WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Savoirs et savoir- faire locaux face aux politiques agraires: diagnostic d'un système agraire dans un village Khamou ou du Nord Laos

( Télécharger le fichier original )
par Pierre- Yves Heurtier
Université Aix-Marseille 1 - Master 2 anthropologie sociale et culturelle 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4.3.2. Technique de coupe152 :

Selon Monsieur Paeng, la coupe des grands arbres est pratiquée en faveur d'une bonne récolte. Il vaut mieux couper tous les arbres, n'en garder aucun.

Chaque année, durant 10 à 15 jours, il a besoin de salarier 25 à 30 personnes pour la coupe. D'habitude il commence le premier mars de chaque année parce qu'il doit brûler son champ avant le nouvel an lao (du 12 au 16 avril).

Cette année, les autres villageois avaient déjà défriché lorsque Monsieur Paeng commença a défricher une semaine avant le nouvel an. Il ne fit donc pas comme ses voisins, mais cela s'explique par la nature de la friche d'essart-jardin à couper. Cette dernière était âgée d'un an, ne possédant qu'une végétation herbacée. L'herbe coupée juste avant la limite acceptable du nouvel an, fut donc rapidement sèche et brûla le 11 avril, la veille du Jour de l'An lao. Cependant, cette action signa la marginalité, l'individualisme de Monsieur Paeng, qui ne faisait pas comme ces voisins et risquait de s'approcher temporairement trop près des premiers orages interdisant tout brûlis, de chevaucher les dates limites traditionnelles et d'une certaine façon les habitudes respectueuses des traditions, des esprits et de leurs sentiments vis à vis des mauvaises façons de faire. Monsieur Paeng ne s'en souciait pas, au contraire de ses voisins. Il réussit le tour de force de gérer lui-même le choix de la date de défrichage, sans le calendrier traditionnel et avec ses connaissances et adaptations personnelles limitée de la météorologie.

Il n'y a pas de répartition du travail. Tout le monde travaille ensemble, en ligne, du bas vers le haut de l'essart, coupant partiellement trois arbres en montant, puis un arbre entièrement qui s'écroule sur les autres et fait tout tomber comme des dominos. Les travailleurs suivent les choix du propriétaire qui choisit souvent de commencer la coupe dans le bas de l'essart à un endroit où il y a le moins d'arbres à couper, pour pouvoir commencer doucement la coupe.

Le travail dans son essart n'est pas ressenti comme énormément éprouvant car il y fait frais grâce à l'humidité des ruisseaux proches et aux grands arbres, et les déplacements sont faciles grâce à la présence des grands arbres et non des herbes.

Les difficultés des travaux de coupe viennent des dangers que l'on doit éviter en portant des chaussures et des gants sous une chaleur de saison sèche, déséquilibré par une pente parfois très raide et circulant dans une végétation parfois épineuse, augmentant encore la pénibilité du travail.

Monsieur Paeng comme d'autres villageois parlent souvent de la fatigue153, de la pénibilité du

152 thang pa en langue lao.

153 muai lai en langue lao.

travail. Leurs objectifs quotidiens sont de travailler rapidement à leurs activités puis de rentrer se reposer, manger et passer une bonne soirée entre amis.

Seuls les enfants ne participent pas à la coupe, trop dangereuse pour eux. Il y a 19 ans, une jeune fille de 6 ans se trouvait dans un essart en train d'être coupé et reçu un tronc qui s'abattit sur sa tête. Elle tomba longtemps dans le coma et devint sourde et muette. Aujourd'hui Mademoiselle Sang ne vit plus au village. Elle a déménagé en ville et revient quelques jours par an voir sa mère, seule avec les cadets. Mademoiselle Sang n'apprécie guère le milieu rural dans lequel elle est née mais a, par-dessus tout, peur de se rendre en forêt. Les travaux de coupe sont donc considérés comme dangereux, essentiellement pour les enfants, mais un manque de main d'oeuvre et d'engins mécaniques les oblige à aider leurs parents.

Tout le monde amène sa machette à lame droite. Un villageois se propose d'aiguiser les lames les jours précédents la coupe. Ses parents Il recevra pour une journée de travail, environ 3000 kips. Aux champs, les travailleurs aiguisent leurs outils à peu près toutes les heures et demies. Une machette de mauvaise qualité (environ 10.000 kips) peut ne s'utiliser que 5 jours après avoir été endommagé durant la coupe. Les meilleures machettes à lames droites doivent, selon

Monsieur Paeng, avoir 4 cm de large, 35 à 40 cm de long et 1.3 cm d'épaisseur. Le manche est fourré la lame doit être en bambou et non en bois. Ces machettes de qualité proviennent de

Thaïlande, coûtent 20.000 kips et les machettes de qualités moyenne coûtent 18.000 kips et viennent de Chine comme les outils de mauvaise qualité. Ces prix élevés pour des villageois khamou obligent souvent à préférer acheter des machettes à 10.000 kips de mauvaises qualités. Tous les villageois utilisent pratiquement les mêmes machettes, s'approvisionnant dans les marchés locaux.

La coupe ou le défrichage de parcelles correspond au premier travail du paysan. Cette première étape déterminera l'évolution des travaux. Le choix des dates de coupe sont fonctions de multiples aléas. D'abord fonction des obligations traditionnelles : les jours de coupe ne coïncident-ils pas avec le jour des parents défunts et le jour de l'hommage aux esprits du village, dates auxquelles tout travail est interdit ?, les aléas sociaux : la main d'oeuvre est-elle disponible aux bons moments ?, le paysan respecte t-il le milieu traditionnel dans lequel il vit et travaille ?, a t-il l'expérience de la coupe, du terrain ? Il faut absolument couper les arbres de manière à ce qu'ils se chevauchent les uns sur les autres et qu'il n'y est pas d'espaces vides. Toute la parcelle doit être un amas de bois, de feuilles et d'herbes. Dans ces conditions, le feu d'après séchage consumera de façon régulière l'abattis et ne laissera pas de bois seuls à rebrûler.

Pour faire chevaucher les arbres de l'abattis, les paysans commencent toujours par couper les arbres de bas de la parcelle pour remonter vers le haut. Ils ne coupent pas tous les arbres entièrement. Ils attaquent à 1 m-1,40 m les deux cotés des troncs de 3 arbres qui se superposent et coupent entièrement le quatrième qui tombe sur les trois du dessous. Les paysans conservent ainsi leur énergie pour les longues journées dans l'abattis.

4.3.3. Le séchage prend, selon Monsieur Paeng, entre 30 et 40 jours. Durant cette période, les villageois préparent des herbes à paillotes pour construire une cabane dans chaque champ et préparer des bois pour faire des haies de champs protectrices des prédateurs.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld