B- La régulation et la concurrence par la
réglementation en faveur des énergies renouvelables aboutissant
à une forme de libéralisation
L'objectif de l'Union Européenne est un un marché
concurrentiel comme en témoigne le considérant 8 de la directive
96/92 qui indique « que, dans le marché intérieur, les
entreprises du secteur de l'électricité doivent pouvoir agir,
sans préjudice du respect des obligations de service public, dans la
perspective d'un marché de l'électricité qui soit
concurrentiel et compétitif ».
Et la suppression de formalité peut passer par la
déréglementation afin de créer un marché libre.
La déréglementation dans son acception
générale est en effet « l'action de soustraire une
matière à l'empire du droit public en la rendant à la
liberté des conventions et à la loi du marché,
allègement du réseau contraignant qui enserre une
activité, désigne aussi la politique qui, inspirant cette
tendance, traduit un retour relatif au libéralisme économique et
un recul corrélatif de l'interventionnisme public (spectre du
dirigisme)107 »
Afin d'atteindre un marché concurrentiel, il faudrait donc
déréglementer.
Cette définition montre également le lien entre
libéralisation et déréglementation.
La libéralisation est une « tendance
législative à rendre plus libéral un système de
droit, à admettre ou à permettre plus largement un comportement,
une action, notamment par ouverture de nouveaux cas ou suppression de
formalités108. Son but est d'atteindre un marché
concurrentiel, cela dessert donc l'objectif de l'Union Européenne. La
libéralisation en règle générale passe donc par une
déréglementation. Ce que confirme Marianne Laigneau à
propos du marché de l'électricité.
Selon elle, « Dans l'esprit des rédacteurs des
directives de 1996 et 2003 relatives à l'ouverture du marché de
l'électricité à la concurrence, la libéralisation,
fondée sur le principe du libre choix de leur fournisseur par les
consommateurs devait nécessairement s'accompagner de la disparition de
toute forme de réglementation des prix de l'électricité
à l'aval. 109. »
Et cette déréglementation n'est pas seulement celle
du prix.
Afin d'atteindre un marché concurrentiel par la
libéralisation, il faudrait donc déréglementer.
107 Gérard Cornu « vocabulaire juridique » 2003
quatrième édition définition sous
déréglementation
108 Idem définition sous libéralisation
109 Marianne Laigneau « Vers de nouvelles règles du
jeu du marché de l'électricité : à propos du
rapport Champsaur » Rjep n° 667, Août 2009, repère 8
36
Néanmoins dans le cas de l'ouverture à la
concurrence du secteur de l'électricité, il semble que la
libéralisation soit en réalité passée par une
réglementation. Selon Jean-Yves Chérot à propos de la
libéralisation des secteurs économiques en général
: «On n'assiste donc, plus à une simple libéralisation
sous forme de déréglementation (suppression des droits
spéciaux et exclusifs), mais au remplacement d'un cadre
réglementaire ancien par un cadre réglementaire nouveau. La
libéralisation des réseaux dans le cadre d'une politique commune
n'est donc pas une déréglementation. Il convient donc de prendre
acte de ce que la libéralisation s'accompagne d'une
sur-réglementation110 . »
Et cela semble en effet le cas pour le secteur de
l'électricité.
Lorsqu'il est pris l'exemple des prix, L'État a du
intervenir afin de proposer des prix de gros de production d'énergies
nucléaire aux petits producteurs. Comme il a été
évoqué, il était en effet nécessaire de pouvoir
racheter de l'électricité à plus bas coût pour leur
permettre d'assurer suffisamment de production d'électricité et
de pouvoir concurrencer de manière effective. Comme concurrencer le
nucléaire par le nucléaire est excessivement difficile, ce moyen
s'adresse aux producteurs d'énergies renouvelables.
Mais cela n'a pas été immédiat, dans un
premier temps « L'objectif a été d'abord d'éviter
tout dérapage des prix comme s'il fallait donner l'impression rassurante
que rien n'a changé dans un monde où pourtant tout a
changé, tant en termes juridiques depuis le 1er juillet 2007 que, plus
fondamentalement, par la hausse mondiale des cours de l'énergie et la
priorité qui devrait être dorénavant donnée au
développement durable 111». Il était fait
usage de l'application des tarifs réglementés mais selon la
commission cela faisait obstacle à l'entrée sur la marché
des nouveaux producteurs car les prix réglementés étaient
trop bas pour qu'ils puissent les concurrencer. S'ensuivent donc ensuite les
mesures transitoires comme il a déjà été
évoqué qui ont maintenu les tarifs réglementés pour
les particuliers. Puis la proposition de rachat au pris de gros par la
commission Champsaur pour les producteurs concurrents d'EDF afin de «
mieux éviter ce paradoxe qui consiste à lier ouverture
effective des marchés et hausse des prix112 ».
L'État a donc déréglementé les prix,
en faisant référence à la citation de Martine Lombard.
Cela est ensuite passé par une nouvelle réglementation mais cette
fois-ci du prix de l'achat de l'électricité par les
producteurs.
L'État pour assurer un marché concurrentiel semble
en fait obligé de réglementer. La libéralisation voulue
par les directives de l'Union Européenne, ne pouvait s'effectuer seule.
La situation de monopole était bien trop ancrée. Le seul moyen
était donc de proposer une alternative, celle des énergies
renouvelables et de la soutenir par la promotion.
C'est par les autres formes de soutien aux énergies
renouvelables évoquées précédemment comme l'appel
d'offre qui relève de l'application du droit de la concurrence ou par la
réglementation des prix qui est le signe d'une politique de
régulation que cela se manifestera.
110 Jean-Yves Chérot « Droit public économique
» 2007. deuxième édition.
111 Martine Lombard « L'État face à
l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz : un
pompier pyromane ? » RJEP n°646 octobre 2007 repère 3
112 Idem Fabien Tesson note 96
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Cette régulation semble aller au delà du
mécanisme de régulation du marché assurée par la
Commission de Régulation de l'Énergie. En effet celle-ci s'occupe
de la surveillance des transactions effectuées sur les marchés de
gros d'électricité et de quotas d'émission de gaz à
effet de serre mais aussi des fonctionnements des marchés de
détail en donnant son avis sur les tarifs réglementés de
vente d'électricité jusqu'à la fin de la période
transitoire, c'est-à-dire le 7 décembre 2015. De même, elle
assure la mise en oeuvre des dispositifs de soutien à la production et
à la fourniture d'électricité en émettant un avis
sur les arrêtés tarifaires fixant les conditions d'achat et
concernant l'appel d'offre, elle assure la rédaction du cahier des
charges, le dépouillement des offres et émet un avis sur le
candidat sélectionné113. Elle poursuit donc des
impératif de régulation du marché.
Selon M.A Frison-Roche « Le droit de la
régulation économique se met en place, en grande partie sur les
cendres de l'organisation économique construite autour des monopoles
d'Etat en charge des services publics et dans la perspective de la
mondialisation. 114» ce qui est le cas en l'espèce.
Pour elle « l'objet du droit de la régulation n'existe que dans
des secteurs particulièrement ouverts à la concurrence et qui ne
peuvent pas en eux-même produire leur équilibre ». Il y
a donc cette idée d'équilibre du marché que l'on retrouve
dans la régulation du secteur de l'électricité.
Néanmoins, l'équilibre du marché passe par
une action plus poussée que celle de la commission de l'énergie
car la régulation utilisée emprunte la voie de la
réglementation. Cela se voit à travers la fixation des prix. Pour
Michel Bazex,
« La régulation empruntant la voie de la
réglementation, notamment tarifaire, est la solution classique, et elle
a connu une importance de plus en plus grande avec l'introduction des
règles de concurrence et leur opposabilité à l'action des
autorités publiques 115. Ce n'est donc pas impossible et
même souvent usité.
Pourtant la réglementation se distingue de la
régulation. « On ne fait plus aujourd'hui le contresens de
confondre la régulation avec le terme anglais de
'regulationÇlequel renvoie à la réglementation. En cela,
le vocable anglophone est à la fois plus restrictif que le concept
francophone, puisqu'il ne vise que la réglementation, et plus large
puisqu'il concerne tous les types d'interventions des autorités
publiques prenant la forme réglementaire. Pour distinguer ces faux amis,
un argument par l'absurde suffit: puisqu'il s'agit de langage, on observe que
des organismes qualifiés expressément comme des
«autorités de régulation. Par exemple l'Autorité de
régulation des télécommunications (ART), ne disposent pas
du pouvoir réglementaire, ce qui suppose que l'on peut réguler
sans réglementer »116. Or là justement cette
politique de régulation semble s'être faite par une politique de
réglementation de la part de la puissance publique qui elle
bénéficie d'un pouvoir de réglementation que ce soit au
niveau législatif ou réglementaire. La régulation sans
réglementation est elle assurée par la commission de la
régulation de l'énergie.
La politique de soutien aux énergies renouvelables est
donc allée plus loin qu'une simple régulation auquel
procède la CRE notamment en réglementant les prix, ou même
que l'application du droit de la concurrence. Elle a donc permis une forme
d'alternative
113 JCP Administratif « Electricité » fascicule
154 J-Y Simonnet de 190 à 192
114 M.A Frison-Roche « Définition du droit de la
régulation économique ». Concurrence distribution. Recueil
dalloz 2004 n°2
115 Michel Bazex « la régulation des tarifs
réglementés de vente du gaz naturel » revue droit
administratif n°10 octobre 2012 , commentaire 85
116 M.A Frison-Roche article précité note 101
38
au nucléaire en proposant son soutien aux autres formes
d'énergies et de ce fait, cela a eu pour effet de poser les bases d'un
marché concurrentiel.
L'équilibre du marché ainsi que la
libéralisation ne pouvaient donc s'effectuer seul, c'est en empruntant
la voie de la réglementation et par une régulation et
l'application du droit de la concurrence en faveur des énergies
renouvelables que ceci s'est réalisé.
Néanmoins, il est à noter que si la
libéralisation n'est pas encore tout à fait
opérationnelle, cela a permis des avancées. La promotion des
énergies renouvelables a également impacté le service
public de l'électricité.
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