Comment donc entreprendre d'évaluer l'insertion des
étudiants dans leur société d'accueil? De quels
moyens
disposons-nous? Pour ce faire, il nous faut sonder l'étendue et la
nature du capital social des
sujets, et mettre au jour l'orientation d'acculturation de la
société qui les reçoit.
Le capital social
Le capital social d'un individu, c'est l'ensemble de ses
relations, c'est-à-dire des personnes et des institutions qu'il
connaît et dont il est connu (Abdallah-Pretceille et Porcher, 1996).
C'est justement en partie au travers des relations sociales que tissent les
étudiants qu'il est possible de déterminer leur orientation par
rapport à la société d'accueil. La fréquence avec
laquelle ils s'engagent dans des rapports humains et le sens qu'ils leurs
donnent sont autant de moyens pour eux de se situer au sein du monde qui les
entoure. En effet, la nature et l'étendue du capital social du sujet
vont avoir une influence directe sur son degré d'immersion dans
l'altérité en quelque sorte. Elles vont conditionner :
· Sa capacité à pénétrer la
dimension symbolique d'ensemble qui lie la société d'accueil.
· Sa propension à opérer des distinctions
dans cette société.
· Son accession à une palette plus ou moins large de
significations dérivées des divers référentiels
culturels des membre de la société d'accueil avec lesquels il est
en contact.
Créer du lien social, élargir son
réseau, en diversifier la nature sont donc autant de démarches
à effectuer pour atteindre le coeur d'une société, non pas
comme simple observateur mais comme acteur social, et avoir un
aperçu in situ des pratiques et représentations qui y
ont cours. En somme, l'enjeu consiste à passer d'un capital social
uni-culturel (entendu ici comme étant constitué principalement de
représentants de la société d'origine) à un capital
social pluri-culturel (soit comme constitué indistinctement de membres
de la société d'origine et de la société
d'accueil), ou bien à ajouter une nouvelle dimension à un capital
déjà pluri-culturel selon les cas. Ajoutons que si créer
et maintenir du lien social facilite les transformations culturelles, cela joue
également un rôle sur les transformations d'ordre psychologique.
Church (1982) a démontré qu'entretenir des rapports sociaux
étroits avec d'autres individus (autochtones, compatriotes ou
étrangers) favorise le dépassement du choc culturel. Par
ailleurs, certains chercheurs ont observé que la fréquence et la
nature des interactions entre les membres de la société d'accueil
et les étudiants étrangers jouent un rôle de premier plan
dans la capacité de ces derniers à atteindre leurs objectifs
académiques (Poyrazli et al., 2002).
L'orientation d'acculturation de la société
d'accueil
La manière dont une société dans son
ensemble se positionne par rapport aux ressortissants d'autres
sociétés constitue un facteur critique influençant
largement le séjour de ces derniers. Comme nous l'avons vu, dès
son arrivée dans son nouvel environnement, l'individu doit entreprendre
de s'acculturer, c'est-à-dire de se situer par rapport aux divers
groupes culturels et sociaux qui le compose. Pour se transformer efficacement,
il faut que l'individu crée du lien social avec des autochtones, tant
pour assurer une certaine stabilité émotionnelle que pour
accéder au mieux à la symbolique d'ensemble la
société d'accueil. Parallèlement, il se voit contraint
d'assumer un nouveau statut social, une certaine image, en tant que
représentant de sa société d'origine. Cette image
découle de la part d'ethnocentrisme qui sous-tend les
référentiels culturels des autochtones. Par conséquent,
s'il est rejeté par ses hôtes, s'il est victime de racisme,
l'individu se voit barrer l'accès à des pans culturels entiers,
en plus de se sentir bafoué dans sa dignité et de voir son
équilibre émotionnel mis en péril. En effet, selon
certains chercheurs, être victime de préjugés et de
discriminations a un impact considérable sur le bien-être (Fenton,
1989 ; Halpern, 1993). Par ailleurs, d'autres considèrent le racisme
comme le problème le plus grave auquel peuvent être
confrontés les migrants (Fernando, 1993).
Nous traiterons ici de la part de la dimension psychologique
dans les transformations socioculturelles. La psychologie interculturelle a
montré qu'il existe des rapports étroits entre le contexte
culturel et le développement comportemental de l'individu. Par ailleurs,
une définition de type psychologique de la culture la renvoie à
la manière apprise de résoudre les problèmes (Kroeber et
Kluckhon, 1952). Ainsi, si l'on s'intéresse aux séjours
d'étude à l'étranger, on peut être amené
à se demander ce qu'il se passe quand un individu qui s'est
développé dans un contexte culturel et social bien particulier
entreprend de s'insérer dans une société aux
référentiels culturels et à la structure sociale
différents. C'est de ce processus de transformation psychologique dont
nous allons parler ici. Les décalages entre le référentiel
culturel de l'individu, dérivé de sa société
d'origine, et ceux en vigueur dans la société d'accueil peuvent
conduire à l'émergence de conflits internes chez lui. Selon le
degré d'intensité et de permanence de ces conflits,
différents noms leurs ont été attribués dans la
littérature scientifique. Nous généraliserons cela sous
l'appellation de choc culturel. Notons cependant qu'en dépit du terme de
« choc » employé ici, cette inadéquation ne se traduit
pas nécessairement par un bouleversement profond et total des
repères de l'individu, et ne reflète pas non plus des
expériences uniquement négatives de la confrontation à
l'altérité.