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Analyse juridique de l'immunité de juridiction reconnue au personnel militaire de la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC )

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par Michel SULUBIKA OMARI
Université officielle de Bukavu - Licence de droit option droit public 2008
  

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Section III : POURSUITES DES CASQUES BLEUS DEVANT LES JURIDICTIONS DE L'ETAT D'ENVOI : Une brèche pour l'impunité

Dans cette partie du travail, il sera question d'expliquer le bien fondé de l'approche de l'impunité dans notre démarche.

Nous nous attellerons, pour y arriver, à analyser la notion de l'ordre public qui est à la base même de la poursuite ou du déclenchement de l'action pénale.

La complexité de cette notion nous permettra de la confronter au problème sous examen et de tirer notre appréciation enfin.

Premièrement, analysons le principe et posons notre appréciation en second lieu.

§.1 Principe

Traditionnellement, la tâche de rendre la justice relève des juridictions étatiques puisque si l'ordre juridique s'incarne dans l'Etat, rendre justice est un acte de souveraineté.

Il y a peu de notions juridiques qui soient aussi difficiles à définir que celles de l'ordre public.

D'entrée de jeu, il s'agit de l'ensemble des règles obligatoires qui touchent à l'organisation de la nation, à l'économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits et aux libertés essentielles de chaque individu.97(*)

La notion de l'ordre public ne peut se penser qu'une fois les sociétés pacifiées.

Pour tenter une définition, nous pouvons dire que l'ordre public est l'ensemble des règles et des normes ; écrites ou tacites, qu'un corps social impose à ses membres afin d'assurer son unité et son harmonie.98(*)

Mentionnons par ailleurs que l'ordre public est protéiforme.

L'ordre public est d'essence étatique aussi bien dans l'idée d'ordre que dans l'idée de publicité.

Ce concept connait une multitude d'application en raison de ce qu'il est commun à l'ensemble des disciplines juridiques. Autrement dit, il existe l'ordre en droit public, en droit privé, en droit économique, en droit des contrats, en droit administratif,... En sus, et c'est ici que nous reposerons notre appréciation, l'ordre public est une notion fonctionnelle dont le contenu est varié dans le temps et dans l'espace. Et pour le dire mieux, l'ordre public est une notion relative.

§.2 Appréciation du principe

Le principe est bien fixé quant à ce qui est de la dévolution de la tâche de rendre la justice aux juridictions étatiques.

Comme énoncé précédemment, nous nous en tiendrons au caractère relatif de la notion de l'ordre public qui varie aussi bien dans le temps que dans l'espace.

Dans notre étude, il est question de l'immunité dont sont couverts les personnels militaires pour toutes les infractions qu'ils commettraient sur le territoire de la République démocratique du Congo pendant tout e la durée de la mission.

Les seules juridictions compétentes sont celles des Etats participants dont ils sont ressortissants.

Eu égard à ce qui a été dit concernant le caractère facultatif de la notion de l'ordre public, ce qui constitue une infraction en République démocratique du Congo ne l'est pas forcément dans l'Etat d'envoi investi du pouvoir de poursuivre par l'Accord de siège étant entendu que la souveraineté nationale est le caractère du pouvoir d'un Etat qui n'est soumis au contrôle d'aucun autre Etat. C'est-à-dire, l'Etat détient la compétence d'organiser seul son exécutif, son législatif et son judiciaire.

Sous notre réflexion, il s'agit des infractions pénales commises sur le territoire de la République démocratique du Congo et devant être connues des tribunaux d'un Etat dont l'ordre public ne s'est pas vu troublé.

La question de relativité de la notion de l'ordre public nous pousse à émettre une inquiétude. L'acte pouvant déclencher la poursuite en République démocratique du Congo peut-il déclencher la même poursuite dans l'Etat du sujet ?

Il est très fort possible de répondre par la négative et de nous y fier étant donné la relativité de la notion de l'ordre public.

Mais dans une autre mesure de répondre par l'affirmative, c'es à dire si l'acte érigé en infraction en République démocratique du Congo l'est aussi dans l'Etat d'envoi, quel droit serait applicable ? Celui de l'Etat du for ou de l'Etat du lieu où l'infraction a été commise ?

L'accord avait très bien fait de prévoir cette voie de sortie devant les juridictions de l'Etat d'envoi mais elle ferait encore mieux s'il prévoyait le droit applicable.

A ce point, nous estimons aussi opportun de soulever une autre difficulté, et pas d'ailleurs la moindre, et elle est liée à la position des Etats d'envoi et celle de l'ONU.

Plusieurs rapports élaborés témoignent que les Etats d'envoi ne sont toujours animés de bonne foi de poursuivre leurs nationaux et cherchent à les épargner des tracasseries de la justice en mettant au premier plan leur bravoure.99(*)

Par ailleurs, l'ONU cherchant à conserver son image d'une mission de la paix et non de trouble, ne se limite qu'à des enquêtes et éventuellement à des rapports sans tâcher de prévoir des moyens de poursuite dans les Etats fournisseurs de contingent.

Pour preuve, le Bureau de l'ONU des Services du Contrôle Interne (BSCI) a publié son rapport sur les allégations d'abus à Bunia et au moins sept cas sur des mineurs d'âge.

Le chef de l'ONU de maintien de la paix, Jean-Marie Guéhenno, a indiqué qu'il était outré par les conclusions du rapport et ajouté que le niveau de violence a détruit la confiance de la population locale dans la mission de l'ONU censée la protéger.

Par ailleurs, le 8 juin 2004, un câble de l'ONU fut envoyé Monsieur William Lacy Swing, chef de mission des Nations Unies au Congo à l'époque, à Monsieur Guéhenno le sous-secrétaire des Nations Unies pour le maintien de la paix à New York.

Ce document décrit 50 allégations d'abus impliquant des Pakistanais, les troupes Marocaines et Tunisiennes. Une semaine plus tard, un autre câble a été envoyé avec quatre autres allégations d'abus sexuels et des fautes commises par le personnel de la MONUC, portant le total à Bunia à 54. Finalement, le total est passé à 72.100(*)

En réponse aux allégations de surveillance interne, l'ONU a envoyé une équipe d'enquêteurs indépendants en République démocratique du Congo. Mais cette enquête a été matériellement viciée. Selon le même rapport, les témoins avaient été soudoyés pour changer leur témoignage et menacés des représailles s'ils continuent à poursuivre leurs revendications.

Aucun soldat n'a été inculpé et seules 7 des allégations avancées ont été vérifiées au milieu du total annoncé non seulement pour le défaut de témoigner assorti d'intimidation de témoins et la création d'un climat de peur non seulement chez les enfants qui en sont victimes mais aussi parmi ceux qui travaillent à l'ONU aussi bien en République démocratique du Congo qu'à New York.

En sus de tout ce qui vient d'être dit, signalons que, sous d'autres cieux, plusieurs autres exemples mettent en exergue l'attitude de l'ONU de vouloir conserver plus son image que de l'altérer par des poursuites de ses propres casques bleus.

Ce n'est pas pour dire le contraire que nous évoquerons le cas de Madame Kathy BOLKOVAC, une policière américaine qui a travaillé pour l'ONU en Bosnie qui a donné une interview où elle a pris parole à propos des actes de violence analogues à la mission de l'ONU là bas. Les femmes y étaient disposées à témoigner dans une enquête d'affaires intérieures. Quand elle a essayé de faire pression pour de nouvelles enquêtes sur ces allégations, madame Kathy a été accusée de la souffrance de l'épuisement psychologique et a perdu son emploi à l'ONU.

Human Right Watch a exprimé des préoccupations semblables en 1993 pour la mission de l'ONU au Cambodge et, en 2002, un rapport sur les violations des Nations Unies en Afrique de l'Ouest a accusé l'ONU de préférant minimiser les allégations d'abus sexuels contre des mineurs.101(*)

Pour ceux qui travaillent pour l'ONU, la protection de sa réputation est primordiale.

En dépit de multiples pressions sur les casques bleus faites par l'ONU, il n'est pas étonnant qu'une atmosphère de secret qui prévaut, avec peu de gens prêts à aller dans le dossier de peur de compromettre leurs chances à continuer à travailler au sein de l'organisation.

Dans chaque cas, aucune mesure n'a été prise et aucune poursuite engagée mettant en lumière la question du manque de responsabilisation. Les Nations Unies tentent de se cacher plutôt que d'enquêter. Les Nations Unies et les pays fournisseurs de contingent jouent au ping-pong avec leurs responsabilités en matière de poursuite et d'enquêtes. Les pays d'envoi ne prennent pas la responsabilité de leurs troupes mais passent juste les remettre à l'ONU.

Il y a bien un besoin urgent pour une bien meilleure définition de l'endroit où se situe cette responsabilité.

Il ressort de ce tout ceci que cette façon d'agir ne tend que purement et simplement à faire obstacle à la mise en mouvement du droit ; ce qui constitue une ouverture certaine à l'impunité que nous pouvons envisager sous deux volets.

D'une part, il y a impunité lorsque les crimes commis ne son pas de sanctionnés faute des dispositions légales qui définissent ces crimes et prévoient des sanctions.

Dans notre réflexion, cet aspect est envisageable lorsque dans l'Etat du ressortissant dont les juridictions sont compétentes, le fait n'est pas érigé en infraction. Cette situation est difficilement envisageable.

D'autre part, il y a également impunité lorsque les crimes commis ne sont pas sanctionnés en dépit de l'existence des textes légaux qui qualifient les crimes et qui en prévoient des sanctions.

Ainsi, en présence des crimes, l'impunité peut résulter tantôt de l'absence des normes, tantôt de l'absence de respect des normes.

Cette dernière hypothèse est celle qui pourrait être envisageable dans le cadre de nitre travail dans la mesure où les normes peuvent rester lettres mortes. C'est bien le signe que le droit ne s'impose pas naturellement et qu'il r2sulte toujours d'un rapport des forces.

Nous présentons bien de crainte concernant la voie d'issue prévue par l'Accord de siège pour résoudre le différend pace qu'elle est de nature à conduire à l'impunité et, par voie de conséquence, elle nourrit les frustrations, les dissidences et les révoltes. Elle représente en outre, un puissant encouragement à la répétition des crimes commis.

Et des questions resteraient pendantes : Pourquoi s'interdire des pratiques qui ne sont jamais sanctionnées ? Pourquoi respecter les règles alors que leur violation n'est pas réprimée ?

De tout ceci découle la conclusion que l'impunité incite au crime.

* 97 http:/www.dictionnaire-juridique.com/définition from Google

* 98 Idem

* 99 Nous citons ici le sens du devoir dont ont fait preuve neuf soldats de la paix de l'ONU tombés le 25 février 2009 sous les coups des balles dans l'Est de la République démocratique du Congo en signe d'un sombre rappel du prix élevé qu'il faut parfois payer pour la paix. Rapport disponible sur http:/www.un.org/ecosocdev from www.afriquerenouveau.org

* 100 Http:/cadremploi.fr/rapport-Onu consulté le 21 janvier 2009

* 101 http:/www.cadremploi.fr, rapport online

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille