2.1.2- Une organisation peu dynamisante du travail
2.1.2.1- Le mode d'acquisition des terres agricoles
Les exploitations de Dioscorea sp sont pour la
plupart des cas familiales. A Dimori, la terre appartient au roi de terre
appelé `'OUTANDAAN''. L'appropriation des terres de culture se
fait sans contrat avec les rois de terre ; la terre n'est pas vendue. Elle
est acquise soit par héritage car cette dernière est un bien
familial ou clanique en pays Bassar, soit par don ou emprunt selon les
relations qui lient les deux parties. La figure n°4 montre l'importance
relative de chacun de ces modes d'acquisition dans le canton de Dimori.
Figure n° 4 : Mode d'acquisition des
terres
Source : travaux de terrain,
2011
La figure n°4 ci-après indique que la
majorité, soit 64 % des enquêtés ont acquis les terre par
héritage de leurs ancêtres ; 23 % et 13 % respectivement par
le don et l'emprunt car ces deux dernières options sont celle des
immigrés.
Ceci révèle que la terre n'est pas encore une
marchandise et ne fait pas l'objet de spéculation dans le canton de
Dimori. Cependant, ce qui est important de remarquer dans ce contexte, c'est
que le système foncier est tel que l'on cède la terre à
qui veut la mettre en valeur. Les conditions de cession ne sont pas
associées au coût et les relations entre les
bénéficiaires et le donateur ne sont autres que celles
qu'entretiennent les populations autochtones. Le niveau d'intégration
des migrants est tel qu'il n'est pas facile, à première vue, de
les différencier des autochtones. C'est dans ce contexte social que
s'organise le travail.
2.1.2.2- L'organisation du travail
L'organisation des opérations culturales est
régit par le chef de ménage qui est en même temps le chef
d'exploitation. C'est ainsi qu'il détermine la parcelle à
cultiver, sa superficie et la quantité de la production destinée
à la vente. Toute la famille travaille sur l'exploitation ; mais
d'autres formes collectives de travail s'observent de nos jours dans le milieu
à savoir :
- l'entraide : c'est une organisation très
ancienne qui repose sur la solidarité du clan ; les paysans
travaillent à tour de rôle dans les champs. C'est également
une organisation philanthropique puisque les membres peuvent aller travailler
dans le champ d'un membre du clan qui est malade ou absent et même dans
celui d'un vieux travaillant seul ; il n'y a pas de
rémunération à la fin du travail seulement le
propriétaire du champ assure la restauration. Cette forme d'organisation
porte dans le milieu le nom de `'D'kpaméle''.
- `'N'doboï'' : importée du
Ghana, elle est une forme récente d'entraide ; ici, les paysans
sont en nombre restreint, généralement 4 à 8 personnes.
Ils travaillent aussi à tour de rôle ; mais elle
diffère nettement de la première forme.
En effet, elle est plus rigoureuse car il faut être
ponctuel pour le travail ; par ailleurs, elle engage moins de frais car
les seuls dépenses à effectuer portent sur la nourriture
à servir aux membres durant leur prestation. Or, dans la première
forme, en plus de cette nourriture, il faut très souvent préparer
de la boisson qui sera bue au retour du champ.
- le métayage ou `'Pah'' : c'est
une forme d'activité à but lucratif ou salarial ; il
présente deux cas de figures :
Dans le premier cas, le chef d'exploitation engage des gens
qui travaillent journalièrement selon une redevance financière
fixée ; cette dernière est déterminée en
fonction de la durée et de la nature du travail à faire. Ce cas
de figure importé du Ghana est appelé `'by day''.
Dans le second cas, le prix du travail est fixé selon
la superficie et la nature de celui-ci ; actuellement, il s'agit des
buttes dont une seule bien confectionnée coûte15 à 25 FCFA.
Ce n'est pas un prix fixe mais un prix débattu, c'est-à-dire
celui qui est obtenu par consensus après marchandage. Le ou les
travailleurs engagés peuvent achever leur tâche au bout d'une
journée ou d'une semaine selon la superficie ou le nombre de buttes
à confectionner et le salaire est fonction de ce nombre. Le plus
souvent, les travailleurs sont des gens venus d'autres villages plus ou moins
lointains en quête de travail rémunérateur ; ce
deuxième cas de figure tend à disparaître au profit du
premier du fait que les travailleurs engagés sont logés ni nourri
par le chef d'exploitation. Ceux-ci peuvent faire traîner le travail afin
de bénéficier de ces avantages ; or dans le premier cas, le
travailleur n'est pas logé et nourri, du moins en dehors du temps de
prestation sur l'exploitation, de plus, le travail est vite accompli car le
travailleur est payer selon le nombre de buttes fabriquées. Ainsi, plus
il travaille vite, plus il édifie un nombre élevé de
buttes. Et par conséquent, plus il a une rémunération
élevée.
Ces pratiques telles que `'N'doboï'',
`'Pah'' et `'By day'' sont
importées du Ghana pour deux raisons : d'une part, le canton de
Dimori fait frontière avec ce pays ; d'autre part, la plupart des
gens du canton ont vécu au Ghana où ils ont travaillé dans
les plantations de café et de cacao : fuyant les exactions
coloniales et même post-coloniales, certains s'y rendaient, d'autres y
allaient pour chercher du numéraire afin de pouvoir payer soit
l'impôt de capitation, soit la dot.
Dans l'ensemble, c'est une organisation traditionnelle
fondée sur la solidarité, l'union et la cohabitation pacifique du
milieu ; seule la troisième forme d'organisation est à but
salarial et c'est la plus pratiquée de nos jours comme le montre la
figure n°5.
Figure n° 5 : Forme d'organisation du
travail
Seul
13%
Avec la famille
23%
Entraide
15%
Métayage
49%
Source : Travaux de terrain,
2011
Il ressort en effet des données de la figure n°5
que près de la moitié, soit 49 % des enquêtés ont
recours au métayage pour les raisons suivantes : manque de mains
d'oeuvre familiale, car les enfants sont soit partis en ville pour
étudier, soit partis en aventure ou encore se sont
détachés de l'exploitation familiale. Seulement 23 % travaillent
avec la famille ; 13 % travaillent seul et 15 % ont recours à
l'entraide.
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