Section IV* : Le passage aux normes internationales :
une révolution comptable.
Les sociétés cotées en Europe ont
préparées leurs comptes consolidés conformément aux
normes IAS- IFRS adoptées par l'Union Européenne depuis le 1er
janvier 2005. Elles y sont aidées par la norme IFRS 1 « Fist-time
Adoption of IFRS » et par les recommandations formulées par la COB
inspirées des dispositions du CESR ( Committee of Euopean Securites
Regulators). Première norme complète adoptée par l'IASB le
19 juin 2003, l'IFRS 1 s'applique à tous les états financiers qui
mentionnent pour la première fois le fait qu'ils sont établis en
conformité avec les IFRS et précise les modalités de
changement de référentiel comptable. Ainsi, un bilan en normes
IAS-IFRS doit être constitué à l'ouverture de l'exercice
précédent l'exercice de première adoption,
c'est-à-dire au 1er janvier 2004 pour les états financiers
établis au 31 décembre 2005. Cette norme impose également
de fournir une information détaillée sur l'impact du passage
à ce nouveau référentiel.
Les IAS-IFRS auront un impact prévisible sur le bilan,
en particulier sur le calcul des fonds propres et de l'endettement, et sur la
détermination du résultat. Quelles en seront les
conséquences boursières ? A ce jour, il apparaît difficile
de les estimer de façon fiable.
Dans un premier temps, les changements dans le profil de
performance financière et de risque des sociétés peuvent
créer de l'incertitude chez les investisseurs et les conduire à
modifier leurs arbitrages d'allocations de ressources. Si l'on considère
que l'application des IAS-IFRS apportera plus de transparence et de
comparabilité dans l'information financière, les
sociétés peuvent en attendre, en théorie, une
crédibilité renforcée susceptible d'atténuer le
risque perçu et ainsi abaisser leur coût du capital.
Le passage à ce nouveau référentiel
comptable a des répercussions profondes dans de multiples domaines,
comme les systèmes d'information, la communication interne et
externe,
*Source : Document publié sur internet de
Christian Hoarau : Professeur au Conservatoire national des
arts et métiers, titulaire de la chaire de Comptabilité
financière et audit, membre du CNC et du CRC.
la formation comptable et financière initiale ou continue,
ou encore l'activité des trésoriers d'entreprise ou celle des
crédits managers.
Pour la France, l'application des IAS-IFRS constitue une
révolution dans sa culture comptable et suscite, peut-être plus
qu'ailleurs, de nombreuses interrogations.
Les méthodes d'évaluation des actifs en
comptabilité font l'objet depuis longtemps de réflexions
doctrinales et d'études empiriques. A partir de la notion d'actif retenu
dans le référentiel IAS-IFRS, Yuri Biondi
discute des avantages et des limites, dans la perspective de
l'appréciation des performances de l'entreprise, de deux
modalités d'évaluation opposées, l'une fondée sur
l'actualisation des flux de trésorerie futurs et l'autre sur la
capitalisation des dépenses effectives. La controverse sur
l'évaluation des instruments financiers est plus vive avec l'application
de la notion de « fair value » au coeur des débats entre d'une
part l'IASB et d'autre part les représentants des banques et des
assurances.
Le projet de norme IAS 39 révisé ne
répond toujours pas aux demandes spécifiques des banques
européennes dont le principal motif d'insatisfaction concerne la macro-
couverture de leurs risques de taux d'intérêt. Malgré la
complexité du sujet au plan technique, Jean-Paul Codal
nous permet de comprendre pourquoi, après tant de consultations
et de proposition de part et d'autre sur l'IAS 39, l'évaluation des
produits dérivés demeure aussi sensible. Il examine les
différents problèmes qui n'ont encore pas de solutions
appropriées pour l'activité bancaire et met en évidence
les conséquences qu'aurait une généralisation de
l'évaluation à la « fair value » de tous les
instruments financiers.
Dans cette hypothèse, quelle serait la signification au
plan économique des gains et pertes latents enregistrés dans les
comptes ? En fait, JP Codal pose la question de fond du réalisme d'un
modèle comptable en « full fair value » et au-delà de
la finalité même de la comptabilité. Le recours à la
convention de « fair value » pour le secteur de l'assurance a
également suscité interrogations et critiques. Ce domaine
d'activité ne dispose pas encore d'une norme IFRS.
L'application du référentiel IAS-IFRS ne change
pas uniquement les habitudes des préparateurs des états
financiers. Elle modifie aussi la nature des risques identifiés par les
auditeurs lors de leur mission de contrôle légal des comptes.
Christian Prat dit Hauret distingue deux
grandes catégories de zones de risque. La première est
liée à la philosophie comptable sous-jacente aux normes IAS-IFRS,
en particulier l'absence de standardisation de la présentation des
états financiers, le principe de la prédominance de la substance
sur l'apparence « substance over form ») et l'appréciation de
la « juste valeur ». La seconde consubstantielle aux règles de
comptabilisation entraîne un contrôle plus complexe des actifs et
une exigence plus forte de la validation des passifs, notamment en
matière de provisions et de passifs éventuels.
Les modifications introduites par les IAS-IFRS vont-elle se
traduire par des changements substantiels en matière d'analyse
financière ? Après avoir rappelé les modes de raisonnement
tenus par les analystes selon qu'ils sont débutants ou
expérimentés, Jean-Guy Degos procède
à une analyse de la pertinence des IAS-IFRS pour le diagnostic financier
des entreprises. Il montre que si ce référentiel conforte
l'appréciation de la rentabilité à court terme et de la
solvabilité à moyen terme, il n'apporte pas
d'éléments nouveaux susceptibles d'améliorer le diagnostic
de la flexibilité financière.
En conclusion, les groupes européens ont engagé
au premier semestre 2004 l'essentiel de leur projet de transition aux normes
IAS-IFRS. La complexité de ce référentiel sera une source
de difficultés.
.
|