3.3. Rester à Bouamphanh !:
Les nouveaux arrivants sont aujourd'hui très heureux
d'habiter Bouamphanh car ils ont plus de potentiels d'achats et de vente, plus
d'aides extérieures, une mobilité plus importante, plus de
relations avec leurs parents et amis.
Ils se sont aussi installés à Bouamphanh pour
l'attrait que comportait la disponibilité des rizières
irriguées de vallons.
Ils ne souhaitent donc pas retourner dans leur ancien village
dans lequel ils avaient encore plus de difficultés alimentaires sans
rizières de vallons. << La vie était plus difficile avant !
».
Les rizières sont pour eux plus importantes que les
produits forestiers et donc plus importantes
que la forêt. Ils préfèrent vivre dans un
village qui a des rizières irriguées sans forêts
plutôt que dans un village qui n'a pas de rizières irriguée
mais plus de forêts.
3.4. La piste :
La piste 1B qui traverse Bouamphanh fut construite de 1978
à 1996 par des techniciens chinois et des ouvriers locaux et chinois.
Les premiers véhicules circulèrent difficilement en saison
sèche de l'année 1980. Les villageois de Bouamphanh se sentent
avantagés par rapport à ceux n'ayant pas de piste dans leur
villages111.
3.5. L'installation à Bouamphanh et au bord de
la piste :
Beaucoup de familles ayant emménagé
récemment disent être venues volontairement.
Selon les villageois, le village de Bouamphanh a plusieurs
avantages qui ont motivé leurs venues. Des rizières
irriguées étaient libres d'exploitations et une infirmerie, une
école, un marché et une piste rejoignant le Nord du Sud de la
province étaient en prévisions à l'époque de leurs
arrivées.
Nous pouvons noter que tous ces avantages n'ont
été rendu possibles que par l'exécution du programme
d'allocation des terres qui permis un zonage précis du finage, puis par
le caractère convaincu des villageois voisins de Bouamphanh que le
village avait un potentiel à développer et qu'il fallait venir
s'y installer pour exploiter ses terres. Une fois le nombre d'habitants ayant
dépassés les 500, le village pu recevoir l'aide d'une O.N.G.
américaine qui développa les infrastructures scolaires,
sanitaires et agricoles112 et permis un meilleur amortissement des
frais de développement.
Ces informations tirés des entretiens rejoignent les
conclusions de plusieurs autres travaux sur les motivations des migrations.
Yves Goudineau113 y avait vu trois facteurs principaux. Le
gouvernement autorisait et facilitait les départs des villages aux
conditions de vies difficiles (villages isolés sans accès aux
ressources étrangères hormis les leurs, aux soins...). Les
déplacements résolvaient le problème de
l'épuisement des essarts de riz pluviaux en proposant d'accéder
à des rizières irriguées, symboles de rendements
supérieurs et de développement économique et social, sur
l'exemple des Lao-Thaï. Une nouvelle génération de
villageois refuse de vivre comme autrefois et veut changer de métier,
acquérir de nouveaux savoirs, bénéficier d'infrastructures
et de services publics de proximité.
Les populations ont bien été convaincus par les
autorités d'immigrer vers des localités oà«
l'opportunité d'aides extérieures » et le « recours des
différentes agences de développement » allait faciliter les
nouveaux arrivants.
111 Les ruraux avec et sans accès aux routes et pistes
: 556 villages de la province ont accès aux routes ou pistes sur une
moyenne nationale qui atteint 590 villages par province ayant accès aux
pistes et routes. 679 villages de la province n'ont pas d'accès aux
routes et pistes de la province sur une moyenne nationale de 608 villages par
province n'ayant pas accès aux pistes et routes. Source : Basics
Statistics of Lao PDR. State Planning committee, National statistical centre,
1975-2000.
112 L'O.N.G. Quaker construisit une école plus grande avec
dortoir, une infirmerie avec plusieurs lits et deux infirmières, des
canalisations en ciment pour irriguer les rizières, apporta l'eau des
bassins versants dans 4 points du village, forma un responsable aux
problèmes d'adduction des eaux des bassins versants, offrit des animaux
d'élevage et une formation à leur gestion (accouchements,
vaccinations, fabrications d'enclos assez grands et adaptés au relief
escarpé...).
113 Goudineau Y. 1996.
Les buts inavoués des recompositions villageoises
pluriethniques comme à Bouamphanh étaient donc bien
l'amortissement des dépenses d'infrastructures sanitaires et sociales,
l'émergence d'une nouvelle génération de citoyens laotiens
et la disparition des anciens clivages ethniques.
L'installation des foyers près de la piste
poussiéreuse, serait aussi une volonté de leur part.
Le vallon où est situé le village est
étroit. Les rizières irriguées prennent les moindres
emplacements plats, près de la rivière. Le cimetière et
les pentes raides ne laissent qu'un espace réduit, le long de la
piste.
L'installation près de la piste leur permet ainsi de
vendre plus facilement les marchandises de leurs épiceries. Cinq
familles ont pu ainsi ouvrir des épiceries plus ou moins
achalandées. Cependant ils se plaignent souvent de ki
foun114. Les véhicules qui traversent leur village
roulent souvent trop vite et soulèvent des nuages de poussières
qui aveuglent et étouffent les riverains. Ils sont obligés de
toujours mettre leur mains à la bouche et devant leur nez en se
retournant pour ne pas en avoir dans les yeux.
Les premiers foyers du bord de piste sont blanchis par la
poussière qui vole et pénètre partout dans la maison et
les épiceries.
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