2. Concepts clés
Dans cette partie, nous allons nous attacher à
définir les transformations socioculturelles et la compétence
interculturelle.
2.1. Les transformations socioculturelles
Dans ce chapitre, nous délimiterons et structurerons
le concept de transformations socioculturelles. Une fois l'étudiant
« à l'étranger », son quotidien est
inévitablement amené à changer, peu ou prou. Les rouages
de la société d'accueil ne sont pas ceux de la
société d'origine, de même que la clef pour les comprendre.
Cela donne donc lieu à un processus qui conduit l'étudiant
à évoluer, à changer culturellement, socialement,
psychologiquement. En référence à cela, certains auteurs
parlent d'adaptation socioculturelle et d'adaptation psychologique (Berry et
al. 2002), tandis que d'autres parlent d'ajustement psychosocial (Halamandaris
et Power, 1999). Quant à nous, par souci de simplicité, nous
prendrons le parti de réunir l'ensemble de ces dimensions sous la
dénomination de transformations socioculturelles, car nous les pensons
toutes trois intimement liées. Pour les expliciter, nous nous appuierons
notamment sur des travaux situés dans les champs de l'anthropologie
culturelle, de la psychologie interculturelle, de la sociolinguistique ou
encore de la psycho-sociologie.
À présent, penchons-nous rapidement sur
l'étymologie des termes employés. Les transformations
socioculturelles sont liées aux contraintes du milieu dans lequel
évolue l'individu, il pourrait donc s'agir d'adaptation ou d'ajustement.
Mais alors, pourquoi « transformations »? Transformer, du latin
transformare, signifie former au-delà, changer de forme,
devenir autre. Ce serait un processus qui conduirait une forme initiale
à être remodelée. Dans notre cas, cela
s'appliquerait aux étudiants qui, au cours de leur séjour
à l'étranger, dépasseraient un état premier de
penser, d'être dans le monde. Si nous avons pris le parti de penser que
les étudiants se transforment au contact de l'environnement plutôt
qu'ils ne s'y adaptent, c'est parce que l'adaptation fait pour nous écho
à un changement temporaire, dans le sens où il est limité
à la société d'accueil. En effet, le terme adaptation,
formé à partir de la racine « apte », du latin
aptus, renvoie à la notion d'être
spécialisé, propre à quelque chose en particulier. Par
conséquent, une fois l'individu sorti de l'environnement même qui
a entraîné l'adaptation, le changement disparaît, il n'est
plus à propos, d'où l'idée qu'il est limité, ou
temporaire. D'ailleurs, on s'adapte à une nouvelle chose puis on se
réadapte à l'ancienne, on ne peut se trouver sur les deux plans
à la fois. En revanche, en préférant parler de
transformations, nous pensons souligner un changement durable et non exclusif.
Ainsi, l'individu cesse d'épouser simplement les contours
suggérés au contact de son nouvel environnement. Il initie un
mouvement en lui-même et évolue par un jeu d'équilibres et
de déséquilibres, par aller-retours entre le familier
et l'incertain. De fait, en incorporant un peu de l'Autre en
lui-même, l'individu se transforme et devient un être nouveau, avec
des dispositions socioculturelles élargies et pérennes.
Entrons maintenant dans le détail des trois dimensions
dont nous avons fait mention. Définissonsles et précisons leurs
composantes ainsi que leurs indicateurs.
2.1.1. La dimension culturelle
Dans ce sous-chapitre, nous expliciterons la part de la
dimension culturelle dans les transformations socioculturelle. Historiquement,
il est impossible de nier la pluralité des populations et des influences
au sein de la plupart des sociétés, non plus que la
complexité et l'hétérogénéité de leur
tissu social. Elles ne sont pas un tout immobile, fermé, monolithique,
bien au contraire, elles sont « le produit de négociations
continuelles avec le monde extérieur, négociations à
travers lesquelles s'affirme un horizon, une identité qu'on ne peut que
définir que comme une création continue »
(Abdallah-Pretceille, 1996). En somme, les sociétés sont
métissées et, sous une apparente uniformité, elles sont
composées de sous-ensembles qui s'entrelacent et se conjuguent,
renvoyant à une réalité culturelle infiniment plus large,
entre l'immobilité de la reproduction et le dynamisme de la mutation
(Porcher, 1994). Ainsi, certains observent que « toute
société est liée à une culture d'ensemble qui la
caractérise et qui est elle-même le résultat de nombreuses
cultures, qui sont plus petites, plus sectorisées » (Porcher,
1995, p. 55). Pour étudier les impacts des programmes d'études
intégrées sur leurs participants, il nous faut donc clarifier la
notion de culture, et observer la façon dont cet objet évolue au
cours du séjour à l'étranger.
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