La littérature scientifique nous offre pléthore
d'indicateurs pour évaluer les transformations psychologiques et la
résorption du choc culturel. Nous en retenons ici quatre qui nous
semblent des plus pertinents pour notre étude. Nous allons donc nous
intéresser au soutien social, au concept d'auto-efficacité,
à l'enjeu de la réussite académique ou professionnelle, et
pour finir au stress d'acculturation.
Le soutien social
Le soutien social est la somme de la communication verbale et
non-verbale entre les émetteurs et les destinataires qui a pour but de
réduire l'incertitude de la situation, de soi et de l'Autre, afin
d'accroître la perception d'un contrôle sur les expériences
vécues (Albrecht et Adelman, 1987). Son intensité est fonction de
la fréquence de communication, du contenu échangé et du
degré de symétrie de la relation entre les membres tel qu'il est
perçu par les différents partis (Ray, 1991). Enfin, le soutien
social sert plus particulièrement à minimiser le stress et
à dépasser le choc culturel (Ward et Kennedy, 1993).
Assurément, émigrer implique bien souvent de laisser famille et
amis derrière soi ce qui, dans une certaine mesure, est susceptible de
fragiliser davantage chez le sujet un équilibre émotionnel
déjà potentiellement mis à mal par son
déracinement. Ainsi, le rôle du soutien social est-il
accentué en contexte interculturel, tant en raison des perturbations que
la migration cause dans le capital social pré-existant du sujet que de
la difficulté de créer du lien social dans la
société d'accueil (Copeland et Norell, 2002). Par ailleurs, la
recherche atteste du fait que c'est souvent en période de stress et de
bouleversement que l'individu prend conscience de l'importance du soutien
social et le désire particulièrement (Burleson, 2003).
Le soutien social englobe indistinctement les relations
disponibles sur place, à proximité de l'individu, et les
relations à distance, comme celles entretenues avec les proches
restés dans le pays d'origine par exemple. Par contre, il est possible
de distinguer le soutien social selon qu'il émane de personnes
appartenant à une même société d'origine ou non.
Selon Church (1982), les relations entretenues avec les compatriotes ou les
autres étudiants internationaux sont bénéfiques en ce
qu'elles sont susceptibles de fournir un sentiment d'appartenance à
l'individu, un soutien face à la différence, et un espace de
discussion concernant les stratégies à établir pour y
faire face. Les relations établies avec les autochtones, quant à
elles, permettent au sujet de s'ancrer dans la réalité culturelle
et sociale du pays d'accueil, de prendre conscience de toutes ses bigarrures,
et d'accéder à ce qui en fait l'essence, en plus de participer
pareillement au soutien émotionnel. Toutefois, comme
on pourrait s'y attendre, il apparaît que des relations
maintenues à la fois avec des représentants de la
société d'origine et de la société d'accueil
laissent présager les retombées les plus positives pour
l'individu (Berry et al., 1989).
L'auto-efficacité
Le concept d'auto-efficacité a été
forgé par Bandura (1977) dans le cadre de sa théorie sociale
cognitive. Selon lui, le sentiment d'auto-efficacité prend forme
à travers la croyance qu'a l'individu en sa capacité à
mener à bien une tâche. Cette définition a pour corolaire
que plus le sentiment d'auto-efficacité est grand, plus les jalons
fixés par l'individu dans la poursuite de ses objectifs sont
élevés, ainsi que l'envergure des moyens déployés
pour les atteindre. Autrement dit, le sentiment d'efficacité personnelle
influence à la fois la motivation de l'individu, son mode de penser, et
sa propension à l'action, son comportement. Comme l'expose Bandura
lui-même, « si les gens ne croient pas qu'ils peuvent obtenir
les résultats qu'ils désirent grâce à leurs actes,
ils ont bien peu de raisons d'agir ou de persévérer face aux
difficultés » (Carré, in Bandura, 2003, p. IV). Bandura
prétend ainsi que l'individu tend à éviter les situations
qu'il perçoit comme menaçantes, tandis qu'il a tendance à
s'investir dans les activités qu'il se sent apte à accomplir.
Généralement parlant, un fort sentiment d'auto-efficacité
favorise donc l'engagement de l'individu dans la société
d'accueil, et participe aussi à minimiser la part de ses
expériences délétères (Bandura, 1989). Schwarzer
(1992), quant à lui, nous dit de l'auto-efficacité qu'elle a
trait à la capacité à répondre efficacement
à un large éventail de situation stressantes, et qu'elle est le
reflet d'un sentiment positif de confiance en soi qui favorise par ailleurs la
planification d'objectifs, l'engagement, la persévérance et le
dépassement de l'échec. On peut donc envisager
l'auto-efficacité comme l'impression qu'a l'individu d'être aux
commandes de sa vie, comme la conviction qu'il est lui-même le moteur de
ses choix et que ses actions et ses décisions sont au centre de sa
réussite.
La recherche a d'ailleurs démontré que le
sentiment d'auto-efficacité joue un rôle notoire dans la
résorption du choc culturel chez les étudiants qui
séjournent à l'étranger. Certains travaux (voir Fan et
Mak, 1998) ont mis en exergue une causalité positive entre
l'auto-efficacité et les transformations socioculturelles, par le biais
de la gestion du stress par exemple (Zheng et Berry, 1991) ou la
réussite académique (Mak et Tran, 2001).
La réussite académique et professionnelle
Participer à un échange universitaire
international est une expérience humaine inestimable, dans
laquelle
la découverte de l'Autre est un élément de premier plan.
Toutefois, il ne faut pas oublier
que l'étudiant en échange a
également pour objectif de réussir son parcours scolaire pour ne
pas être
pénalisé dans l'obtention de son diplôme.
De fait, comme ceux de ses pairs qui restent dans l'université
d'origine, il doit passer des examens, voire effectuer des stages, et valider
ainsi son ou ses semestres. Cependant, les systèmes éducatifs et
professionnels en vigueur dans le pays d'accueil et dans le pays d'origine sont
susceptibles d'être dissemblables. En effet, ancrés dans des
sociétés aux inflexions différentes, le monde du travail
et le modèle universitaire peuvent varier complètement. Par
conséquent, l'étudiant doit fournir des efforts certains pour
s'insérer et fonctionner de manière efficace professionnellement
ou académiquement. Des difficultés à satisfaire à
cette exigence peuvent avoir des répercussions au niveau psychologique
et émotionnel et contribuer à former une expérience
négative du séjour à l'étranger (Ward et al.,
2001). Remarquons que les éventuelles difficultés des
étudiants sont moins le reflet d'aptitudes insuffisantes aux
études ou à la vie active que d'un ensemble de facteurs relatifs
à la nature des expériences sociales et culturelles vécues
à l'arrivée en milieu académique ou professionnel.
Quoiqu'il en soit, la réussite académique et professionnelle
entraîne chez le sujet une meilleure estime de soi et une plus grande
confiance en ses capacités, impactant ainsi sur le sentiment
d'autoefficacité que nous avons présenté auparavant (Mak
et Tran, 2001 ; Bandura, 2007). La performance en milieu scolaire et
professionnel semble donc bien entretenir une relation positive avec les
transformations socioculturelles.
Le stress d'acculturation
Comme nous l'avons déjà évoqué,
le choc culturel que peut ressentir l'individu provient d'une asymétrie
entre la société d'origine et la société d'accueil
en terme d'organisation respective des référentiels culturels et
sociaux et des significations qu'ils véhiculent. Le processus de
négociation interne nécessaire afin de rééquilibrer
ces configurations asymétriques est susceptible de se
révéler éprouvant pour le sujet. Les effets secondaires
délétères liés à ce processus sont ce que
l'on appelle le stress d'acculturation. En effet, la plupart des
définitions du choc culturel que nous appliquons, nous, au stress
d'acculturation, corroborent cette analyse (Oberg, 1960 ; Kohls, 1979 ; Martin
et Nakayama, 2001). Dans cette perspective, le stress d'acculturation prend la
forme d'un désarroi causé par une perte de repères, par le
manque de signaux familiers renvoyés par le monde alentour et les
rapports sociaux. C'est un malaise dont les « symptômes » sont
la dépression, le mal du pays, l'anxiété ou encore le
stress. Certains facteurs contribuent à aggraver cela, tels que
l'échec scolaire, le manque de lien social ou l'absence de
compétences communicationnelles adéquates (ibid.). Par ailleurs,
l'étudiant international est soumis à un stress
élevé dû à la pression mise sur ses épaules
par la société d'accueil dans le but de le faire se conformer
rapidement aux normes appropriées. En outre, en raison de l'absence dans
cette dernière de celles des structures sociales familières qui,
dans
la société d'origine, assuraient la
transmission du concept de soi (estime de soi, confiance en soi), le
référentiel culturel de l'étudiant peut être
amené à se désagréger (Pederson, 1991). Pour
conclure, le stress d'acculturation remet en cause le bien-être social,
physique, psychologique de l'individu et, à ce titre, participe
pleinement au processus de transformations socioculturelles.