Mémoire portant sur "La liberté de Presse "( Télécharger le fichier original )par Mame Seydou BA Université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal - Maitrise droit des collectivités locales 2012 |
Paragraphe 2 : Le contrôle de légalité des loisDeux situations seront à envisager : le recours pour excès pouvoir (A) et les procédures d'urgence (B) A) Le recours pour excès de pouvoirLe recours pour excès de pouvoir peut être défini comme étant l'action par laquelle toute personne y ayant intérêt peut provoquer l'annulation d'une décision exécutoire par le juge compétent en raison de l'illégalité de cette décision. Le REP constitue l'arme par excellence du contrôle de légalité. C'est recours qui a été crée par la jurisprudence Française à partir des années 1830 mais en fait c'est la loi du 24 mai 1872 qui lui donne sa base textuelle. Il a été introduit dans le droit Sénégalais dés 1960 dans l'ordonnance n°60-17 relative à la Cour Suprême. Il est repris par la loi organique de 2008 sur la Cour suprême. Le recours pour excès de pouvoir est important à deux niveaux : d'une part, il est dirigé contre des actes exécutoires et d'autre part, ceux-ci sont pris par des autorités politiques. Déjà, la Constitution Sénégalaise fait du juge administratif le juge de l'excès de pouvoir25(*). Cette disposition consacre le caractère fondamental du REP au Sénégal qui n'est que le corollaire de l'article 82 de la constitution de 1963. En outre, Trois traits permettent de caractériser le REP : D'abord, le REP a un caractère objectif. Cela signifie qu'il est un procès fait à un acte. La seule question posée au juge est de savoir si l'acte attaqué est légal ou pas. Ainsi, les conclusions du REP doivent tendre à l'annulation de l'acte litigieux et exclure toute demande en réparation pécuniaire comme dans l'arrêt CS, 4 Mai 1977 Abdoulaye Ba / régie des chemins de fer du Sénégal où le juge Sénégalais affirme : « Attendu toutefois que le sieur Ba demande également que la régie des chemins de fer soit condamné à lui payer ledit traitement ainsi qu'une somme de 100.000 f à titre pour préjudice matériel et moral que lui a causé la décision attaquée ; mais attendu que ces conclusions, qui relèvent de la compétence du tribunal de 1ère instance, échappent à celle du juge de l'excès de pouvoir et sont par suite irrecevable ». Le juge Sénégalais a repris la même solution dans l'affaire Mamadou Lamine Diop 26(*) Ensuite, le REP a un caractère d'ordre public ce qui fait que l'on ne peut pas renoncer à son exercice, ni au bénéfice de la chose jugée en matière de REP. En effet, la renonciation à demander l'annulation d'un acte administratif illégal ne peut être opposée à celui qui aurait fait cette déclaration. De même, il est impossible de renoncer au bénéfice de la chose jugée car l'acte annulé sera considéré comme ayant été et comme restant annulé. Le requérant peut revenir sur son désistement ; les parties aussi peuvent se prévaloir en tout état de cause de la procédure d'un moyen tiré de l'annulation d'une décision prononcée sur un recours pour excès de pouvoir. En cas d'abstention des parties, le juge est même tenu de soulever un tel moyen. En outre, le REP est ouvert même sans texte en vertu des principes généraux du droit, contre toute décision administrative sauf dans le cas où une loi l'exclut expressément c'est à dire que le REP est un recours de droit commun.27(*) Enfin, le REP a un caractère d'utilité publique débouchant sur deux conséquences : · C'est un recours pratique car la jurisprudence interprète de façon libérale l'intérêt à agir des requérant. · C'est un recours qui s'exerce rapidement. En effet, les délais imposés en matière de REP sont rigoureux. Ils sont destinés à obliger les intéressés à ne pas différer l'exercice du recours pour excès de pouvoir Par ailleurs, le REP répond à des conditions cumulatives et qui sont généralement au nombre de quatre. Elles sont des règles d'ordre public. Elles sont relatives à l'absence de recours parallèle, à la nature de l'acte attaqué, à la qualité du requérant et enfin, aux délais et formes du recours pour excès de pouvoir. C'est l'article 83 de l'ordonnance du 3 septembre 1960, sur la Cour suprême, prévoyait que le recours en annulation n'est pas recevable contre les décisions administratives lorsque les intéressés disposent pour faire valoir leurs droits du recours ordinaire de pleine juridiction. Cette disposition, reprise de la jurisprudence du Conseil d'Etat français, tend à faire du recours pour excès de pouvoir un recours subsidiaire. Une disposition interprétée dans un sens large par la Cour suprême dans les affaires Mamadou Lamine Diop28(*), Babacar Lo Abdou Salam Diallo29(*), et enfin Souleymane Cissé c/ Ministre de la fonction publique30(*) où le juge Sénégalais a déclaré l'irrecevabilité du recours intenté par un agent non fonctionnaire du fait qu'il disposait d'un recours parallèle. S'agissant de la condition relative à la nature de l'acte attaqué, aux termes de l'article 35 de la loi 992-24 du 30 mai 1992 sur le Conseil d'Etat, le recours pour excès de pouvoir n'est recevable que contre une décision explicite ou implicite d'une autorité administrative31(*) et le juge l'a rappelé dans l'affaire Souléye Badiane.32(*) Et la jurisprudence dans sa définition de l'acte susceptible de faire l'objet d'un REP a dégagé deux conditions : Il faut qu'il s'agisse d'un acte d'une autorité nationale. Dans ce cadre, le recours ne peut être exercé contre les actes n'émanant pas d'une autorité administrative Sénégalaise. Le recours doit être aussi exercé contre un acte ayant le caractère d'une décision juridique. Ce qui exclut les actes matériels. En outre le recours ne peut être exercé contre les actes du gouvernement Ensuite, l'acte doit faire grief. Cela signifie que l'acte doit pouvoir modifier l'ordonnancement juridique. Ainsi sont exclus du recours pour excès de pouvoir les actes ne pouvant pas produire d'effets juridiques. C'est le cas des actes préparatoires33(*), des circulaires interprétatives34(*), des actes confirmatifs35(*) et des mesures d'ordres intérieur.36(*) Quant aux conditions relatives au requérant, elles se résument à deux : il doit non seulement avoir capacité pour agir, mais également intérêt à agir. La jurisprudence définit l'intérêt à agir comme correspondant à la notion d'intérêt froissé c'est à dire d'intérêt suffisamment caractérisé. L'intérêt peut être matériel ou moral, individuel ou collectif, réel ou potentiel. Lorsque le requérant est une personne physique, il doit justifier d'un intérêt personnel, légitime et direct. Concrètement, la jurisprudence exige une lésion morale ou matérielle des intérêts du requérant que ce dernier appartienne à une catégorie définissable. Par ailleurs la jurisprudence a admis le recours des associations, syndicats et groupements collectifs défendant un intérêt collectif.37(*) Dans ce cas, le recours est recevable s'il vise à la défense d'un intérêt collectif en rapport avec l'objet social de la personne. En revanche, le requérant doit remplir certaines formalités au moment de l'introduction de sa requête et respecter un certain délai. Pour les conditions de forme, la requête doit être présentée sous forme écrite et signée par un avocat. Elle doit porter indication des noms et domiciles des parties, et contenir un exposé sommaire des faits et des moyens ainsi que des conclusions et être accompagnée de la décision attaquée conformément à l'article 34 de la loi organique de 2008 sur la Cour suprême. Le requérant aussi à peine de déchéance, doit consigner la somme de 5000 FR au greffe du Conseil d'Etat, somme qu'il perd en cas de rejet de son recours (article 15 loi organique sur le Conseil d'Etat). La requête aussi, à peine de déchéance doit être accompagnée d'une copie de la décision attaquée et doit être signifiée dans un délai de deux mois à la partie adverse, par acte extrajudiciaire contenant élection de domicile chez l'avocat38(*) (article 20 de la loi organique sur le Conseil d'Etat et article 38 de la loi de 2008 sur la Cour suprême). Par ailleurs, le recours pour excès de pouvoir doit être introduit dans un délai de deux mois à partir de la notification s'il s'agit d'un acte individuel ou de la publication s'il s'agit d'un acte réglementaire de la décision attaquée. Mais ce délai ne vaut que si la décision est expresse. Sinon elle ne peut être formée que dans les 2 mois suivant la décision implicite de rejet résultant du silence de 2 mois de l'administration. Cependant, une procédure particulière permet dans certaines circonstances aux justiciables d'échapper à l'application d'actes illégaux qui n'aurait pas fait l'objet d'un recours dans les délais légaux : exception d'illégalité. Selon le professeur Bockel « c'est un incident de procédure, provoqué lors d'un litige sur venu à l'occasion de l'application d'un acte, et tendant à écarter cette application sous le motif de l'illégalité de l'acte premier ».39(*) L'exception d'illégalité est comme le REP une sanction contre la violation du principe de légalité mais ils se différencient à trois niveaux : Ø L'exception d'illégalité débouche sur la neutralisation de l'acte dont la légalité est contestée alors que le REP entraine l'annulation de l'acte litigieux Ø L'exception d'illégalité est une voie de droit incidente intervenant à l'occasion d'un procès où le requérant conteste la légalité d'un acte qu'on veut lui faire appliquer alors que le REP est une voie de droit normale, c'est un recours par voie d'exception Ø Enfin il faut noter que l'exception d'illégalité peut être invoquée à tout moment alors que le REP est encadré dans un délai de deux mois. L'exception d'illégalité n'a dons pas pour effet de prononcer la nullité de l'acte concerné, qui demeure en vigueur ; mais aboutissant à en constater l'illégalité, elle a pour résultat d'en écarter l'application en l'espèce. Il est évident toutefois qu'une telle constatation rend l'acte fort précaire, et l'administration est souvent amenée à l'abroger ou le modifier. C'est pourquoi c'est une voie de droit moins protectrice que les précédents. En revanche, l'urgence peut permettre aux justiciables de saisir le juge par le biais d'autres procédures spéciales. * 25 Article 92 de la constitution Sénégalaise * 26 Cs 23 mars 1966, Annales Africaines 1973, p.257 * 27 CE ASS.17 février 1950, Ministère de l'Agriculture c/ Dame Lamotte, GAJA n°77 * 28 CS 23 mars 1966 Mamadou Lamine Diop op.cit. * 29 CS 23 mai 1966, Babacar LO et Abdou Salam Diallo RLJ 1966.12 Ann. Africaine 1973 p.258 * 30 CS 12 juillet 1972,175 GDJAS n°3 * 31 Disposition reprise par l'article 78 de la loi organique 2008-35 du 7 aout 2008portant création de la Cour suprême * 32 CE 24 août 1996, bull. n°55 p.111 * 33 CS 18 juillet 1962, Amadou Alpha Kane, GDJAS T1 p.47 * 34 CE 29 janvier 1954, Institution Notre Dame du KREISKER GAJA n°89, Sénégal : CE 26 avril 1995 Abdou Fouta Diakhoupa Bull. n°1 p.95 * 35 CS 5 janvier 1978 Cheikh Anta Diop GADJAS n° 10 * 36 CE 17 février 1995 Pascal Marie et Hardouin, GAJA n°111 * 37 CE 28 décembre 1906, Syndicat des patrons coiffeurs de Limoges GAJA n°18 ; au Sénégal : CS 22 janvier 1975, Ousmane Diallo, GDJAS n°8 * 38 CS 26 avril 1984 Fara Ndiaye et autres, RIPAS n°10 avril-juin 1984 p.664 * 39 A. Bockel Droit administratif, Nouvelles Editions Africaines, 1978, p.121 |
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