exprimées en pourcentage
de l'encours total initial A0 =1781050.
Statistique
|
At =(1 + ðt)
At-1
|
ðt constant ðt = ð =
0.002
|
dðt=a (b - rt)
dt+ódWt
(a, b, ó, ð0)=(0.2,
0.002, 0.0002, 0.002)
|
l = 2
|
l = 60
|
l = 2
|
l = 60
|
Moyenne
|
112.76%
|
112.71%
|
112.65%
|
112.71%
|
Taux de croissance moyen sur la période
|
12.76%
|
12.71%
|
12.65%
|
12.71%
|
Ecart-type
|
0.90%
|
0.73%
|
2.35%
|
2.27%
|
Minimum
|
109.40%
|
110.57%
|
105.40%
|
106.46%
|
Maximum
|
115.32%
|
114.79%
|
119.28%
|
119.21%
|
[q5%, q95%]
|
[111.30%, 114.23%]
|
[111.51%, 113.89%]
|
[108.71%, 116.59%]
|
[109.11%, 116.50%]
|
Il convient d'abord de noter que les espérances
empiriques obtenues dans les quatre sous-cas sont très proches (moins de
0.1% d'écart entre l'espérance empirique la plus
élevée et la plus faible). On retrouve ici, à
l'échelle d'un plus grand échantillon, que le taux de croissance
moyen de l'encours sur la période est commandé par le niveau
d'inflation, qui a crû de 12.73% sur la période, dans le
cas de ðt =ð =0.002 que nous avons
retenu.
En revanche, l'influence sur la variance des résultats
apparaît très sensible à la valeur du paramètre
l d'une part et au modèle retenu pour la dynamique de
l'inflation d'autre part. On observe, en effet, des intervalles de confiance
empiriques bien plus larges dans le cas de l'inflation aléatoire. Par
ailleurs, dans le cas de l'inflation déterministe, l'écart-type
obtenu est sensiblement supérieur avec la base de clientèle plus
mobile. Ces remarques sont valables également dans les comparaisons des
valeurs minimales et maximales.
"La notation qy avec xE[0, 1]
désigne le quantile d'ordre x
40
Afin de disposer d'une base de comparaison plus
«visuelle», nous faisons figurer ci-après les histogrammes des
encours simulés Ä60 à horizon h = 5 ans
dans les cas l = 2 (bleu) et l=60 (rouge) avec une inflation
d'abord déterministe.
On retrouve graphiquement sur les deux histogrammes les
résultats numériques figurant dans le tableau : si la valeur
moyenne ne varie que très peu entre les deux cas, l'écart-type
lui est totalement différent. Il est ainsi près de 25% plus
élevé avec la base de clientèle plus mobile. On observe
ainsi une plus grande «concentration» des réalisations dans le
cas l =60 où la base de clientèle est plus
«rigide» et change peu de strate.
41
En comparaison, voici ce que l'on obtient avec une inflation
suivant une dynamique d'Ornstein-Uhlenbeck.
L'introduction d'une inflation aléatoire se traduit par
une augmentation de l'écart-type empirique d'environ 160% dans le cas
l =2 et d'environ 210% dans le cas l =60. La
dispersion des résultats apparaît donc bien plus importante
lorsque l'inflation est aléatoire.
Ce résultat est conforme à l'intuition : en
effet, le taux de croissance local de l'encours moyen, et donc de l'encours,
devient stochastique lorsque l'inflation est une variable aléatoire.
Notre capacité prédictive sur le moyen-long terme s'en trouve
donc sensiblement affectée.
Par conséquent, une plus grande mobilité de la
base de clientèle, ainsi que le caractère stochastique du niveau
d'inflation, sont des facteurs qui augmentent à la fois la
volatilité de l'encours et sa dispersion, c'est-à-dire sa
variance, à une date considérée. Alors que les taux de
transition semblent être les déterminants essentiels de la
volatilité, l'influence de l'inflation prédomine largement pour
l'écart-type. Ce n'est en effet que dans le cas d'une inflation connue
fixée que la mobilité des clients affecte sensiblement la
variance.
42
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