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Savoirs et savoir- faire locaux face aux politiques agraires: diagnostic d'un système agraire dans un village Khamou ou du Nord Laos

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par Pierre- Yves Heurtier
Université Aix-Marseille 1 - Master 2 anthropologie sociale et culturelle 2006
  

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3.14. Les marchés :

Les villageois se rendent principalement aux marchés de leur village, à Pak Nam May et à Sam

134 Le cycle de soixante est également utilisé chez les Khamou pour nommer les années : 1995 était une année raapke d'où un siècle de 60 ans.

135 Tayanin 1994 : 62-63-65.

Phan Xay. Chaque marché a lieu tous les 10 jours. Le premier marché local est à Sin Xay. Le lendemain le marché à lieu à Lat sang, le sur-lendemain à Bouamphanh et enfin à Muang Khoua.

Le plus gros marché se situe à Lat Sang. A 60 km de bouamphanh, à mi chemin entre Sin Xay et Khoua, il est localisé sur la route bitumée qui se poursuit jusqu'au Viêt-nam, à Dien Bien Phu.

Le village de Sin Xay est pourtant le véritable carrefour dans la région. Il est situé à l'intersection des routes qui mènent à l'Est et au Nord. Il pourrait être le marché le plus attrayant. Les habitants des montagnes au nord d'Oudom Xay, Muang La, Lat sang et Khoua se trouvent approximativement à la même distance de Sin Xay.

Les responsables du village m'ont d'ailleurs fait savoir que les responsables du district de Khoua souhaitaient développer Sin Xay. La première maison en ciment a été construite cette année. De nombreuses familles viennent s'y installer pour monter des épiceries-restaurants pour les voyageurs et une famille à construit une maison d'hôte modeste de 2 chambres et 6 places. Un commissariat et de nombreux policiers sont présents pour contrôler les allers et venues des groupes ethniques montagnards.

Développer Sin Xay serait un avantage pour les villageois de Bouamphanh qui ne seraient lus qu'à 20 km et 30 minutes du plus important marché avoisinant.

Aux marchés, il fut intéressant de constater que les villageois ne savaient pas quelle origine avait le riz qu'ils achetaient. Aucun écriteau ne pouvait leur faire connaître les provenances des biens de consommations et les vendeurs parlaient rarement lao mais chinois. Sans l'expérience de certains villageois, ils n'auraient pas pu connaître l'origine de ce qu'ils mangeaient. Il semble que l'absence d'indication sur les origines des denrées alimentaires ne soit pas un soucis pour les villageois.

3.15. L'organisation du travail villageoise : Affaiblissement de l'entraide.

Les parcelles ne sont pas travaillées en commun avec d'autres familles. L'assolement est dit dispersé après l'exécution du programme d'allocation des terres entériné en 2000. Chaque famille est relativement indépendante pour choisir les modalités d'exploitation de leurs parcelles. Les cinq groupes de travaux agricoles, constitués par le conseil des anciens, servent aux besoins urgents. L'entre aide régulière n'est donc pas appliquée.

Ces manques sont dus à différentes raisons.

D'abord à une moyenne d'âge très jeune de la population ne permettant pas d'avoir une main d'oeuvre disponible et expérimentée toute l'année (uniquement en période de vacances scolaires : deux mois).

La privatisation des terres, l'assolement dispersé et le caractère pluriethnique villageois combinés renforcent aussi les liens. Les identités ethniques s'en trouvent raffermies (« Ici, c'est un village khamou », « Il y a beaucoup d'ethnies, Cinq !»), faisant bien savoir que les Khamou sont majoritaires et que la présence des autres ne changera pas l'appartenance khamou de Bouamphanh.

Le manque de terre tant affiché par certain villageois ne peut s'envisager que pour certains paysans pauvres en comparaison de leurs voisins.

Il s'agit bien souvent des nouveaux arrivants appartenant aux minorités ethniques villageoises qui connaissent des difficultés souvent combinées : un manque de main d'oeuvre du au jeune âge des membres de la famille et parfois à leurs états de santé médiocres ; un manque d'entraide ; une réduction des surfaces cultivables ; un appauvrissement des terres ; des outils de mauvaises qualités et parfois de l'inexpérience des terrains du nouveau village ;

l'impossibilité d'accéder à des rizières de vallons pourtant plus productives que les essarts. Cependant, un nombre important de familles khamou se plaignent d'un manque de terres pour vivre mais souhaiteraient en faire des productions de rente.

Si un manque de terres cultivables est réel, les priorités doivent aller aux bénéfices des plus pauvres du villages qui n'ont pas assez de terres pour vivre et non pour commercer. Le souhait communautaire devrait être que toutes les familles soient autosuffisantes. Cependant l'avis général serait plutôt de faire des réserves financières sans s'occuper des nouveaux arrivants qui n'ont pas de quoi être autosuffisants.

Un certain caractère privatif et individualiste se développe donc au village et l'entraide commence à donner des signes d'essoufflement.

Il est remarquable de noter qu'Yves Goudineau136 avait déjà noté dans un village similaire à Bouamphanh, habité par des populations khamou de la province de Phongsaly, relocalisées depuis 10 ans, que l'entraide villageoise avait diminué au profit d'un salariat villageois. Les villageois les plus anciens ne faisaient pas tourner les meilleures parcelles.

Dans le cas de Bouamphanh, la situation est comparable puisque la majorité des rizières irriguées est désormais acquise en droit de propriété. L'exploitation de ces parcelles ne sera pas villageoise. Elles ne pourront pas être redistribuées à de nouvelles familles malgré l'importance qu'elles avaient dans le choix de venir s'installer à Bouamphanh. La privatisation des terres paraît être le premier facteur de l'amoindrissement de l'entraide. L'assolement dispersé qui rend relativement indépendante chaque exploitation familiale est aussi la source de la diminution de l'entraide.

L'assolement réglé présentait pourtant des avantages vis à vis de l'économie de travail pour les clôtures (clôturer en commun un seul pan de forêt villageois est une économie de temps et d'énergie), un mode de travail en commun qui permet l'entraide sur des parcelles adjacentes lors de certains travaux où la main d'oeuvre nombreuse est indispensable (sarclage). Ce mode d'assolement réglé réduit donc les différenciation sociales et l'écart économique entre les familles.

Le passage de l'assolement réglé au dispersé serait dû, selon certains travaux,137 à la réduction de la surface disponible à la culture après l'exécution de l'allocation des terres et aux tensions villageoises qui en découlent pour la gestion agricole. Il serait dû aussi à l'augmentation de la densité de la population comme dans le cas de Bouamphanh.

Les dépendances intra-villageoises sont les faits des cérémonies auxquelles ils doivent participer pour fertiliser les parcelles, des dates suivants celles que le chamane choisira pour semer, des dates que leurs voisins de parcelles choisiront pour brûler leurs champs138.

136 Y. Goudineau, 1996.

137 Keonuchan 2000.

138 Voir « Technique de brûlis » dans « L'itinéraire technique ».

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon