Joseph TONDA55 propose le concept de Souverain
moderne qui, d'après Florence BERNAULT, est une figure mi-Hobbesienne,
mi-marxiste d'un Léviathan remis au goût du jour. Il décrit
« l'ensemble des rapports qui, pour Joseph TONDA, gouvernent la production
du monde de l'après colonial, et impose à ceux pris dans ses
rêts, une culture du tourment, de la persécution, et de la
violence retournée sur soi. Le Souverain moderne met en évidence
les rapports de force qui gouvernent hiérarchies sociales et imaginaires
en Afrique centrale ».56
Il existerait donc des relations entre symbolique et
fétichisme. Ces relations sont livrées, parfois
dispersées, dans plusieurs parties du livre. « Pour Joseph TONDA,
le concept de violence symbolique emprunté à BOURDIEU, est
impuissant à rendre compte de la violence publique et privée en
Afrique centrale. Selon lui, la violence symbolique à l'oeuvre dans la
plupart des sociétés occidentales stables, sauf cas limites, est
en effet, une violence structurante, permettant aux autres formes de violence,
violence physique et matérielle, d'être contenues. En Afrique
centrale, en revanche, ce qu'il appelle la violence de l'imaginaire
procède à une extraordinaire fusion confusion de tous les modes
de violence. ».57
Parce que cette violence confond matériel et
imaginaire, à l'instar des charmes païens capturant le
matériel-immatériel des esprits, Joseph TONDA, choisit de
l'appeler « fétiche ». Selon le Souverain moderne donc, les
dynamiques d'assujettissement des colonisés se résument et
s'incarnent dans des « fétiches » ou des «
fétichismes », qui voilent les gens à eux-mêmes,
obscurcissent les inégalités dont ils souffrent, et les rendent
impuissants autrement que par la production de violence sur euxmêmes, par
l'effet d'un véritable recyclage des brutalités
coloniales.58
55 Joseph TONDA, le Souverain moderne, le corps du pouvoir
en Afrique centrale (Congo, Gabon), Paris, Karthala, 2005, p.251.
56 Florence BERNAULT, Compte rendu de lecture, « Autour
d'un livre : le Souverain moderne, le corps du pouvoir en Afrique
centrale (Congo, Gabon), Paris, Karthala, 2005, 297 p., de Joseph TONDA
», p.1.
57 Ibid., p.6.
58 Joseph TONDA, le Souverain moderne, le corps du pouvoir en
Afrique centrale (Congo, Gabon), ibid., p.56.
L'envers de cette hypothèse est que l'imaginaire
fétichiste du Souverain moderne, n'a ni limites raciales, ni
spécificité culturelles, ni prédicat religieux, ni
incarnation intellectuelle donnée. Il est une structure de
causalité historiquement formée, inaugurée en Afrique
centrale, par la venue de l'ordre capitaliste et colonial, et par la
résonance de celui-ci avec les imaginaires locaux. Ainsi l'imagination
théologique des missionnaires, l'imagination profane des
indigènes et l'imagination scientifique de MARX s'entendent pour faire
du fétichisme [...] ce qui unit au-delà de leur
différence, le christianisme, le capitalisme et la
sorcellerie.59
De plus, Joseph TONDA précise que « la
criminalisation populaire des mandataires ou de manière
générale, de tout homme politique, soupçonnés ou
accusés d'attenter pour les des raisons et par des moyens
fétichistes, mais aussi par la violence physique, à
l'intégrité physiques des mandants, est un
phénomène ordinaire au Gabon. Cette criminalité se
caractérise par des « meurtres rituels » ou, comme il se dit
aussi et suivant une logique de redoublement symbolique, des « sacrifices
rituels ». L'objectif étant de prélever des organes humains
appelés significativement « pièces détachées
» : langues, mains, oreilles, crânes, coeurs, organes
génitaux ».60
Nous ne pouvons poursuivre l'argumentaire avec l'auteur sans
évoquer, et cela est crucial pour notre travail, qu'«aussi bien
pendant les périodes électorales qu'entre deux élections,
des témoignages de familles, des observations que l'on peut faire ainsi
que des articles de presse permettent de se rendre compte de la
réalité de ces « crimes » ou « sacrifices rituels
». Des noms des commanditaires et des exécutants sont cités
et l'on évoque toujours soit par des allusions, soit ouvertement des
hommes politiques, dont certains sont directement proches des hauts lieux du
pouvoir ».61 Le constat de l'accroissement exponentiel de cette
criminalité politico-fétichiste par des temps électoraux
est donc particulièrement banal. Par ailleurs, et ce qui enrichit sa
démonstration sur
59 Ibid., p.90.
60 Joseph TONDA, Fétichisme politique,
fétichisme de la marchandise et criminalité électorale au
Gabon, op.cit., p.3.
61 Joseph TONDA, Fétichisme politique,
fétichisme de la marchandise et criminalité électorale au
Gabon, ibid., p.3.
laquelle d'ailleurs nous nous appuyons pour notre analyse,
c'est que « de jour comme de nuit, les cimetières sont
visités. Les ossements humains foisonnent. Et il semble que dans cette
affaire là, les parties génitales sont recherchées et que
les « clitos » sont devenus des barres d'or ».62
Pour conforter les recherches de Joseph TONDA, les
profanations des tombes au cimetière de Mindoubé de Libreville
sont illustratives de ce fétichisme politique en tant que pratique
courante à l'approche des élections politiques au Gabon.
Toujours pour rester dans cette mise en évidence de ce
rapport, ce lien étroit entre le fétichisme et politique, nous
avons retenu également la contribution de Fidèle Pierre
NZE-NGUEMA63, qui nous présente que le succès du feu
président Léon MBA résidait dans ses relations avec les
pratiques culturelles et ésotériques du Gabon. Car pour
Fidèle Pierre NZENGUEMA, le chef de l'État gabonais
n'était pas que le chef de l'État, il devait aussi être le
chef dans les cérémonies initiatiques. L'initiation de
Léon MBA par exemple au culte Bwiti en est la parfaite illustration, car
cela lui a permis d'assurer l'image d'un futur chef dont on ne saurait craindre
la partialité. Trois facteurs sont mis en exergue par l'auteur, dans le
rapport étroit et consubstantiel de la sorcellerie et le pouvoir, dont
retenons le troisième. En effet, « le troisième facteur se
résume dans l'imagerie populaire qui le percevait comme
dépositaire d'une puissance spirituelle : l'évus ou
évur (Fang), ignemba (Myènè), dikundu
(Punu). Puissance sans laquelle il n'aurait pas pu assumer les fonctions de
président de la République. L'évus participerait
de l'assise sociale : la relation de sorcellerie renvoie au tissu existentiel
au quotidien, dans les rapports intra-communautaires. L'on se trouve en
présence d'une dialectique, dont les termes sont la force spirituelle et
la lutte pour le pouvoir ».64 On comprend ainsi que «
seuls peuvent se montrer forts, sans trop s'exposer, qu'il s'agisse de
revendication de pouvoir, d'étalage de richesse, ou de multiplication
d'alliance, ceux qui sont en situation sociale
62 Ibid., p.4.
63 Fidèle Pierre NZE-NGUEMA, L'Etat au Gabon. De 1929
à 1990. Le partage institutionnel du pouvoir, Paris, (coll. «
Etudes africaines »), l'Harmattan, 1998, 239 p.
64 Fidèle Pierre NZE-NGUEMA L'Etat au Gabon. De 1929
à 1990. Le partage institutionnel du pouvoir, Paris, (coll. «
Etudes africaines »), l'Harmattan, 1998, p.73.
de le faire »65 ; on soupçonnerait les
hommes politiques par exemple. Loin de conclure ce débat sur le rapport
de consubstantialité entre le fétichisme ou sorcellerie et
pouvoir politique, l'identification du pouvoir à travers un individu
gagne davantage en consistance qu'elle s'intègre dans un cadre de
cohérence plus vaste, c'est-à-dire les sectes. « Sectes dont
nous savons maintenant qu'elles ont joué et continuent de jouer un
rôle cardinal dans la codification et la structuration de l'univers
symbolique du pouvoir politique en Afrique dont le Bwiti, entre autres.
Ainsi les sociétés politiques africaines
associent largement la domination physique matérielle des forces de
contrainte (l'armée, la police, la justice...) à une dimension
immatérielle : le sacré ».66 Si on devait
conclure sur les facultés dévolues par la société
à cette force mystique (l'évus, ignemba, dikundu, etc.) dans la
consolidation de l'assise sociale du pouvoir, il importe ainsi de faire
ressortir que celle-ci serait cause d'un certain fatalisme des populations face
au phénomène politique en Afrique. C'est-à-dire que le
phénomène ne reposerait que sur la violence physique et
symbolique ; qu'enfin des comptes, il s'agit d'un pouvoir politique
mortifère. A cet égard, « n'est-il pas indifférent de
penser que des rivaux potentiels ou avérés de Léon MBA, se
fussent peut-être mis en réserve de la présidence,
conscients qu'il bénéficiait- à tort ou à raison-,
d'une puissance spirituelle supérieure à la leur, ou dont ils
auraient été dépourvus ».67
Autre contribution, dans cette dialectique entre
fétichisme et /ou sorcellerie et le pouvoir politique en Afrique, c'est
celle de Comi TOULABOR. En effet, pour lui, l'accent est mis sur des exemples
contemporains en Afrique de sacrifices humains liés au politique. «
Les sacrifices humains sont une pratique courante à travers l'histoire
de l'humanité ».68 Car « des faisceaux d'indices
concordants existent qui
65 Fidèle Pierre NZE-NGUEMA, Ibid., p.73 citant
Marc AUGE, «Les croyances de la sorcellerie in la Construction du
monde », Maspero 1974, p.52.
66 Ibid., p.74.
67 Jean François BAYART (sous la direction) Religion
et politique en Afrique noire, Paris, Karthala, 1993 : 289, cité
par Fidèle Pierre NZE NGUEMA, ibid., p.74.
68 Comi TOULABOR, « Sacrifices humains et politique
: quelques exemples contemporains en Afrique », p.207, in P.KONINGS,
W. van BINSBERGEN et G.HESSELINGS (dirs.), Trajectoires de
libération en Afrique contemporaine, Paris, Karthala ; Leiden, ASC,
2000,295p.
permettent de dire que des sacrifices humains sont
pratiqués par des dirigeants africains ».69 Ce qui est
utile pour la suite de notre argumentaire, c'est de voir la définition
que l'auteur donne du sacrifice humain et surtout à quelles fins. «
Le sacrifice humain dont il est question ici consiste pour une personne
à tuer intentionnellement selon un rituel approprié une autre
personne, et à offrir son sang et/ou tout ou partie de son corps
à une divinité ou « fétiche » dans le but de
protéger et de conserver cet avantage aussi longtemps que possible. Le
sacrifice humain compris ainsi n'est pas exclusif du sens métaphorique
auquel il s'articule quand la violence politique peut être
instrumentalisée pour occulter des meurtres rituels
».70
L'auteur nous fait remarquer aussi que « le sacrifice
humain fait intervenir un personnage nodal qui est « le féticheur
», le sacrificateur ou le « marabout » qui jouit d'une
entière liberté dans la prescription et l'ordonnancement du
sacrifice ... Une autre modalité est d'offrir au « fétiche
» des parties de la victime supposée être le
réceptacle de son énergie vitale : organe génitaux, foie,
coeur, langue, crâne, ossements divers, etc. »71 Mieux,
« il arrive aussi que l'on prélève des morceaux choisis sur
des cadavres ou qu'on les achète sur le marché de trafic du corps
humain qu'alimente la criminalité dans certains pays africains
»72, en particulier au Gabon ; où comme nous l'avons dit
plus haut, la recrudescence des crimes rituels et profanations de tombes et
accusations d'acte de fétichisme se multiplient à la veille des
élections. Ces pratiques occultes qui forment « le soubassement
» (c'est le cas de le dire) du régime de BONGO. Le président
gabonais, grand maître fondateur de l'obédience maçonnique
baptisée Grand Rite équatorial, a réussi à
syncrétiser les rites maçonniques et les bwiti
».73
Car « les membres bwiti aspirant à plus de statut
social au sens large (richesse matérielle, notoriété
sociale, hauts grades du savoir bwiti, etc.) sont obligés de conclure
des pactes fondés sur le sacrifice humain. Il
69 Ibid., p.207.
70 Ibid., pp.208-209.
71 Ibid p.209.
72 Ibid., p.209.
73 Comi TOULABOR, « Sacrifices humains et politique :
quelques exemples contemporains en Afrique », ibid.,
p.214.
existe, sur les ondes de Radio- Trottoir, les informations
où apparaissent souvent dans les affaires scabreuses les noms du chef de
l'Etat et des hauts dignitaires du régime ».74 La
condition sine qua non du pouvoir est que si il y a sacrifice humain, ou tout
autre acte de fétichisme posé par le candidat, il y a
récompense immédiate. « Dans les années trente en
effet, Léon MBA était membre du bwiti (et de la
franc-maçonnerie). Pour accéder au haut grade dans la
hiérarchie bwiti et aussi à un statut professionnel
supérieur, il devait sacrifier un être cher, comme dans d'autres
cultes initiatiques similaires. Il choisit donc son épouse. Son forfait
accompli, il eut sa première consécration en devenant
maîtrise bwiti ».75
Enfin, Comi TOULABOR met bien en évidence le rapport
étroit entre fétichisme et politique « aux moments des
remaniements ministériels, de nominations de quelque importance, et
maintient de compétitions électorales, sont-ils très
probablement des veillées d'armes où les meurtres rituels et le
trafic du corps humain et leurs hypostases (volailles et bétail),
atteignent des courbes ascendantes... Le sacrifice est une procédure de
souscription à une assurance ou un acquittement du rappel
».76 « Le sacrifice est un véritable protocole
d'échanges de dons et de contre-dons ».77
Comi TOULABOR avance comme explication parmi tant d'autres le
fait que « le sacrifiant peut communier au corps et/ou au sang de la
victime comme lors du sacrifice eucharistique catholique : ici on est en
présence d'une relation ontologique. De même qu'ici des
frères réunis goûtent de la chair et boivent du sang du
Christ pour se sanctifier et pour s'identifier à lui, de même
là le sacrifiant incorpore l'énergie vitale de sa victime par
voie orale, nasale ou sanguine, en mangeant, en buvant, en inhalant des
préparations ou des poudres nasales à base des
éléments du corps humain ou alors en introduisant dans son corps
les mêmes éléments par scarification ou incision
».78 Ainsi arrive t-il aux conclusions selon lesquelles «
le sacrifice humain fait partie des milles et une stratégies de
74 Ibid., p.214.
75 Ibid., p.215.
76 Ibid., p.219.
77 Ibid., p.219.
78 Comi TOULABOR, « Sacrifices humains et politique :
quelques exemples contemporains en Afrique »,
ibid., p.220.
quête du pouvoir et de sa préservation entre les
mains des dirigeants africains ».79 Et qu'« avec les
compétitions électorales qui précarisent la position de
plus d'un dirigeant, on assistera de plus en plus à la multiplication
des sacrifices humains vis-à-vis desquels les droits de l'Homme et de
l'État de droit risquent d'être désarmés
».80
Parce que ces pratiques occultes « font du corps de
l'autre, et surtout de sa vie, une vulgaire ressource politique qu'on peut
actionner à sa guise ».81Dans la même perspective,
nous convoquons Luc de HEUSCH82 pour qui le facteur magico-religieux
demeure un élément majeur de légitimation et de
conquête du contrôle politique d'un territoire. De plus, « le
pouvoir trempe cette fois sans équivoque dans la sorcellerie
maléfique. En effet, pour acquérir ses qualifications magiques
(wene), le candidat chef doit livrer un certain nombre « de
personnes de la nuit, qui, privées de leurs âme, meurent dans les
jours qui suivent ».83 Pour lui, « l'économie
marchande pervertit littéralement le système traditionnel et
trouve dans la sorcellerie son alliée naturelle puisque la
première implique la capture systématique d'êtres humains,
réduits en esclavage, et la seconde le sacrifice humain. Le roi Garcia
II, qui régna au milieu du XVII ème , était pleinement
conscient de cette déchéance : « au lieu de l'or et de
l'argent et d'autres biens qui servent de monnaie ailleurs, ici la monnaie est
faite de personnes, qui ne sont ni or ni tissu, mais qui sont des
créatures ».84
Enfin, « si l'association du pouvoir et de la
sorcellerie au Mayombe doit être rapprochée de l'enrichissement
d'un certain nombre de chefs à la faveur de la traite, on ne peut
cependant considérer ce phénomène comme purement
contingent. Il est inscrit en effet structuralement au coeur même de la
sacralité ambivalente du pouvoir ; il s'agit d'une
79 Ibid., p.220.
80 Ibid., p.220.
81 Ibid., pp.220-221.
82 Luc de HEUSCH, Le roi du Kongo et des monstres
sacrés. Mythes et rites bantous III, éditions Gallimard,
2000, 420 p.
83 Ibid., p.114.
84 Luc de HEUSCH, Le roi du Kongo et des monstres
sacrés. Mythes et rites bantous III, ibid., p.122.
potentialité plus ou moins développée
des sociétés bantoues d'Afrique centrale »85
En Afrique centrale, la « commercialisation des hommes
» mais surtout de leur corps devient un phénomène des plus
récurent. Dans son analyse sur le commerce illicite des hommes paru dans
« Enjeux »86, Jean Bosco OYONO dresse un tableau
générique de la prolifération des entreprises criminelles
en Afrique centrale à l'ère globale. Pour lui, l'Afrique centrale
est plus touchée que d'autres parties de l'Afrique et dénonce
donc le commerce illicite des hommes ; particulièrement la traite des
femmes comme trafics humains. Parce que victimes des mirages et eldorados
européens, « les femmes sont particulièrement
vulnérables. Elles peuvent être l'objet d'une exploitation
sexuelle. Souvent endettées vis-à-vis des passeurs, elles sont
forcées de se livrer à des activités criminelles pour
rembourser leurs dettes ».87
Jean Bosco OYONO croise deux variables : « la
prolifération des entreprises criminelles en Afrique centrale » et
« l'ère globale », accusant la seconde d'être
responsable des déviances et activités criminelles en Afrique
centrale. Déviances et activités criminelles qui influencent
aussi le quotidien des hommes. On pourrait, à la suite de Jean Bosco
OYONO, se pose la question de savoir si la criminalité sous ses formes
et ses corollaires sont la condition sine qua non des pays africains, en
particulier ceux de l'Afrique centrale pour entrer dans l'ère de la
mondialisation et la globalisation des économies et des échanges,
et pour être qualifiés de pays modernes. Pour renchérir ses
analyses, l'auteur fait état aussi du trafic d'organes. En effet, «
les enlèvements et les disparitions, fréquents de nos jours, sont
liés au trafic d'organes, voire d'ossements. Il est bien connu que le
« marché noir » des organes humains est un commerce lucratif.
Cette activité intéresse aussi le crime organisé. C'est un
domaine
85 Ibid., p.123.
86Enjeux, Bulletin d'Analyse Géopolitiques pour
l'Afrique Centrale, Yaoundé, 3èmeannée,
publication trimestrielle, n°9 octobre-Décembre 2001, 31 p.
87 Jean Bosco OYONO, La prolifération des entreprises
criminelles en Afrique centrale à l'ère globale, in
ENJEUX n°9 octobre-Décembre 2001, p.10.
où l'on peut s'attendre à voir le milieu
médical subir les attaques renforcées de la corruption
».88
Max Alexandre NGOUA pense que la pratique de la sorcellerie
du Kong n'est pas un processus en marge de la vie sociale comme le pense le
sens commun, parce que celui-ci de manière subtile et efficiente est
usité par le pouvoir politique actuel du Gabon. La sorcellerie du Kong
est liée à l'impact de la globalisation et que sa nature
ambivalente provient de l'articulation entre valeurs anciennes, traditionnelles
et locales, et les nouveaux flux de commerce interrégional et
international. « L'aspect intriguant dans cette représentation (la
sorcellerie du Kong) est qu'elle relativise la distinction entre hommes et
marchandises. L'idée qu'on « vend » le parent et que celui-ci
sera exploité dans une plantation de cacao, etc. est l'illustration
parfaite de l'imprégnation dans nos moeurs du système capitaliste
».89
« L'argent est lié aux génies
scientifiques que sont les voitures, les avions, les appareils
électroménagers, les moyens de télécommunication
(...) toutes ces choses suscitent envies et jalousie, frustrations (...)
désirs de mort de l'autre possédant ».90 Enfin,
« l'argent est l'une des principales causes de tous les malheurs qui
sévissent dans le pays, c'est l'argent qui entraîne les gens
à se jalouser et à se détruire, à s'abandonner au
fétichisme et à la sorcellerie ; l'argent est en quelque sorte le
premier fétiche ».91
Max A. NGOUA termine en disant que le kong est la nouvelle
sorcellerie de la richesse ayant pour principe de base l'enrichissement rapide
et le profit à tout prix. Le kong est donc une affaire de pouvoir, de
domination (il s'agit du pouvoir politique).
88 Jean Bosco OYONO, La prolifération des entreprises
criminelles en Afrique centrale à l'ère globale, ibid.,
p.10.
89 Max Alexandre NGOUA, La sorcellerie du Kong à
Bitam : une manifestation symbolique de l'économie et de l'Etat
capitaliste, p.11, Rapport de Licence en Sociologie, FLSH/UOB, Septembre
2003.
90 Joseph TONDA, Politique Africaine ; «Capital
sorcier et travail de Dieu », n°79, octobre 2000.
91 Jean-Pierre DOZON, cité par Joseph TONDA ;
op.cit.p.46.