1- Une Algérie agonisante.
C'est avec sincérité et sérieux que
l'Algérie s'est engagée à assurer toute la protection
voulue aux enfants sur son territoire. Le reste du monde n'est cependant pas,
sans savoir, qu'elle est confrontée à d'énormes
problèmes.
D'ailleurs, certain indicateurs socio-économiques et
éducationnels sont parmi les plus alarmants au monde : vieillissement de
la population, absence de cellules de proximité d'accueil dans les
régions éloignées, manque d'information, des taux de
fécondité à partir de 35 ans, la non-maitrise des
méthodes de contraception et le manque d'approvisionnement
approprié. Ces causes, pour ne citer qu'elles, provoquent chaque
année 1000 décès maternels et infantiles. Sur 180.000
décès enregistrés en 1999, 140 femmes sur 1000 meurent
(soit 14% l'auteur) suite aux complications et 57 bébés
décèdent suite aux malformations génétiques.
Cela étant, 8% des décès sont dus,
essentiellement, aux avortements et/ou aux fausses couches ... les observateurs
de la santé estiment que le taux de mortalité maternelle et
infantile au Sud du pays dépasse les 30% » (2).
Du point de vue économique, la situation demeure
alarmante. Le conseil économique et social (CNES) continue à
tirer la sonnette d'alarme sur la situation économique et sociale.
Quelques indicateurs démontrent clairement cette catastrophe qui
pourrait engendrer une explosion sociale : déficit global du
trésor à fin Juin 1999 : 80.2 milliards de dinars (03 fois plus
important que celui enregistrer à la même période de 1998).
Le taux de change afin Juin 1998 : 68.3 1 DA pour 01 Dollar US (contre 60.40 DA
pour 01 Dollar US à fin Décembre 1998 et 66.16 DA pour 01 Dollar
US à fin Mars 1999).
Le service de la dette à fin 1998 : 05 milliards de
Dollars. Le découvert en compte courant des banques : 71.8 milliards de
dinars (contre 40.2 milliards à fin 1998)... Plus de 01 million
d'enfants souffrent de malnutrition, dont 100.000 de formes
sévères.»(3).
Cette crise économique interne et chronique a eu des
répercussions sur la société. Ses retombées sont
dramatiques et représentent un réel danger sur sa cohésion
sociale.
Selon une étude en termes réels du pouvoir
d'achat des revenus salariaux entre 1986 et 1994 aurait été de
plus de 45% (...). L'appauvrissement d'une partie des salariés est
particulièrement sensible, puisque 13 % des chefs de ménages
salariés sont classés dans la catégorie « très
pauvres ». L'apparition de « nouveaux pauvres » issus des
couches moyennes, depuis le début des années 90 est un
phénomène inédit qui confère à la
pauvreté de nouvelles caractéristiques. Un rapport reprenant des
chiffres de l'ONS (office nationale des statistiques) affirme que 33% des
salariés ont un revenu inférieur à 6000 dinars.
Bientôt nous aurons deux classes très distinctes
les riches, qui représentent l'infime minorité, et les pauvres
qui représentent la majorité. Le fossé est grand,
très grand même, et de nouvelles moeurs commencent à
apparaître et à s'amplifier à une vitesse
phénoménale. Cette évolution à deux vitesses
engendrera, dans un futur proche, grâce à l'effondrement des
valeurs, une nouvelle forme de banditisme et de pression, qui sera
exercée sur les «hommes politiques».
Du point de vue éducationnel, la situation n'est
guère encourageante. Le 1/4 de la population est analphabète soit
plus de 07 millions, dont plus de 04 millions de femmes, la déperdition
scolaire est de 500.000 élèves par an. « Les salles de
classes sont utilisées à plus de 220 % de leur capacités.
Le parc des infrastructures du primaire accuse un déficit qui
dépasse les 40.000 salles de classes, ce qui correspond à 12 ans
d'investissement à ce niveau. En ce qui concerne la qualification des
enseignants dans les deux premiers cycles, on recense prés de 85% des
enseignants ne possèdent pas le baccalauréat. Le taux est de 63%
dans le troisième cycle. Dans le secondaires en revanche, les
enseignants sont majoritairement d'un niveau universitaire 9 7%»
(4).
Pour ce qui est des supports pédagogiques, « on
note que sur 15200 écoles primaires, réparties sur le territoire
national, 4045, soit 26% seulement, sont dotées de bibliothèques
scolaires »(5). Enfin pour ce qui est de la santé
scolaire, on note que « la couverture sanitaire des écoles atteint
à peine les 50% ». (6)
Du point de vue politique : la participation politique des
citoyens se trouve fragile, sinon inexistante. Le principe qui guide la
démocratie est celui de la citoyenneté. Il implique à la
fois le droit pour chaque être humain d'être traité par les
autres en égal en ce qui concerne la formation, les choix collectifs et
l'obligation
de la part des gouvernants d'être également
responsables devant tous les membres de la société politique ;
inversement, ce principe impose aussi des obligations aux gouvernés,
notamment celle de respecter la légitimité des choix, comme il
accorde aussi des droits aux gouvernants, notamment celui d'agir de
manière autorisée pour promouvoir l'effectivité de ces
choix, et pour protéger la Nation des menaces contre son existence.
La démocratie (comme régime), la
citoyenneté (comme statut et rôle) et la participation (comme
activité) sont trois concepts étroitement reliés. Tous
trois posent de sérieux problèmes sémantiques à
l'origine d'importants désaccords épistémologiques et
idéologiques. De ce fait, la démocratisation désigne les
processus par lesquels les règles et les procédures de la
citoyenneté sont soit appliquées aux institutions politiques
anciennement régies pour d'autres principes (le contrôle
coercitif, la tradition social, le jugement des technocrates ou la pratique
administrative), soit élargies pour inclure des personnes ou des groupes
qui ne jouissaient pas antérieurement de tels droits et obligations,
soit enfin étendues pour ouvrir les institutions qui n'étaient
pas antérieurement soumises à la participation des citoyens.
Or, il se trouve que, chez nous le concept de
citoyenneté, n'est pas pris en considération par la classe
politique. Cette dernière cherche à s'imposer comme substitut
à ce déficit de citoyenneté, donc à amorcer une
fonction de mobilisation politique et d'intégration, tout en risquant
d'hypothéquer doublement celle-ci. D'une part, en construisant la
citoyenneté sur un monde externe à nos valeurs ancestrales,
rendant de la sorte plus difficile la conversion de la citoyenneté en
instrument de gouvernement et donc en argument de mobilisation de
l'obéissance civile.
D'autre part, cherchant à corriger ce défit de
citoyenneté dans un espace politique différencié, en
l'associant à la stratégie, de protection ou de promotion d'une
classe politique nouvelle ou de notables traditionnels convertis en
élite politique, elle risque d'associer la fonction citoyenne moderne
à une légitimité fragile.
Les conditions de vie que connaît un grand nombre de
familles et d'enfants son telles que l'application des dispositions et articles
divers de la convention ne peut se concevoir que dans le cadre d'une
démarche tendant à remédier progressivement à la
situation ; les désavantages et les privations de droits dont souffrent
les enfants sont en effets plus marqués et plus difficiles à
surmonter.
A l'heure actuelle, l'Algérie subit comme d'autre pays
du monde les effets de certaines évolutions socio-économiques aux
retombées défavorables sur la situation de nombreux enfants de
moins de 18 ans. Au premier rang d'entre elle, figure la transition rapide
d'une économie presque exclusivement agraire à une
économie de marché où l'industrie et les services occupent
une place grandissante. Ce phénomène est accompagné d'un
déplacement de la population des compagnes vers les villes, le gros des
migrants appartenants aux groupes sociaux les plus pauvres (la concentration de
la population au Nord du pays, due à l'exode, est l'une des
délicates contraintes que rencontre l'Etat).
Selon une étude faite par un ingénieur en 1987 :
« 65% de la population, soit environ 15 millions d'habitants, était
concentré au nord occupant une superficie ne dépassant pas les 4%
du territoire national et comporte l'essentiel des terres agricoles, soit 70 %.
Dans les autres régions, 25%, soit 5,7 millions d'habitants se trouvent
dans les hauts plateaux sur environs 9% du territoire national. Quant au Sud
qui représente 87% de la superficie nationale, seulement 10%, soit 2,2
millions d'habitants, y vivaient.
Alger à cette époque comptait 3.663.505
habitants concentrés sur 0,3% de la superficie nationale, soit une
densité de 508 h/km2. Ainsi ce phénomène a
provoqué une utilisation abusive et anarchique des terres agricoles les
plus fertiles. Par ailleurs, la zone tellienne, considérée
à grand risque sismique comptera en 2010 plus de 20 millions d'habitants
et atteindra un taux d'urbanisation estimé à 70 %. A cela vient
s'ajouter l'accroissement anarchique des villes et des activités
économiques et industrielles qui menacent les
ressources rares et qui imposent une pollution préoccupante des eaux,
des sols et de l'atmosphère » (7). Sans oublier en plus le taux
d'accroissement de la population des grandes villes, le manque de terres et la
marginalisation croissante de certain groupes (l'urbanisation du pays est
à présent estimée à la hauteur d'environ 60% et les
bidonvilles accueillent une grande majorité de la population urbaine,
cette dernière est en augmentation rapide (...). Les demandes de
logement dépassent les 500.000), tout cela contribue à une
certaine clochardisation de tous les aspects de la vie, clochardisation qui
à un effet négatif sur les moyens de subsistances, la
cohésion familiale et la place des enfants.
Un nombre grandissant de ménages est dirigé par
une femme seule, dont beaucoup abandonnées temporairement ou
définitivement par des maris qui se soustraient à leurs
responsabilités familiales.
Les bouleversements de l'économie mondiale dans les
années 80, ont eu des répercussions sur l'ensemble des pays. En
Algérie, l'augmentation du nombre de femmes devant assumer seules les
charges de la famille, souvent sans qualification ou une formation
adéquate et suffisante, en fait la catégorie sociale la plus
vulnérable. Ceci représente une des symptomatiques de la
conjoncture actuelle qui caractérise l'Algérie d'aujourd'hui.
Dans les années fastes, la question du travail de la
femme ne se posait pas. En effet, l'épanouissement personnel dans le
prolongement d'une scolarité rendu possible par la
démocratisation et la gratuité de l'enseignement pour tous
favorisait l'insertion socioprofessionnelle de la femme. « Aujourd'hui,
cette insertion socioprofessionnelle ne se pose plus dans les mêmes
termes, elle se pose beaucoup plus en terme de nécessité
économique dont l'enjeu est la valorisation du revenu de la femme ou de
sa famille, lorsqu'il n'est pas celui de la création d'un revenu
inexistant auparavant. Le taux d'activité féminine est de 16.7%.
8,4% de familles ont une femme comme chef de famille. 3200 femmes, sans emploi,
sont chef de famille ou chef de ménage ». (8) Cette
situation alarmante ne peut qu'avoir une influence négative sur le
devenir de l'enfant.
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