CONCLUSION
L'exercice de la liberté de manifestation est au centre
de la vie politique d'un Etat. A cause de sa nature qui permet la jouissance
des autres droits de l'homme, elle fait partie des droits garantis par les
instruments juridiques internationaux et nationaux.
Mais la proclamation de ce droit dans les textes n'a pas
empêché ses violations et ceux qui veulent l'exercer font face
à des obstacles en amont et en aval. Dans la plupart des
législations, le droit à la liberté de manifestation est
prévu. Il est aussi restreint en vue du maintien de l'ordre public et
des bonnes moeurs. Mais il se révèle que dans des Etats
tyranniques, ces restrictions ne sont pas simplement imposées en faveur
de la démocratie. Elles servent aussi à protéger un
régime en étouffant l'opposition et la société
civile.
Le nombre des manifestations réprimées à
sang est tellement élevé que cela préoccupe le conseil
des droits de l'homme ; à sa 15ème session, le
rapporteur spécial sur le droit à la liberté de
réunion et d'expression avait fait son rapport en décrivant un
tableau sombre de l'exercice de ce droit dans le monde.
L'exercice de cette liberté se heurte à
l'opposition des impératifs du maintien de l'ordre public et des bonnes
moeurs. Mais sa proclamation à l'article 26 de la constitution de la RDC
et sa forte répression dans la pratique, surtout au cours des deux
derniers processus électoraux, nous ont convaincus de chercher à
comprendre pourquoi le contraste entre ce qui est écrit et ce qui se
fait. Sachant que le constituant congolais de 2006 a institué le
système de l'information préalable en remplacement de celui de
l'autorisation porté par le décret-loi de 1999, nous
étions intéressés de savoir en quoi consisté
substantiellement cette réforme et de dire pourquoi, ce changement des
textes n'influe pas sur les attitudes et les habitudes des acteurs.
A l'issue de nos recherches, nous avons compris que l'exercice
de la liberté de manifestation pose problème en amont et en aval:
en amont, on enregistre plusieurs interdictions de manifestation et cela
à cause du déficit démocratique de la part des
autorités censées autorisées celles-ci et du manque criant
de tolérance de leur part; cela est aussi dû au non respect de la
législation en vigueur par les organisateurs des manifestations qui
tantôt décrètent des manifestations sans informer
l'autorité compétente tantôt, adressent des demandes en
violation de la législations en vigueur.
Ces interdictions en amont sont aussi dues à la non
clarté de la législation en vigueur qui proclame un principe sans
en préciser le contenu ni délimiter les compétences de
ceux qui sont chargés de le mettre en oeuvre.
En aval, les manifestations qui sont autorisées sont
impitoyablement réprimées par les forces de l'ordre, les
manifestants sont enlevés et d'autres sont soumis à des
traitements inhumains et dégradants. C'est le manque du
professionnalisme et l'absence d'une police formée pour protéger
les libertés que les rassemblements publics
dégénèrent aux carnages. L'emploi disproportionné
de la force ainsi que l'intention manifeste de vouloir protéger un
régime au détriment des libertés publiques sont à
la base de la violation de cette liberté en RDC.
Il faut aussi dire que certains manifestants et ceux qui les
infiltrent manquent le sens du respect des biens d'autrui et des biens
publics. Organiser une manifestation se présente aux yeux de certains
comme une occasion de piller et de détruire les biens publics et
privés.
Dans ces conditions, l'exercice de ce droit de l'homme passe
par l'adoption d'une loi claire qui explicite les droits et les charges de
chaque acteur d'une part, la vulgarisation des conditions érigées
en vue de son exercice pour permettre à ceux qui désirent
manifester de se soumettre à la loi. Sachant que les textes dans
d'autres pays ne sont pas mieux élaborés que celui qui est en
vigueur en RDC, nous pensons aussi qu'il y a un problème dans la culture
démocratique et la tolérance politique. Cela exige que ceux qui
sont chargés de prendre acte des informations intériorisent la
valeur sacrée et fondamentale de ce droit de l'homme.
Il faut aussi passer par la reforme des services de
sécurité dont le rôle doit être non seulement celui
du maintien de l'ordre mais aussi celui de la protection des libertés
publiques. Il faut passer d'une garde protectrice d'un régime à
des véritables forces nationales et républicaines de
sécurité.
Lorsqu'elle fait face à des débordements, la
police doit respecter les principes des Nations Unies relatifs à
l'emploi de la force et à l'utilisation des armes.
Les rassemblements qu'ils soient légaux ou
illégaux doivent être dispersés en faisant un usage
modéré de la force et en avertissant au préalable le
recours aux armes non meurtrières.
Dans tous les cas, la mise en place d'un observatoire des
manifestations publiques, composé des membres de la
société civile, jouera un rôle dissuasif aussi bien pour
les forces de l'ordre que pour les organisateurs des manifestations.
Le droit à la liberté de réunion et de
manifestation étant un droit
dit « thermomètre » de la démocratie et
porteur des autres droits, son exercice libre et sans entrave doit être
le souci aussi bien des gouvernants que des gouvernés. Le progrès
technologique s'accompagne avec le développement dans l'exercice de ce
droit de l'homme.
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