Essai d'étude comparative de procédure d'enregistrement d'une marque dans l'espace OAPI et en RDC( Télécharger le fichier original )par Aubin MABANZA NSEMY Université de Yaoundé II Cameroun - Master 2 en droit de la propriété intellectuelle 2011 |
B. Le MandatairePour qu'il y ait mandataire, il doit y avoir un mandat. Le mandat ou « procuration » désigne à la fois le pouvoir et le document par lequel ce pouvoir est transmis. Ainsi, le mandat est une convention par laquelle une personne (mandant) donne à une autre (mandataire), le pouvoir de faire pour elle, un ou plusieurs actes juridiques. Le mandat peut être verbal. En pratique, il prend souvent l'aspect d'un texte écrit, en empruntant soit la forme d'un acte sous seing privé, soit celle d'un acte passé devant notaire. Si les parties sont libres de choisir la forme du mandat, parce qu'il faut l'adapter selon les cas, il n'en demeure pas moins que le contenu du mandat est très important en ce sens qu'il doit être suffisamment détaillé, clair et précis30. La principale caractéristique du contrat de mandat est que le mandataire doit exercer sa mission en toute indépendance. Un contrat de mandat est différent d'un contrat de travail par l'absence de subordination entre les parties. La nature d'un mandat diffère selon qu'il s'agit d'un mandat à titre gratuit ou à titre onéreux. Pour l'intérêt de notre travail, nous allons mettre l'accent sur le contrat de mandat à titre onéreux, c'est-à-dire celui qui concerne le mandataire agissant en tant que professionnel. Il en résulte que la mise en cause de la responsabilité du mandataire diffère selon qu'il est professionnel ou non. En principe, un mandat peut être soit général, soit spécial. Il est général lorsque le mandataire est chargé sous certaines réserves de faire un grand nombre d'actes juridiques, alors qu'il est spécial lorsque le mandataire a été retenu pour une mission déterminée. 29 C.A. Versailles, 13e ch.26 janv. 1989, IDDH c/ Auchan, PIBD 1989, III, 303. 30 Voir en ce sens, TGI Paris, 3e ch. 1ère section, 23 mai 2000, Mr Serge P. et a. c/Mr Joseph P.et a. En l'espèce, le gérant d'un site internet spécialisé en téléchargement des musiques en ligne avait été condamné pour voir dépassé le mandat spécial qui le liait à un des ses clients. Comme tout contrat de droit commun, le mandat doit définir les obligations de chacune des parties. S'agissant du mandant, il a l'obligation de respecter les termes du contrat à savoir la rémunération telle que convenue, le remboursement des frais avancés et indemniser les pertes. Du côté du mandataire, il doit respecter la mission qui lui a été confiée et rendre des comptes au mandant. Le contrat de mandat produit des effets à l'égard des tiers, pour cette raison, les tiers qui sont amenés à traiter avec un mandataire doivent vérifier si ce dernier a agi conformément aux pouvoirs qui lui ont été donnés dans le mandat. Pour sa part, le mandant n'est pas en principe tenu des actes qui n'entrent pas dans la mission qu'il a confiée. Dans une telle hypothèse, à défaut de ratification par le mandant de ce que le mandataire a fait pour son compte, la seule façon de lui imposer l'acte du mandataire est d'invoquer la « théorie de l'apparence ». La théorie de l'apparence est une construction purement doctrinale permettant de se fonder sur l'apparence d'une situation pour lui faire produire des effets juridiques qui ne lui sont pas normalement attachés puisqu'en réalité, au-delà de l'apparence, elle ne remplit pas les conditions nécessaires à cette fin31. Depuis plusieurs années, la jurisprudence a adopté cette théorie pour protéger les tiers qui avaient la croyance légitime qu'ils avaient contracté avec un mandataire dont les pouvoirs se sont avérés insuffisants ou qui en était dépourvu, mais que les circonstances les autorisaient à ne pas en exiger qu'il puisse produire ses pouvoirs. Faisant application de la théorie de l'apparence, la Cour de cassation a jugé «qu'un mandat apparent ne peut être admis pour l'établissement d'un acte par un notaire instrumentaire avec le concours d'un confrère : les deux officiers publics sont tenus de procéder à la vérification de leurs pouvoirs respectifs32». 31 Taormina (G), Contribution à l'étude de l'apparence et de l'inexécution en matière contractuelle, Thèse Paris XII, 1991. 32 C. Cass. ch. Civile, 5 nov.2009, BICC n°720 du 15 avril 2010 et Legifrance. Le législateur a prévu les circonstances dans lesquelles un mandat prend fin. Le mandat est un contrat intuitu personae, d'ailleurs à l'origine, il s'agissait d'un contrat entre amis. En principe, l'on ne donne mandat qu'à une personne en qui on estime avoir confiance. Ce qui soumet le mandat à un régime particulier. Parce que ce contrat naît de l'accord et de la confiance entre deux personnes, on peut comprendre qu'un désaccord ou une rupture de cette confiance puisse justifier la rupture du contrat de mandat. Pourtant, la révocation du contrat n'est pas le principe en droit commun, puisque les parties doivent normalement s'accorder pour mettre fin au contrat ; à moins qu'une inexécution puisse justifier d'une résolution de celui-ci. Le régime juridique du mandat offre au mandant la possibilité de révoquer le mandataire, autrement dit de lui retirer les pouvoirs qu'il lui avait accordés33. De même, il peut arriver que, le mandant pour des raisons personnelles décide de confier la mission à un nouveau mandataire34. Le mandataire désigné doit être en mesure de bien accomplir sa mission, à défaut, la loi prévoit qu'à son initiative, il peut mettre fin au mandat par la renonciation du mandat35. En effet, si le mandataire n'a plus la possibilité, ou la volonté de continuer le contrat, il doit en informer le mandant, et la résiliation du contrat prend fin. Le décès soit du mandant, soit du mandataire peut également mettre fin au mandat36. Enfin, le mandat prend fin lorsqu'il arrive à échéance telle que prévue dans le contrat. En principe, le mandat prend fin lorsque l'objet pour lequel il avait été confié est réalisé. C'est l'hypothèse du mandat spécial. 33 Ainsi, l'article 2004 du Code civil, dispose « Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s'il y a lieu, le mandataire à lui remettre soit l'écrit sous seing privé qui la contient, soit l'original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l'expédition, s'il en a été garde minute.>'. 34 Voir l'article 2006 du Code civil français dispose: « la constitution d'un nouveau mandataire pour la même affaire vaut révocation du premier, à compter du jour où elle a été notifiée à celui-ci ». 35 L'article 2007 du Code civil (f) dispose «Le mandataire peut renoncer au mandat, en notifiant au mandant sa renonciation. Néanmoins, si cette renonciation préjudicie au mandant il devra en être indemnisé par le mandataire, à moins que celui-ci se trouve dans l'impossibilité de continuer le mandat sans en éprouver luimême un préjudice considérable ». 36 En plus de la mort, l'article 2003 du Code civil énumère d'autres causes « ...la tutelle des majeurs ou la déconfiture, soit du mandant, soit du mandataire». Dans l'espace OAPI, l'article 8 c de l'Annexe III de l'Accord de Bangui prévoit l'obligation pour le titulaire d'une marque qui est hors de l'espace OAPI de se faire représenter par un mandataire muni d'un pouvoir sous seing privé37. A l'heure de la réforme de l'Accord de Bangui qui est en cours, nous pensons que le législateur devrait supprimer l'obligation faite à un mandataire de produire « un pouvoir spécial »chaque fois qu'il intervient devant l'Organisation. Etant donné que c'est elle qui organise le concours pour devenir mandataire agrée auprès de l'OAPI, délivre le titre et tient à jour la liste de tous les mandataires y inscrits. Des lors, il est plus facile nous semble t-il de vérifier de la moralité de mandataires. La profession de mandataire en propriété intellectuelle est réglementée au même titre que celle d'avocat. Si le Barreau dans lequel un avocat est inscrit ne lui demande pas de produire un « pouvoir spécial ~ lorsqu'il y intervient, nous pensons que l'OAPI pourrait appliquer le même principe pour faire l'économie de contentieux devant la Commission Supérieure de Recours. Rappelons que le dispositif de l'article 8 est complété par un Règlement qui régit l'exercice de la profession38. S'agissant de la République Démocratique du Congo, l'article 18 de la loi de 1982 prévoit un dispositif similaire à celui de l'Accord de Bangui39. En principe, le recours au mandataire est facultatif pour le déposant national (sa nationalité est indifférente) dans le territoire de l'OAPI et obligatoire pour le déposant domicilié hors du territoire de l'espace OAPI. 37 Décision n° 00116/CSR/OAPI du 20 octobre 2008, dans l'affaire « ZILCAN~. RDCSR, p.2. En l'espèce, le Directeur Général de l'OAPI avait rejeté l'enregistrement d'une marque pour irrégularité d'absence du pouvoir du mandataire ». La Commission Supérieure de Recours avait annulé cette décision de rejet pour violation de l'article 14.3) et 6) de l'annexe III. 38 Résolution n°48/13 du décembre 2008 de la 4e session du Conseil d'Administration. 39 Article 18 de la loi du 07 janvier 1982 dispose que « Les déposants non Congolais, domiciliés a l'étranger, sont tenus de faire élection de domicile auprès d'un mandataire Congolais établi en République Démocratique du Congo et d'agir par son intermédiaire~. L'article 2 du Règlement dispose qu': « On entend par Mandataire toute personne physique ou morale habilitée à agir sur mandat, à titre professionnel ou non, pour le compte d'une personne physique ou morale, en vue d'effectuer auprès de l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle des opérations de propriété industrielle». La profession de mandataire est réglementée selon les règles qui régissent les professions libérales40. Le mandataire dont le Règlement fait allusion est un professionnel, porteur d'un Agrément délivré par le Directeur Général de l'OAPI à l'issue d'examen organisé par l'Organisation. Les articles 2 à 20 du Règlement susvisé posent notamment les conditions de forme ainsi que les conditions de fond que le mandataire doit remplir. Il convient de souligner que l'exercice de la profession de mandataire auprès de l'OAPI n'est accessible qu'à des ressortissants ou résidents des Etats membres41. L'article 17 alinéa 1 du Règlement ne prévoit pas de restriction sur la nationalité ou sur la base du principe de réciprocité, de sorte qu'un « étranger » résident peut exercer la profession dans l'espace OAPI. Bien que le Règlement ne le prévoit pas expressément, les obligations professionnelles du mandataire OAPI, sont les mêmes que celles qui régissent la profession d'Avocats42. S'agissant de l'organisation de la profession, le Règlement limite le nombre des mandataires à Cinq dans le territoire de l'un des Etats membres de l'OAPI, audelà, ceux- ci peuvent s'organiser en association ou en groupement43. Il convient de noter qu'actuellement, l'accès à la profession est subordonné à l'admission au concours organisé par le Directeur Général de l'Organisation. 40 Article 3 du Règlement dispose que: La profession de mandataire est une profession libérale organisée par le présent texte et les règles qui régissent les professions libérales. Toutefois en cas de conflit, les dispositions du Règlement sur la profession de mandataire prévaudront sur tout texte national régissant les professions libérales. 41 Article 17 du Règlement du Conseil d'Administration. 42Voir les articles 24 a 30 du Règlement-Op.cit. 43 Articles 31 à 33 du Règlement. Quant au régime disciplinaire de la profession, il relève de la compétence du Directeur Général de l'OAP qui peut être saisi soit par l'autorité publique, soit par le déposant ou par des tiers44. Le mandataire agrée auprès de l'OAPI est un professionnel libéral. Or, la profession est accessible également à de non juristes. En pratique, on observe que la plupart des sociétés professionnelles de mandataires sont intégrées dans les cabinets d'Avocats. Le Règlement OAPI est plus complet et plus moderne au regard des évolutions et de besoin des déposants. La loi Congolaise du 07 janvier 1982, tout en prévoyant un régime similaire, se distingue de l'Accord de Bangui ainsi que de son Règlement d'application susvisés. En effet, le dispositif de base est constitué dans les articles 19 à 21 de ladite loi. De manière générale, les conditions d'accès à la profession de mandataire sont similaires à celles de l'Accord de Bangui45. Toutefois, des différences majeures existent. En République Démocratique du Congo, c'est le ministère en charge de la propriété industrielle dans ses attributions qui reçoit les demandes, examine et délivre l'Agrément de mandataire en propriété industrielle46. Bien que la loi soit silencieuse en ce qui concerne le mode d'exercice, la plupart des mandataires agrées en République Démocratique du Congo sont des Avocats inscrits dans l'un des barreaux du pays. Il existe de fait un« monopole »par les juristes. Ceci à notre avis, s'explique par le fait que la réglementation en vigueur exige d'abord l'exercice à titre libéral, d'autre part des connaissances approfondies dans le domaine de la propriété industrielle47. 44 Articles 34 à 43 du Règlement -Op.cit. 45 Article 19 dispose que: Les mandataires en propriété industrielle doivent être préalablement agrées, en raison de leur honorabilité, moralité et compétence en la matière, par l'autorité compétente ou son délégué. Cet agrément peut être retiré à tout moment en cas de manquement grave. Le ministère ayant la propriété industrielle dans ses attributions tient et publie régulièrement la liste des mandataires agréés ou radiés. Cette liste mentionne les noms et adresses desdits mandataires ». 46Voir : Loi 82-001 du 7 janvier 1982 régissant la propriété industrielle, J.O.Z., n°2, 15janvier 1982, p.9 47 Article 20 de la loi du 7 janvier 1982. En France, la profession de mandataire connait actuellement une évolution historique, avec notamment la récente réforme qui consacre la fusion des professions d'avocat et du Conseil en propriété industrielle48. Pour parvenir à cette réforme autrefois contestée par les avocats, un examen approfondi entre les modes et les attributions reconnus aux deux professions serait utile. D'un côté, pour être Conseil en propriété industrielle, il faut être inscrit sur la liste des personnes qualifiées tenues par l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) et exercer à titre libéral. L'inscription est conditionnée à l'admission à l'examen de qualification Européen (EQE) organisé par l'INPI49. De plus, la profession est représentée auprès des pouvoirs publics par la Compagnie Nationale des Conseils en Propriété Industrielle (CNPI) qui défend leurs intérêts professionnels et s'assure du respect des règles de déontologie professionnelle50. S'agissant de l'avocat, la loi lui reconnait le monopole de l'assistance et de la représentation des parties devant les juridictions, les organismes juridictionnels ou disciplinaire de quelle que nature que ce soit51. La loi fixe les délais de mise en conformité des structures exercice52. Avec les délais de mise en conformité prévus, les conseils en propriété industrielle peuvent aussi exercer au sein de sociétés commerciales. 48 Loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de la modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, J.O.F. du 29 mars 2011. 49 Voir Rapport de «la proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts de justice», du 2 décembre 2008, www.senat.fr/rap/108-161/html. 50 Op.cit. 51Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, J.O.F du 05 janvier 1972. 46. Rapport de « La proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, www.Senat.fr/rap/108-161/html. 52 La réforme prévoit également l'abrogation des articles L.422-7 et L.422-12 du Code de la propriété intellectuelle. Une fois que les conditions de forme et de fond ont été remplies, il est nécessaire d'envisager le dépôt de la demande (§2). |
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