4.3.6. Attendre entre le débardage et le semi :
Généralement, les paysans sèment
approximativement trois jours après le débardage et les derniers
petits feux pour avoir le temps de bien vérifier que le brûlis est
net, qu'il n'y ait plus de bois à débarder et brûler et que
les jours sacrés ne coïncident as avec les jours du semis. Un semis
suivant rapidement les petits brûlis est bénéfique pour la
fertilité de la terre158. Les cendres fertilisantes,
pénètrent le sol humidifié en profondeur.
156 Traductions non enregistrées.
157 Traduction non enregistrée.
158 Une large partie des éléments minéraux
de la friche calcinée se perd si le temps de développement des
cultures est trop long. O. Ducourtieux : 2006 : 36.
Cette année, un nombre important de paysans ont attendu
beaucoup plus longtemps avant de semer. Cette originalité est due selon
eux, à l'attente des premiers orages à la date du nouvel an
(approximativement du 12 au 16 avril). Cependant, les orages ne sont parfois
pas suffisants pour commencer à semer et espérer des pousses
rapides. Une période de sécheresse peut suivre le brûlis,
retardant l'arrivée des pluies et les semis. Les paysans
préfèrent attendre les premiers orages, signes de
l'arrivée de la saison des pluies, plutôt que de perdre leurs
semences asséchées.
Une autre raison de l'attente s'est expliquée par l'aide
que certaines familles apportent à d'autres familles
prioritaires159 pour semer.
Enfin une dernière raison de l'attente entre le
débardage et le semis est la construction de barrières de
rizières inondées protégeant des animaux.
4.3.7. Protéger les cultures :
L'augmentation de ses productions lui a valu de faire beaucoup
plus attention aux prédateurs. Il doit désormais prendre plus de
temps pour construire seul des barrières et des pièges contre les
rats et les cochons.
Il fabrique des barrières composées de 6 poteaux
horizontaux mis en parallèle sur 1 m 60 de hauteur. Pour effectuer le
tour du champ il doit donc récupérer une quantité
importante de bois, les couper aux bonnes tailles, les apporter sur le lieu de
construction et monter les poteaux un par un. Tous les hommes du village
effectuent ce travail seul, entre deux travaux, lorsqu'ils ont du temps. Ils ne
terminent pas les barrières en une seule journée. Ils reviennent
souvent, par petits moments, agrandir la barrière.
Il suspend aussi des rubans colorés emprunts de produit
à lessive. Les cochons qui viennent y goûter ne pensent plus y
revenir avant un moment.
Il dépose aussi dans son champ du riz associé
à du poison et fabrique parfois une sorte de petit moulin à eau
qui actionne un pilori, faisant croire à la présence humaine dans
le champ lorsque personne n'est effectivement là.
4.3.8. Les semis160 : Après
avoir coupé, brûlé, débardé, les villageois
passent à l'étape la plus symbolique, la plus sensible aussi pour
l'avenir de leur culture, le semis.
La famille du jeune marié plante 30 kg de chaque
espèce de riz, c'est à dire 3 sacs «à viande
»161 : Une espèce de riz gluant162
appelé crao tam hom163 dans le bas de son essart
pluvial et une autre espèce de riz gluant appelé crao
noy164 dans le haut.
Ils ont toujours une seule production de riz pluvial par an,
pendant la saison sèche.
159 Essentiellement des personnes âgées ou
malades.
160 Pouc en langue lao.
161 Colong en langue lao. Unité de
référence pour parler des quantités plantées ou
récoltées.
162 Crao niao en langue lao. A ne pas confondre avec
crao jao qui est le riz dit normal, non glutineux.
163 En langue lao.
164 En langue lao.
Monsieur Paeng plante d'abord les légumes et les arbres
fruitiers165. Il plante ensuite les piments166, le
maïs et enfin le riz.
Aucun engrais n'est ajouté sur les champs mais du
désherbant est appliqué uniquement sur les digues afin de pouvoir
marcher et travailler facilement dessus.
Dans le bas de leur seul essart d'un hectare, ils
sèment du riz glutineux de l'espèce crao palan et dans
le haut du crao tem. Ils sèment 18 kg de riz dans le haut de
l'essart en association avec du maïs et du sésame dans le bas
d'essart.
La femme et les filles du chef du village sèment 5
graines par trous espacés de 20 cm. Les 20 cm sont mesurés
à l'aide de l'écartement des doigts de la main, du pouce à
l'index. Ils sèment en priorité du maïs puis des
légumes et le sésame dans le bas de l'essart. Elles sèment
quelques semaines plus tard le riz dans le haut de l'essart.
L'association du maïs en quantité importante, des
légumes et du riz est rare car les paysans préfèrent soit
cultiver du riz soit cultiver du maïs mais en quantité suffisantes
pour rapporter assez de ressources alimentaires ou financières pour
toute l'année. Cette demi-mesure effectuée par la famille du chef
n'est pas répandue à toutes les exploitations. Elle peut
illustrer une volonté de limitée les risques d'échec de la
vente de maïs ou de certaines récoltes. « L'échec d'une
production ne remet pas en cause l'économie familiale qui peut s'appuyer
sur les autres récoltes. >>167 Cette association des
cultures contribue aussi à l'équilibre calorique et protidique de
l'alimentation de la famille. Le calendrier de chaque espèces permet un
étalement du travail requis qui ne surcharge pas le poids de travail
pour chaque actif168.
Les cultures plantées en premiers, les primeurs comme
le maïs, « permettent de protéger les jeunes pousses >>
semées plus tard et « la couverture maximale du sol limite
l'érosion (...) et la concurrence par les adventices
>>169.
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