Introduction de la première partie
Comprendre comment les sociétés traditionnelles
conçoivent et surtout, comment elles se comportent avec le sacré,
c'est interroger en filigrane les logiques qui gouvernent leurs imaginaires.
C'est donc questionner les différents cultes des ancêtres que sont
par exemple le Ndjobi chez les Massango, l'Agombé Nèrô chez
les Myènè, le Bwiti chez les Mitsogho ou encore le Byéri
ou Byer chez les Fang.
Pour notre étude, nous avons retenu le cas du
Byéri, pour tenter de comprendre cette étroite relation que les
sociétés traditionnelles gabonaises en général, la
société traditionnelle Fang en particulier, entretient avec le
sacré. Pour Durkheim, « les choses sacrées sont celles que
les interdits protègent et isolent ».114 Et le
Byéri ou « Byer Fang est le crâne de l'Ancêtre que
l'homme conserve, dans un but religieux, les restes humains de ses
Ancêtres ».115
S'inscrivant dans la définition de DURKHEIM, le
Byéri est sacré parce que protégé et isolé
par des interdits116 et il sert les individus de la
communauté en apportant paix, prospérité dans les
entreprises, abondance, sérénité, équilibre,
fécondité pour les femmes, la sécurité et maintient
la cohésion sociale des individus ; par des cultes qui lui sont
rendus.
Les Fang « mettaient le meilleur d'eux-mêmes
à vénérer leurs Ancêtres, dans le culte. Le byer est
le fondement des valeurs morales auxquelles les individus doivent se conformer
dans les usages, les rites, les croyances. Tous les sacrifices et les formules
invocatoires se réfèrent à lui ».117 En un
mot, le byéri est le socle de la société Fang car «
la société Fang était inconcevable sans le byer
».118 Il est « simplement une pratique rituelle -tout
comme " la flamme du souvenir"- consistant en un "culte"
114 Emile DURKHEIM, Les formes élémentaires de
la vie religieuse, Paris, (coll. « Le Livre de Poche
»), classiques de la philosophie, 1991, p.92.
115 Paulin NGUEMA OBAM, Aspects de la religion Fang. Essai
d'interprétation de la formule de bénédiction, Paris,
Karthala/A.C.C.T, 1983, p.39.
116 André RAPONDA WALKER a montré dans ses travaux
que la boîte qui contient les crânes humains n'est jamais vu par
les gens, même celui qui la garde n'a pas le droit de voir le contenu de
la boîte.
117Paulin NGUEMA OBAM, Aspects de la religion Fang, op.cit.,
p.54.
118 Ibid., p.42.
privé, familial, rendu aux mânes des
ancêtres, afin d'obtenir, à la fois leur bienveillance et leur
protection et d'honorer leur mémoire ».119
La persistance de ce culte des ancêtres montre bien que
c'est un culte prédominant et auquel les gabonais demeurent
attachés : le Bwiti chez les Mitsogho, le Byer chez les Fang par
exemple, malgré l'irruption du mode de production capitaliste, et en
filigrane, l'imposition du christianisme au Gabon durant la période
coloniale. Car, en rendant un culte à leurs ancêtres, les Gabonais
ont à l'esprit qu'ils sont la continuité de l'ancêtre et en
tant qu'ils sont porteurs et supports de la même essence que lui,
responsable de la lignée, du clan, de l'ethnie.
Ainsi, le travail de l'anthropologue qui s'intéresse
aux faits sacrés, doit accomplir une oeuvre significative de
compréhension, d'analyse des traditions ancestrales. Il s'agit en
quelque sorte de saisir la relation que l'homme entretient avec le
sacré, mais surtout, de repérer les modes de fonctionnement du
sacré dans l'organisation sociale de l'homme.
Nous tenterons de voir de manière chronologique au
premier chapitre, la période coloniale et l'approche anthropologique des
reliques au Gabon, au second chapitre les reliques comme symbole
d'autorité et de pouvoir et enfin, au troisième chapitre, la
crise du sacré au Gabon.
119André RAPONDA-WALKER et Roger SILLANS, Rites et
croyances des peuples du Gabon. Essai sur les pratiques religieuses d'autrefois
et d'aujourd'hui, Libreville, éd. Raponda-Walker, (coll. «
Hommes et société »), 2005, p.147.
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