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Le marché des restes humains. Etude sur le fétichisme politique à  Libreville

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par Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY
Université Omar Bongo Libreville - Maà®trise en sociologie de la connaissance 2008
  

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Section 2 : La sécurité des morts au cimetière de Mindoubé

1. Absence de normes de sécurisation du site

Par normes de sécurisation, nous entendons ici l'électrification, la clôture, une voie d'accès praticable en toute saison de l'année, l'entretien du site ne serait ce même que le désherbage. Cependant, Mindoubé est privé de ces normes de sécurité, preuve aussi du non respect pour nos morts. Le respect des morts s'effrite davantage. Mindoubé n'est donc pas le seul site qui présente cette absence de normes de sécurisation ; Plaine Niger, Baraka, Lalala, pour ne citer que ceux-là présentent les mêmes difficultés. Face à une telle situation, comment ne pas comprendre que nos cimetières sont visités à des heures tardives de la nuit et ce, en périodes électorales ?

On en veut pour preuve la photo n° 11 : « La formation d'un ruisseau »

Source : Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY, cimetière de Mindoubé, mars 2007

Cette photo montre bien que la barrière, ce qui reste de la clôture est entrain d'aller en ruine. Ou même la photo n°14 : « L'un des poteaux électriques existant.»

Source : Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY, cimetière de Mindoubé, mars 2007

Là aussi, le manque d'entretien de la clôture fait que l'herbe pousse et l'étouffe. Mais cette photo illustre surtout le fait qu'il y a un poteau électrique mais qu'il ne fonctionne pas. De facto, le site demeure dans le noir total.

2. Mindoubé, un site particulier

Mindoubé est un site particulier parce qu'il s'agit ici d'un endroit où s'exerce deux activités parallèles : l'une étant la récupération des « pièces détachées » pour le cimetière et l'autre, s'appesantissant sur le recyclage des ordures pour ce qui est de la décharge publique à ordures. On comprend donc qu'il existe deux structures communales. Or ce site est du domaine municipal, donc de la Mairie de Libreville, mieux se l'Etat et de son autorité. En outre, il ya lieu de dire que la décharge publique et le cimetière sont des éléments morts, c'est-à-dire que ce sont des lieux où l'on vient jeter ce qui ne sert plus (le cas de la décharge publique) et pour l'autre, où l'on vient déposer, enterrer les morts, ceux qui ne vivent plus (le cas du cimetière).

Aussi, deux directions se déclinent : la première est liée au pouvoir en relation avec l'occultisme et la seconde, au recyclage des ordures qui vont être ainsi réintroduits dans le marché économique. En ce qui concerne la décharge publique de Mindoubé, les populations habitant le site vivent d'elle ; ce sont des hommes, des femmes et des enfants qui recyclent les ordures. Cette situation se présente en Bolivie, au Pérou ou au Brésil, où l'on parle de « bidonvilles » ou « favelas ». Pour le cimetière, il s'agit de la problématique de la récupération d'ordre magique et économique des restes humains. Cependant l'État est incapable de rendre justice sur cette exploitation des corps ; ce qui fait que l'État, in fine, organise les pratiques magiques. C'est aussi l'exercice du pouvoir par des moyens symboliques ; puisque la commune est liée à l'État et donc, il doit régir.

Ce que nous pouvons retenir ici c'est le fait que le pouvoir, qui gère la cité, est impliqué dans le fétichisme politique. Face à ces profanations des tombes au cimetière de Mindoubé, des familles se plaignent mais l'État demeure incapable de réagir. En filigrane, les profanations des tombes pose le problème de l'État et du droit dans cette récupération des restes humains. Ce qui nous conduit à voir la définition de l'État chez WEBER.

Pour lui, l'État se définit comme « une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime ».216 L'État est le support du pouvoir politique dans les sociétés modernes. Mieux, « dans le sens plus restreint, l'État est parfois assimilé aux éléments qui constituent l'administration centrale, se distinguant ainsi des collectivités locales ou des organismes relevant de la sécurité sociale ».217

On peut renchérir cette approche de l'État conçu par WEBER en disant « que tout État est fondé sur la force,[...] S'il n'existait que des structures sociales d'où toute violence serait absente, le concept d'État aurait alors disparu et il subsisterait que ce qu'on appelle, au sens propre du terme "l'anarchie" ».218 En somme, « l'État consiste en un rapport de domination de l'homme sur l'homme fondé sur le moyen de la violence légitime (c'est-à-dire sur la violence qui est considérée comme légitime). L'État ne peut donc exister qu'à condition que les hommes dominés se soumettent à l'autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs ».219

Mieux encore, chez WEBER, l'État « est une institution qui possède, dans une collectivité donnée, le monopole de la violence légitime. Entrer dans la politique, c'est participer à des conflits dont l'enjeu est la puissance- puissance d'influer sur l'État et par là même sur la collectivité ».220 Nous partageons ce point de vue de WEBER sur l'État et le monopole de la violence légitime dans une communauté d'hommes.

Pour monsieur Guy-Joseph MBOUMBA, « l'État ne peut pas régler ce problème puisque ce sont toujours les mêmes hauts types qui sont toujours élus et qui profanent nos tombes pour gagner les élections. Comme on ne peut pas saisir la justice puisque c'est un "cercle vicieux" qui gère le pays, j'attends les vacances puisque la famille m'a chargé d'aller à Fougamou pour frapper le diable. Dans ces conditions, on n'est jamais mieux servi que par soi-même car la justice c'est pour ceux qui

216 Alain BEITONE et al., Sciences sociales, 3ème éd., Paris, Sirey, (coll. « aide-mémoire »), 2002, p.58.

217 Ibid., p.58.

218 Max WEBER, Le savant et le politique. Préface de Raymond ARON, Paris, Plon, (coll. « Bibliothèques 10- 18 »), 1963, p.29.

219 Ibid., p.29.

220 Ibid., p.32.

gouvernent, et ceux qui gouvernent, ce sont encore eux qui font ces choses d'une autre époque ».221

Dans cette même perspective, monsieur MBADINGA affirmé que « il ya au Gabon des prédateurs qui chassent les gens dans la ville et ceux qui viennent profaner les tombes à des heures tardives de la nuit. Comment expliquer que quand nous sommes vivants on n'est pas en sécurité, à plus forte raison morts ? Tu vois, porter plainte dans ce pays ne sert plus à rien, surtout pour ce genre d'affaire, ces plaintes que nous adressons sont oubliées expressément par l'État, il s'en fou puisque ces gens là n'enterrent pas leurs parents ici ; ils font leurs caveaux familiaux et viennent prendre ce qui reste de nos parents. C'est révoltant ce que l'État fait, il ne réagit pas et ne puni pas les vrais coupables ».222

En fin de compte, comme nous l'avons déjà fait remarquer plus haut, c'est ce même État qui gère la cité et qui est impliqué dans le fétichisme politique ; en exerçant son pouvoir par des moyens symboliques. D'autant plus que des plaintes ont été formulées par les familles des victimes des profanations des tombes ; il demeure malgré tout incapable de réagir. C'est en définitive le problème du droit et de l'État qui se pose en filigrane.

221 Propos de monsieur Guy-Joseph MBOUMBA lors de notre passage le 1er mars 2007 à Mindoubé, qui, pour la circonstance, a bien voulu nous donner son identité et profiter de notre canal pour exprimer son mécontentement par rapport aux profanations des tombes. Cf. la photo n° 6 de la page 74.

222 Propos de monsieur MBADINGA, au cimetière de Mindoubé le 1er novembre 2007.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo