Maintenant que nous avons éclairci quelque peu la
nature de la CIC, il est temps d'en proposer un essai de définition.
Livrons-nous d'abord à une analyse sémantique du syntagme de
compétence interculturelle. D'une manière assez évidente,
l'interculturel renvoie à un objet qui est entre, ou parmi, les
cultures, soit pour nous les significations. Qu'en est-il alors de la
compétence? Force est de constater que sa définition varie selon
les champs disciplinaires. Pour certains, la notion de compétence a
été largement galvaudée dans la littérature
scientifique faute de prise en compte rigoureuse de sa diversité
sémantique et conceptuelle (Deardorff, 2006). Appuyons-nous sur G. Le
Boterf (1995, 1997), pour qui la compétence se pare de plusieurs
attributs. Tout d'abord, elle dérive de l'articulation ou, selon ses
propres termes, de la mobilisation ou l'activation, de plusieurs savoirs.
Ensuite, elle est opérationnelle dans un contexte donné, elle
s'ancre dans une situation. Pour finir, elle permet l'action. Il s'agit d'agir,
dans une démarche de résolution de problème ou de
communication par exemple. Cela complète valablement une autre
définition selon laquelle la compétence en science de
l'éducation doit être envisagée comme un savoir en usage
(Malglaive, 1990). Les implications de cette définition sont les
suivantes :
· La compétence est une notion dynamique. Elle se
construit.
· Elle est dépendante du contexte : de l'acteur
lui-même, de l'environnement. Ainsi, si les savoirs constitutifs de la
compétence ne sont pas adéquatement mobilisés puis
synchronisés, on ne peut pas agir de façon optimale. On peut donc
être compétent dans une situation donnée à un moment
donné mais plus quelque temps après dans la même situation.
Comme le formule Tardy (1983) « Je dois essayer de comprendre l'autre,
en tant qu'il est un autre, dans sa différence centrale, dans ce qui
à mes yeux en fait un étranger. Effort inouï de
décentration culturelle, si inouï que toute lassitude
passagère ne saurait être taxée de faute contre
l'humanité. On ne peut exiger que 1'on se mette à la place de
l'autre vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le travail de l'enculturation
mérite, lui aussi, son repos hebdomadaire ».
· Puisque la compétence est tributaire de
l'acquisition préalable d'un corps de savoirs d'une part, et de leur
mobilisation d'autre part, nous sommes amenés à dire qu'elle
n'est pas uniforme. On peut la décomposer en niveaux d'habileté,
selon le degré d'acquisition puis de mobilisation des savoirs
atteints.
En tenant compte de tout ce que nous avons dit depuis le
début de ce chapitre, nous proposons la
définition suivante de
la CIC : la compétence interculturelle est un construit formé
d'une
combinaison de savoirs, attitudes et comportements qui, une fois
mobilisés lors d'une situation
singulière d'interaction, permettent au sujet
d'exploiter avec plus ou moins de succès (en vue de comprendre et/ou
communiquer) les significations diffuses qui émanent des stimuli
(discours, comportements, attitudes...) renvoyés par les protagonistes
de l'interaction.