2.2.3.4. Stress d'acculturation
Premièrement, C obtient le score de 75,7/100 à
l'Échelle de stress d'acculturation. Par exemple, elle apparait ne pas
souffrir du mal du pays :
- item 1 « J'ai le mal du pays : je ne me sens pas chez moi
et mes compatriotes me manquent » : 2/5.
Toutefois, elle confie s'être sentie sous pression sur
place en raison d'un rythme de travail soutenu, entre ses stages et sa
recherche :
- item 8 « Je me sens sous pression ici » : 4/5 ;
« enfin c'était tout une dynamique qui a fait
que finalement on a fait deux stages au lieu d'un, et aussi que du coup on
avait notre recherche à faire en plus donc le séjour a
été complètement surréel, on s'est
dépêché » ;
« j'avais pas de temps libre » ;
« j'avais pas le temps vraiment ».
Ensuite, elle dit ne pas se considérer victime de
discriminations, de préjugés ou de stéréotypes :
- item 2 « Je me sens discriminé ou pas sur un pied
d'égalité avec les gens du coin » : 2/5 ; - item 3 «
Les autres se moquent de ma culture et de mes valeurs » : 2/5 ;
- item 14 « Je suis victime de préjugés et de
stéréotypes » : 1/5.
En revanche, lors de notre entretien, elle nous a confié
avoir été sujette à de nombreuses remarques d'hommes et
parle là du stéréotype de la femme blonde, exotique :
« au Brésil j'ai fini par le ressentir et
ça c'est quelque chose que je supporte pas. Tu vois, comment les hommes
t'abordent et puis ouais tu représentes quelque chose quand même
en temps que la blonde » ;
« au Brésil je l'ai ressenti aussi [...] et
ça ça me fatigue » ;
« vraiment, j'ai même pensé une fois
à me teindre les cheveux mais j'ai pas eu envie d'enlever ma couleur
naturelle parce que pour une question de stéréotypes ça
m'énerve mais c'est vrai que c'était présent au
Brésil ».
Par ailleurs, C estime ne pas avoir vécu de choc
culturel lors de son séjour (Questionnaire général, item
17 « Rétrospectivement, pensez-vous avoir vécu un choc
culturel pendant votre séjour au Brésil? » : non),
partiellement en raison des similarités entre les sociétés
réunionaise et brésilienne, comme nous l'avons déjà
indiqué. Malgré ce, son séjour au Brésil semble
avoir accentué une certaine perte de repères sur le plan de
l'enracinement culturel et identitaire. En effet, C nous dit :
« je me sens toujours en marge de mon propre pays
» ;
« je me sens pas d'ici [la métropole] et
ça a été évident à partir du moment
où j'ai voyagé » ;
« quand je rentre je refais toujours un rejet total de
la France » ;
« quand je suis revenue ici ça a
été tout une démarche de me réapproprier la
métropole qui pourtant est mon lieu d'origine » ;
« toute ma vie, quand je reviens, c'est là que
j'ai mon choc culturel c'est là que je me dis «
ma culture elle m'appartient pas » et je me sens mieux
chez les autres que chez moi ». Ensuite elle ajoute :
« je me sens pas inscrite dans ce pays pour son
peuple en fait. Et c'est exacerbé surtout depuis que je suis revenue de
la Réunion c'est vraiment les gens m'énervent quoi, la
mentalité m'énerve et je pense qu'en plus c'est pas du tout
objectif hein, c'est vraiment parce que je sais qu'il y a des gens super et que
j'en rencontre aussi mais je me sens pas bien ici » ;
« quand je voyage c'est que je supporte pas d'être
assimilée à une Française alors que c'est ce que je
renvoie en fait » ;
« j'assume pas du tout mon côté
français j'ai vraiment un rejet de mon identité je sais pas
pourquoi, c'est pas que j'ai honte d'être française c'est que je
me sens profondément pas française et en fait du coup quand je
voyage je suis assimilée à la France et qu'en fait je le porte
pas et c'est hyper lourd pour moi » ;
« c'est pas la culture française parce que
j'aime beaucoup mon pays, j'aime beaucoup sa diversité, j'aime beaucoup
tout ce qu'il peut offrir de différent que ce soit dans le peuple ou
juste les paysages ou la bouffe ou chaque région a une culture
énorme mais c'est vrai que je supporte pas le peuple français
ça me fatigue son rejet de la différence, ça me fatigue
son manque de communication, sa peur de l'Autre » ;
« pour moi c'est ça, enfin la France c'est une
vieille dame qui a peur de l'Autre en fait ». Puis elle
précise :
« je viens d'un milieu très riche et très
fermé et que je rejette tout le temps ça et que en voyageant je
me rapproche toujours des gens qui ont rien parce que je trouve ça
fabuleux d'avoir rien et de donner tout et parce que je ressens ça je
sens que et pourtant c'est pas comme si j'avais été
élevée sans rien c'est que au contraire je me retrouve dans ce
don comme ça et c'est vraiment ce que je suis profondément et
c'est vrai que c'est un paradoxe complet dans mon identité quoi
» ;
« un retour à je sais pas quoi, et
complètement contradictoire avec mes origines ».
Ainsi, de cette assise identitaire conflictuelle, des tensions
semblent avoir émergé pendant son séjour au Brésil.
C explique s'être :
« je sais pas pourquoi je me suis identifiée
plus à ceux qui se contentent du peu et c'est vrai que je me suis un peu
détachée de ce côté occidental et ça a
joué sur ma deuxième structure de stage qui était
privée, qui accueillait les gens et qui se permettait de faire des
choses pas de la manière que j'aurais aimé en fait »
;
« c'était une structure privée très
très chère donc donc le public était plus ou moins enfin
bien occidental ».
De même, en faisant référence à ses
hôtes, elle affirme :
« vu qu'ils étaient très riches [...] y
connaissaient rien du Candomblé [...] toute les pratiques afros c'est
vade retro satanas » ;
« la personne qui m'a accueillie elle était dans
un immeuble avec piscine, salle de sport et tout » ;
« eux ils sont très très riches quoi donc
c'est des bagnoles et enfin c'était pas le Brésil que je
côtoyais après » ;
« je me suis pas retrouvée dans ce groupe quoi,
c'était pas le côté du Brésil qui me faisait
écho ».
Par ailleurs, elle indique également :
« je dormais aussi dans la favela et c'est vrai que je
me sentais plus à l'aise quand je dormais dans la favela alors que quand
j'entrais dans cet immeuble tout aseptisé ».
En conséquence, elle nous dit :
« ça a été mon choc quoi du
Brésil de voir des gens dans la misère qui cohabitaient [...] y a
pas de rapports en fait entre les très riches et les très pauvres
et ça c'est un truc qui m'a choquée » ;
« le retour en métropole [...]
j'appréhendais beaucoup ».
En définitive, ce déséquilibre, cette
incertitude, semble l'avoir conduit vers une soupape spirituelle : «
le Candomblé [...] c'est une philosophie de la vie qui m'a vraiment
touchée et j'ai développé ma spiritualité vraiment
à fond là-bas » ;
« le Brésil arrivait à point
nommé dans ma vie parce que j'étais pas bien du tout et [...] je
me suis retrouvée aussi spirituellement, ça fait des
années que je lâchais cette partie là de ma vie que je
savais pas trop où j'en étais » ;
« c'était aussi la rencontre avec tout ce
côté spirituel [...] qui porte vraiment quelque chose de
très fort dans la culture brésilienne » ;
« je me suis inscrite complètement dans le
Candomblé » ;
« c'est la première fois que je rencontre ma
spiritualité enfin c'est pas la première fois que je la rencontre
mais c'est vrai que ça m'a permis de retrouver une spiritualité
que j'avais perdu complètement » ;
« alors que je m'attendais pas du tout à
ça c'est là que je me suis retrouvée en plein dans ma
spiritualité dans ce que je croyais j'ai remis en question beaucoup de
choses et c'est vrai que ça m'a beaucoup fait avancer et puis je crois
que j'ai rencontré aussi les bonnes personnes au bon moment »
;
« ce voyage là je me suis retrouvée,
c'était différent, parce que je pense que je m'étais
perdue, je m'étais perdue en rentrant ici [en métropole] [...] et
là je me suis retrouvée. Et ça m'a fait du bien [...] je
me sens sur la bonne route [...] j'ai l'impression de m'être
retrouvée et d'être repartie dans une dynamique que j'avais perdu
en fait ».
Pour finir, d'une manière générale, C se
dit satisfaite de son séjour au Brésil (Questionnaire
général, item 15 b) « Globalement, combien êtes-vous
satisfait de votre séjour au Brésil? » : 4/5) et
déclare également avoir préféré sa vie
à Recife par rapport à sa vie à Lyon, en métropole
(Questionnaire général, item 16 « Globalement, en terme de
qualité de vie, de bien-être et satisfaction, que
placeriez-vous en tête? » : Brésil). Elle
affirme même :
« moi je suis hyper heureuse de ce que j'ai
vécu, ça faisait longtemps que j'avais pas eu ce sentiment
d'être au bon endroit au bon moment et ouais et puis j'ai eu une
espèce de fusion avec le peuple brésilien ».
Deuxièmement, C obtient le score de 87/100 à
l'Échelle de bien-être. Par exemple, elle semble s'être
sentie à l'aise dans son environnement :
- item 2 « Vous sentez-vous exclu, discriminé ou
rejeté? » : 1/5 ;
- item 3 « Vous sentez-vous seul et faiblement
entouré? » : 1/5 ;
- item 9 « Vous sentez-vous à l'aise dans votre
environnement » : 4/5 ;
- item 12 « Vous sentez-vous capable d'aborder les gens /
aller vers les autres? » : 4/5 ; - item 13 « Participez-vous
régulièrement à des activités de groupe? » :
5/5.
Pareillement, il apparait qu'elle ait su conserver un bon moral
:
- item 7 « Êtes-vous content de la tournure
qu'à pris votre vie ici? » : 5/5 ;
- item 8 « Êtes-vous plus souvent
déprimé que joyeux? » : 1/5.
D'ailleurs, le premier item du Questionnaire
général corrobore ces observations (« Durant votre
séjour au Brésil, comment vous sentiez-vous? » : 5/5).
Dernièrement, C obtient le score de 73,3/100 au Brief
COPE. Ses réponses laissent transparaitre qu'elle n'hésite pas
à chercher aide et conseil auprès de son entourage lorsqu'elle
est confrontée à des situations délicates, stressantes ou
imprévues...
- item 3 « Recevoir l'aide et le conseil d'autres personnes
» : 5/5 ;
- item 6 « Exprimer mes sentiments négatifs » :
4/5 ;
- item 7 « Rechercher la compréhension et le soutien
de quelqu'un » : 5/5
...et qu'elle ne se laisse pas dépasser par les
évènements :
- item 2 « Prendre les choses en main pour essayer de
résoudre la situation » : 4/5 ; - item 4 « Renoncer à
essayer de résoudre la situation » : 2/5.
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