Section 2 : ENJEUX DES ACTIVITES EXTRA-FINANCIERES
POUR
LA CREATION DE VALEUR
La mise sur pied de politiques RSE revêt des enjeux qui
se situent aussi bien au niveau opérationnel (court terme) qu'au niveau
stratégique (long terme). Au niveau opérationnel, l'enjeu RSE
dans une logique de création de valeur se traduit en termes de
couverture du risque de réputation. Tandis qu'au niveau
stratégique, cet enjeu se traduit plutôt en termes de performances
économique et financière (donc de création de valeur).
Dans cette section, nous nous proposons de dégager les liens
théoriques entre RSE et risque de réputation d'une part ; et
d'autre part, entre RSE et performance économique et
financière.
II - 1 - Des modèles de la création de valeur
à la couverture du risque de réputation
La mise en oeuvre de la responsabilité
sociétale au sein des entreprises génère des coûts
supplémentaires. Dans cette perspective, rien aujourd'hui ne peut
déterminer le type d'investissement RSE qu'il serait rationnel de
réaliser. Cependant, Mc Williams A. et Siegel D. (2001)
jettent les bases d'une RSE rationnelle basée sur la maximisation du
profit à travers une série d'hypothèses en termes de
coûts/avantages de la RSE Mail, il est à noter que tout ceci se
fait dans un objectif de création de valeur. Au juste, de quelle valeur
s'agit-il ?
II - 1 - 1 - Les différentes variantes de la
création de valeur
Plusieurs approches de la création de
valeur existent. Elles se distinguent selon qu'elles sont créées
pour les actionnaires (valeur actionnariale), pour l'ensemble des parties
prenantes (valeur partenariale), pour faire face aux concurrents (valeur
stratégique) ou simplement pour améliorer la qualité du
management (valeur organisationnelle).
II - 1 - 1 - 1 - Le modèle
« shareholder value » : une approche
dépassée
Le modèle qui fait de la valeur actionnariale
l'indicateur unique de performance des dirigeants correspond à
l'approche contractuelle du droit américain et anglais des
sociétés (COB, 2000). L'entreprise appartient
aux actionnaires qui choisissent les dirigeants et leur délèguent
le pouvoir de gérer celle-ci pour maximiser la valeur des actions.
Aussi, comme l'affirme si bien Desbrières P. et
Mercier S. (2001), les théories de la nouvelle gouvernance
d'entreprise et de l'agence se sont intéressées à ce
nouveau rapport entre actionnaire et dirigeant, et leurs conclusions ont
conduit à proposer un nouvel équilibre des pouvoirs plus
favorable à l'actionnaire. Mais, sur la base de quel indicateur va-t-on
valoriser la valeur pour l'actionnaire ?
Dans un contexte de marché financier très peu
développé comme celui des pays les moins avancés, la
valeur actionnariale se limite au résultat obtenu par la firme
(dividende). Ce dividende est traditionnellement réparti entre les
actionnaires après affectation d'une part en réserves et
constitution (ou extinction) éventuelle d'un report à nouveau.
Cependant, la valeur actionnariale reste une approche
« égoïste » de mesure de la valeur
créée car, elle exclue les autres acteurs qui contribuent
directement (managers et salariés), ou indirectement à
créer des richesses pour l'entreprise (les autres stakeholders). Une
conception plus complaisante de la création de valeur est la valeur
partenariale.
II - 1 - 1 - 2 - Le modèle
« stakeholders value » : une approche
conciliante
Ce modèle est proche du droit des
sociétés français, qui fait de l'intérêt
social la "boussole de l'entreprise" (Dial J. et Murphy K.,
1995). Cette perspective implique que l'analyse de la création
de la valeur est indissociable de sa répartition. Elle attire
également l'attention sur les possibilités de transfert entre
parties-prenantes.
Ainsi, pour Igalens, J. et Gond J.P. (2003),
la création de valeur pour les actionnaires ne représente une
véritable création de valeur que si elle ne se fait pas au
détriment d'une autre catégorie de parties-prenantes. C'est le
cas par exemple pour les salariés, les sous-traitants et les clients.
Cette dernière remarque repose la question de la mesure de la
performance en liaison avec le processus de création de valeur. Car, une
mesure fondée exclusivement sur l'enrichissement des actionnaires peut
entraîner une désincitation, un découragement voire
même une frustration des salariés ; or, il est vraisemblable que
ces derniers jouent un rôle déterminant dans la constitution du
capital spécifique à l'origine même de la création
de rentes.
Cet aspect de la création de valeur a
déjà été mis en exergue dans la conception
pluraliste de la gouvernance d'entreprise. Outre les valeurs partenariales et
actionnariales, d'autres approches de la création de valeur ont
également été proposées.
II - 1 - 1 - 3 - Les dimensions stratégiques et
organisationnelles de la création de valeur
Même si on peut regretter que ces approches ne
bénéficient pas du même intérêt que celui
porté actuellement aux approches shareholders et stakeholders, la
création de valeur en tant qu'outil du management stratégique est
essentielle pour améliorer l'efficience et l'efficacité de
l'entreprise.
La valeur stratégique (ou concurrentielle) a trait aux
relations de l'entreprise avec son environnement. Cette approche
privilégie l'idée selon laquelle pour faire face à la
concurrence, l'entreprise doit non seulement satisfaire directement la
clientèle (politique de prix abordable), mais également, elle
doit mener des activités extra-économiques susceptibles de
préserver cette clientèle et d'accroitre sa part de
marché. Dans cette perspective, des auteurs comme Etoundi G.
(2010) et Carroll A.B. (1999) ont pu mettre en
exergue, l'impact des activités extra financières (notamment de
responsabilité sociétale) sur le management et la
compétitivité d'une part (Etoundi G.) et la performance
sociétale d'autre part (Carroll A.B.).
La valeur organisationnelle quant à elle, se rapporte
à la qualité du management et du fonctionnement de l'entreprise.
Il s'agit d'une analyse approfondie de la valeur partenariale qui a
été effectuée par Charreaux G. et Desbrieres P.
(1998). Elle remet au devant de la scène, l'importance
grandissante du salarié dans le processus de création de valeur.
La performance des employés de l'entreprise se répercute
directement sur sa capacité à créer de la richesse. Si tel
est le cas, les salariés méritent bien une certaine
reconnaissance (primes, gratifications, tantièmes, etc.) de la part des
propriétaires. Car, comme le souligne Etoundi G. (2010)
« une part de l'actionnariat doit être détenue par les
salariés, car cela constituerait une source d'émulation et un
moyen d'implication à l'atteinte des résultats ».
Les conceptions partenariales,
stratégiques et organisationnelles de la création de valeur
traduisent la volonté du gouvernement d'entreprise, de créer une
valeur pérenne en entreprise. Un tel objectif n'est possible que si les
dirigeants d'entreprises adoptent des comportements RSE qui garantissent la
création de richesse à long terme. Toutefois, les investissements
RSE engendrent des coûts supplémentaires à court terme dont
l'acceptation réside dans la couverture de ce qu'il convient d'appeler
le « risque de réputation ».
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