II/ Le Taylorisme remis en cause :
La crise du Taylorisme est souvent
décrite en termes de rejet socioculturel du travail
répétitif et ennuyeux, un rejet qui se manifeste par
l'absentéisme, la rotation rapide du personnel ou turnover (c'est
à dire la difficulté de stabiliser les individus sur leurs postes
de travail), le sabotage, la mauvaise qualité des produits, "la
flânerie".
Cette crise du travail est réelle, et elle a un effet
important sur la productivité en affectant l'intensité du travail
(le nombre d'heures par jour de travail effectif, pauses et temps morts
déduits) et, dans une moindre mesure son efficacité.
De fait le taylorisme est entré en crise de
manière plus globale et plus profonde que cette interprétation
socio-psychologique ne pourrait en rendre compte. De manière très
schématique, dans la mise en oeuvre combinée d'hommes et de
machines pour produire, le Taylorisme a fondamentalement
joué pendant 30 ans d'un seul facteur pour améliorer
l'efficacité du travail (et non son intensité). D'un
côté "le degré zéro de la qualité du travail
humain". De l'autre, des machines de plus en plus perfectionnées
où se condense l'essentiel du progrès technologique.
En effet, le Taylorisme s'est volontairement
interdit, dès le départ, d'intégrer les avancées
techniques au processus de production sous la forme principale du travail
humain plus qualifié: plus qualifié au niveau individuel (par le
caractère évolué des tâches confiées aux
ouvriers) et au niveau collectif ( par la maîtrise qu'une équipe
de production bien soudée et efficacement organisée peut avoir de
son travail et de son produit ). Il faut désormais jouer sur un autre
clavier que le seul investissement matériel : celui de la qualité
du travail.
Celle-ci passe par la formation des salariés,
l'organisation du collectif de travail, la mobilisation des réserves de
savoir pratique du personnel, la conception d'équipement et d'ateliers
ergonomiquement mieux adaptés. Un tel effort fonde une substitution
inverse du mouvement classique : le travail peut économiser le capital.
La gestion moderne vise donc à forger, au bureau et dans l'atelier, une
nouvelle culture. La fonction idéologique de l'entreprise dans la
société s'en trouve fortement renforcée : la
productivité doit légiférer sur l'ensemble des rapports
sociaux dans l'entreprise et en dehors d'elle, et au-delà, sur les
rapports internationaux.
Enfin, les années 70 sont marquées par le
renversement des rapports entre producteurs et consommateurs. La saturation de
la demande de biens homogènes, la demande croissante de qualité,
l'intensification de la concurrence accompagnant l'ouverture des
économies modifie le rapport de force entre producteurs et consommateurs
aux détriments des premiers. Les entreprises se doivent désormais
de fournir au consommateur un produit de qualité et spécifique au
moment où celui-ci le demande. Autrement dit, l'aspect commercial
devient prépondérant. A ce titre, le toyotisme, organisant la
production de l'aval vers l'amont (système du kan ban) apparaît
comme plus efficace que le taylorisme, qui organise la production de l'amont
vers l'aval (le bureau des méthodes est à la source de la
production, pas le consommateur).
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