CONCLUSION
Il a été question dans cette réflexion
d'analyser et de critiquer le paragraphe 51, Titre VI de l'Accord de
siège passé entre la République démocratique du
Congo et la MONUC.
Aux termes de cette disposition, rappelons-le, il est
prévu que toutes les infractions pénales que commettraient les
membres militaires du personnel militaire de la MONUC ne sauraient être
connues que des juridictions de l'Etat fournisseur ou autrement dit, de l'Etat
d'envoi du contingent.
Il ressort de l'analyse qui a constitué la base de
notre développement que les prescrits de cette disposition ne sont pas
de nature à garantir une bonne administration de la justice.
Nous l'avons très bien remarqué lorsqu'il s'est
agi d'analyser les voies de recours que peut emprunter une victime de la
commission d'une infraction par un casque bleu.
S'agissant du recours devant les juridictions de l'Etat du
ressortissant, il s'est avéré que la victime se trouve face
à un nombre considérable d'obstacles qu'elle ne peut surmonter et
se résout enfin de compte à abandonner ses prétentions. Il
s'agit d'une voie qui offre plus de garanties mais présente une grande
inquiétude d'être souvent inaccessible au particulier
lésé.
Par ailleurs, considérant d'un côté
l'attitude de l'ONU qui cherche toujours à sauvegarder son image d'une
force de maintien de la paix et qui s'abstient à déclencher les
poursuites de ses casques bleus auteurs d'infractions pénales, de
l'autre l'attitude des pays fournisseurs des contingents mettant au premier
plan l'acte de bravoure de leurs soldats et qui les épargnent des
poursuites judiciaires, nous nous rendons bien compte que cette disposition
constitue une ouverture certaine à l'impunité que l'on consacre
sans l'appeler nommément.
Poursuivre les Casques bleus des Nations Unies est
actuellement très difficile en raison de leur immunité de
juridiction et de l'insuffisance des dispositions des lois de la
République démocratique du Congo. C'est pourquoi nous pensons que
l'ONU devrait jouer un rôle plus actif en veillant à ce que le
personnel militaire des Nations Unies puisse être poursuivi,
arrêté et condamné.
D'où la nécessité de la création
d'une unité au sein du Département des opérations de
maintien de la paix qui soit consacrée aux comportements des Casques
bleus et chargée de mettre en place des mécanismes de poursuites
de ceux-ci.
Par ailleurs, à l'égard de l'Etat congolais,
nous suggérons de mener des démarches pouvant permettre la
révision de cette disposition.
Cette révision rendrait matériellement et
personnellement compétentes les juridictions congolaises. Pour un pays
sorti fraichement des crises dans lequel le niveau de violation des droits de
l'homme s'est accru de manière plus qu'exponentielle et dans lequel la
promotion et la remise à niveau de la justice sont plus qu'une urgence,
nous estimons être temps d'ériger des barrières à
toute brèche à l'impunité ; d'où la
nécessité de l'imminence d'une justice immanente.
Il est possible de mettre au premier plan les
différents critiques que l'on porte à l'égard de la
justice congolaise et de présenter ainsi des doutes envers notre
démarche.
Tout n'est pas perdu car on pourrait aussi envisager la
constitution d'un tribunal mixte composé des juges congolais, des juges
ressortissant de l'Etat de l'agent en cause et des observateurs ou experts des
Nations Unies.
A ce titre, les soupçons d'un quelconque ombre de
corruption, d'impartialité ou d'une mauvaise administration de la
justice en général dont sont souvent accusés les tribunaux
congolais, seraient ainsi dissipés.
Rendre compétentes les juridictions congolaises incite
à demander à la République démocratique du Congo de
doter de nouvelles infrastructures les parquets, les tribunaux et les milieux
carcéraux afin d'inspirer confiance et donner une image de la justice
congolaise qui soit de nature à la considérer comme la seule voix
des sans voix. Ainsi, reconnaitra-t-on à la justice son double et
irremplaçable mérite de nous rappeler les limites de la morale et
de permettre, qu'aux générations futures, nous léguions
des sociétés plus humaines.
Tout compte fait, de tout ce qui précède, la
poursuite des casques bleus auteurs d'infractions pénales au Congo n'est
pas seulement une nécessité mais encore et surtout une urgence.
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