4. Discussion
Dans ce chapitre, nous tenterons d'abord de répondre
à notre problématique avant de nous intéresser aux limites
de cette recherche.
Tout d'abord, il apparait qu'aucun séjour à
l'étranger n'est similaire, car c'est bel et bien l'ensemble des
situations d'interaction qui donne sa force à une telle
expérience. En effet, le participant n'est jamais confronté au
« tout » de la culture d'autrui (Vatter, 2006), c'est-à-dire
que ne lui est dévoilé que ce qu'il peut bien entrevoir par
l'intermédiaire des personnes et des institutions avec lesquelles il
communique à un instant t. D'autre part, le participant
lui-même constitue une variable dans le déroulement du
séjour à l'étranger. Chaque situation étant
singulière, les attitudes, comportements et représentations du
sujet sont susceptibles d'en orienter le déroulement d'une
manière ou d'une autre. Cette double singularité confère
au séjour à l'étranger un caractère non
reproductible, il est donc difficile d'en prédire le résultat.
Toutefois, à l'issue de cette étude, il semble que toutes les
participantes aient éprouvé un certain degré de
transformations socioculturelles au cours de leur séjour au
Brésil, et ces dernières, dans leur ensemble, paraissent avoir eu
un impact positif sur le degré respectif de développement de la
CIC des sujets.
Sommes-nous alors en mesure de répondre
adéquatement à notre problématique? Nous nous interrogions
sur le caractère des relations entre transformations socioculturelles
à l'étranger et évolution de la compétence
interculturelle des individus. Il apparaitrait effectivement que la nature des
expériences vécues par P, C et M au Brésil entretienne
bien des liens étroits avec l'évolution de leur CIC, attendu
qu'elles dressent toutes trois un bilan positif de leur séjour et
qu'elles se situent chacune dans une perspective d'ouverture à
l'altérité. Néanmoins, force est de reconnaitre que nous
ne pouvons répondre que partiellement à notre
problématique, faute d'éléments suffisants. Nous estil en
effet possible de parler de « transformations » et d' «
évolution » alors même que nous ne pouvons nous
prévaloir que d'une vision rétrospective de l'expérience
de nos sujets? Il est vrai que nous n'avons pas été en mesure de
recueillir des informations sur le degré de CIC des participantes avant
leur séjour au Brésil, non plus que sur l'état de leurs
dispositions culturelles, sociales et psychologiques à la veille de leur
mobilité.
Finalement, si nos travaux nous permettent d'avancer certains
arguments en faveur de retombées positives des programmes de
mobilité internationale au Brésil sur les participants à
la lumière des informations dont nous disposons, leurs objectifs ne sont
que partiellement remplis car nous ne pouvons que deviner les liens entre
transformations socioculturelles et développement de la CIC. Ce constat
nous montre le chemin à suivre : afin d'établir rigoureusement
ces liens, il est impératif de mettre en place un suivi des participants
à l'échange universitaire international, de
l'avant-mobilité jusqu'à l'après-mobilité.
Poursuivons dans les limites de cette étude. Situer
finement le niveau de CIC des sujets demeure l'un des problèmes
fondamentaux de toute recherche sur l'interculturalité. De ce fait,
employer des outils de mesure rigoureux de la CIC, en relation à un
modèle théorique solide, est sans nul doute une gageure pour le
chercheur. Ainsi, notre esquisse conceptuelle n'était-elle pas assez
structurée et manquait-elle d'indicateurs de terrain.
De même, rappelons certaines limites relatives à
notre procédure de recueil de données. En effet, les
questionnaires ont été administrés sous forme
d'auto-évaluation, avec tous les biais que cela comporte. Nous n'avons
d'ailleurs pu travailler qu'à partir des données issues de nos
questionnaires et entretiens qui, s'ils ont bien pour but de faire un tour
d'horizon aussi vaste que possible de l'expérience à
l'étranger, ne sauraient prétendre à
l'exhaustivité. Il est donc probable que nous soyons passés
à côté de certains éléments d'une part, et
que les sujets aient gardé une certaine réserve d'autre part. En
outre, inviter ces derniers à porter un regard rétrospectif sur
une expérience intense et prolongée les conduit
irrémédiablement à arquer leur regard leur vécu.
Soulignons néanmoins la force de leur investissement
dans notre étude, plus particulièrement lors des entretiens. Il
nous semble que chacune des participantes se soient livrées
véritablement. Cela nous apparait d'autant plus vrai pour P et C qui ont
été interrogées très peu de temps après leur
retour en France. Leur entretien a vraiment été vecteur d'une
dimension analytique, d'un espace de réflexivité qui leur a
permis de faire le point sur leur expérience. De plus, possiblement en
raison de leur expérience antérieure du séjour
d'étude à l'étranger, le degré de prise de
conscience de leur vécu au Brésil, leur faculté de mise en
perspective, s'est révélée particulièrement
aiguisée.
Pour finir, et dans l'optique de constituer un plus large
corps de données sur les impacts de la mobilité internationale au
Brésil chez les participants inscrits à l'Université
Lumière Lyon 2, ajoutons qu'il serait profitable de systématiser
la participation des étudiants en échange à de telles
études. Par ailleurs, cela évincerait le biais inhérent au
volontariat suivant lequel les étudiants qui considèrent leur
expérience du séjour à l'étranger comme globalement
positive et valorisante sont plus enclins à accepter de
témoigner.
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