CHAPITRE I :
LES CONDITIONS DE FORME D'ENREGISTREMENT D'UNE
MARQUE
Dans les deux législations la demande doit satisfaire
à des conditions de forme. Il s'agit d'abord, d'examiner l'obligation de
déposer une demande (Section 1). Vient ensuite l'examen de l'organisme
habilité à recevoir la demande (Section 2).
SECTION I : L'OBLIGATION DE DEPOSER UNE DEMANDE
D'ENREGISTREMENT D'UNE MARQUE
Notons que c'est pour mettre fin à
l'insécurité juridique que le législateur de 1857 a
institué l'obligation du dépôt21. Sous l'ancien
régime, quelle que soit la recherche faite pour trouver une marque,
quelqu'un qui l'utilisait sans l'avoir déposée pouvait agir en
contrefaçon : il suffisait de la déposer plus tard, ce qui avait
pour effet de faire remonter les droits du déposant à la date du
premier usage (à condition d'en apporter la preuve)22. Ce
problème a été réglé grâce notamment
aux conventions internationales qui ont instauré un système de
« dépôt attributif ~en vertu duquel l'enregistrement
crée le droit de propriété23. La distinction
entre ces deux termes a été établie par l'actuel Code
Français de la propriété intellectuelle. L'enregistrement
ne s'acquiert qu'à l»issue d'un examen et d'une possible
procédure d'opposition.
La jurisprudence considère que comme le droit sur une
marque s'acquiert par l'enregistrement, il en résulte que « le
droit des marques est un droit
21 Voir l'article L.712-1 du Code français de
la propriété intellectuelle, dans sa version de 1991. Le terme
« enregistrement »a été
préféré à celui de « dépôt
»qui figurait dans la loi du 31 décembre 1964, « la
propriété de la marque s'acquiert par le premier
dépôt ».
22 Pochon (Bernard) et Derambure (Christian): De la
création à la contrefaçon des marques, éditions du
Puits Fleuri, 2007, p.82.
23 Op.cit, p.83.
d'appropriation et non de créativité à la
différence d'autres protections privatives24 ».
La validité d'une marque dépend du
dépôt de celle-ci. Dans l'espace OAPI, l'Accord de Bangui dans son
annexe III prévoit un article V alinéa 1 qui dit que « la
propriété de la marque appartient à celui qui, le premier
en a effectué le dépôt~. C'est sur le fondement de cette
disposition que la Cour d'appel d'Abidjan a rendue une décision en date
du 02 mars 2007 dans l'affaire « SUNWATT25 ».
En l'espèce, un commerçant exerçant sur
le territoire Ivoirien et dans les pays de la sous région a
déposé et enregistré la marque de piles SUNWATT à
l'OAPI le 22/09/1994 ; que deux ans plus tard il cède son affaire
à une entreprise basée à TAIWAN qui, en juillet 2000,
à son tour la cède à une autre entreprise.
Qu'entre temps, la société défenderesse a
déposé et enregistré cette marque le 22/10/1996, qu'elle a
découvert l'existence des piles de marque « SUNWATT » sur le
marché Ivoirien autre que celle qu'elle fabrique, a saisi le tribunal
civil d'Abidjan aux fins d'annuler l'enregistrement de ladite marque
opérée le 22/10/1996. Les juges du fond ont fait droit à
sa demande. Et que la demanderesse a fait appel de la décision.
Devant la Cour d'appel, la défenderesse affirme que la
marque en cause était déposée en CHINE avant de
l'être à l'OAPI en octobre 1996, et que c'est en pleine
connaissance de ses droits d'usage et de propriété sur ladite
marque que les titulaires successifs se sont précipités pour
déposer celle-ci auprès de l'OAPI afin de se prévaloir de
l'antériorité de leur dépôt. Elle fait valoir qu'un
tel procédé est frauduleux au regard de l'article 24 de l'annexe
III de l'Accord de Bangui.
La Cour d'appel d'Abidjan a confirmé le jugement
attaqué qui avait donné raison à la défenderesse
dont le dépôt a été déclaré valable et
régulier par le Directeur Général de l'OAPI et que par
conséquent avait respecté « l'exigence
24 T.G.I.Castres, 13 mars 1992, Dior C/ SIM, PIBD
1992, III, 472.
25 Arrêt contradictoire n° 182 du 02 mars
2007 de la 3e chambre, Cour d'appel d'Abidjan (Côte d'Ivoire),
Recueil de décisions de justice (de l'OAPI) en matière de
propriété intellectuelle, pages 12 à 22.
de l'inscription de la marque SUNWATT au registre
spécial des marques à l'OAPI... ». L'intérêt de
cet arrêt de la Cour d'appel d'Abidjan c'est qu'il illustre que les juges
du fond lorsqu'ils sont saisis d'une demande en annulation apprécient de
façon rigoureuse le critère de « l'antériorité
».
A la fois, au regard de la Convention de Paris de 1883 et de
l'Accord de Bangui, Ce contrôle permet ainsi de limiter les manoeuvres
frauduleuses de certains déposants.
La loi Congolaise de 1982 prévoit un dispositif
semblable à celui de l'Accord de Bangui.
L'obligation de déposer une demande implique à
s'interroger sur la personne habilitée à effectuer le
dépôt (§1). Ensuite, il convient de s'interroger sur ce qui
doit faire la nature du dépôt de la demande (§2), enfin, il
nous faudra examiner l'enregistrement lui-même (§3).
§1 : La personne habilitée à effectuer
le dépôt.
L'article 8 de l'Accord de Bangui, Annexe III ne
prévoit aucune restriction en ce qui concerne le demandeur, il peut
s'agir du titulaire lorsqu'il est résident(A) ou de son mandataire en
cas de demandeur se trouvant à l'étranger(B).
A. Le titulaire déposant national.
Toute personne physique ou morale peut accomplir les
formalités de dépôt d'enregistrement d'une marque.
S'agissant de l'espace OAPI, l'article 13 b) de l'Annexe III de l'Accord de
Bangui prévoit également les conditions de résidence et de
nationalité du demandeur. De sorte qu'il peut s'agir soit d'un
ressortissant de l'un des Etats membres, soit d'une personne
étrangère à condition d'avoir une résidence ou un
établissement dans le territoire OAPI. L'Accord de Bangui ne pose pas de
condition de réciprocité comme c'est le cas dans de nombreuses
législations.
En effet, l'article L.712-11 du Code Français de la
propriété intellectuelle dispose que : « Sans
préjudice de l'application des dispositions de la convention de Paris
pour la protection de la propriété industrielle,
l'étranger qui n'est ni établi, ni domicilie sur le territoire
national bénéficie des dispositions du
présent livre. Toutefois, sous réserve des
conventions internationales, ce bénéfice est subordonné
aux conditions qu'il justifie avoir régulièrement
déposé la marque ou obtenu son enregistrement dans le pays de son
domicile ou de son établissement et que ce pays accorde la
réciprocité de protection aux
Français26».
En application de ces dispositions, la jurisprudence fait une
application plus stricte27.
Cependant, la qualité de commerçant n'est pas
exigée pour effectuer valablement un dépôt. De même,
l'Accord stipule qu'une personne physique tout comme une personne morale (par
exemple une société holding, une association, un syndicat etc.)
peut valablement effectuer le dépôt. Il peut s'agir d'un
déposant unique ou d'une pluralité de déposants. Les
dispositions de la loi Congolaise de 1982 sont similaires à celles de
l'Accord de Bangui.
La règle de l'«indépendance de la
marque»permet en effet, à une personne qui n'a pas le statut de
commerçant de déposer une marque en son nom personnel. Les juges
du fond interprètent largement cette règle. C'est le sens d'un
arrêt rendu sur la question de savoir si un non-commerçant
était habilité à effectuer un dépôt « on
ne saurait contester au particulier le droit d'acquérir une marque, pour
le motif qu'il ne possède pas d'entreprise commerciale ; la loi n'exige
pas que le titulaire d'une marque soit propriétaire d'une entreprise,
une personne n'exerçant aucune activité commerciale peut
parfaitement déposer une marque dès lors que celle-ci sert
à distinguer les produits ou services d'une
entreprise28».
Toutefois, la règle de l'indépendance d'une
marque est « relative »en ce sens que le titulaire d'une marque
qui n'est pas commerçant est tenu de l'exploiter directement ou
indirectement dans un délai de Cinq ans après son
26 Voir : article L.712-11 du Code de la
propriété intellectuelle Français.
27 Par application de ces dispositions, le
dépôt de la marque « Rambo » effectué par une
société panaméenne a été annulé au
motif que « la demanderesse n'ayant pas démontré qu'à
la date du dépôt en France, les marques françaises
bénéficiaient dans l'Etat du Panama d'une protection
équivalente à celle accordée aux marques
panaméennes», T.G.I Paris, 3e ch. 21 janv.1987, Carolco,
PIBD 1987, II. 234.
28 Voir en ce sens, CA. Paris, 4e ch. 11
février 1975, JCN, KN C/ Guiraud, Ann. Prop. Obs. 1975 239.
enregistrement, sous peine de
déchéance29. Lorsque le titulaire réside
à l'étranger, le dépôt doit se faire par
l'intermédiaire d'un mandataire.
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