CHAPITRE I : ECLAIRAGE THEORIQUE DES PRINCIPES
DE MAXIMISATION DE L?UTILITE INTERTEMPORELLE
Introduction
L?influence de la volatilité sur l?accumulation du
capital physique est un sujet de grand débat, aussi bien du point de vue
théorique qu?analytique. Les travaux répertoriés ont fait
ressortir un grand nombre de mécanismes relatifs à cette
relation, bien sûr sous des postulats bien définis concernant par
exemple l?aversion au risque des agents économiques ou les coüts
d?ajustement (Caballero, 1991 ; Abel et Eberly, 1999 ; Bloom, 2007). Certains
de ces mécanismes ont un effet positif, tandis que d?autres semblent
agir de manière néfaste. De facto, l?effet total est a priori
ambigu. D?un côté, la convexité de la fonction de profit
assure que l?accroissement de la volatilité se traduise par
l?augmentation de l?espérance de gains, et donc des incitations à
investir (Abel, 1983) ; de l?autre, prenant en compte le caractère
irréversible des investissements (Pindyck, 1989) dans le cadre du
modèle néoclassique standard, puis celui plus
général de l?aversion à la déception, on
démontre que les investisseurs ont tendance à reporter leurs
projets en situation de volatilité pour attendre des informations
supplémentaires (Aizenman et Marion, 1999) . Ils évitent ainsi
les coûts d?ajustement liés à une situation ex post
défavorable. L?effet total dépend de l?intensité et du
réalisme des différents postulats en fonction de la zone
d?étude. Il est donc essentiel de balayer dans le détail les
avancées conceptuelles majeures afin d?en dégager l?ancrage
théorique le plus robuste pour le contexte subsaharien. Enfin, eu
égard à l?importance du capital physique - encore faible - pour
le développement de ces économies, cet exercice semble d?autant
plus approprié à l?obtention de politiques économiques
adéquates.
Ce chapitre, se poursuit donc comme il suit : dans une
première section, nous présenterons les approches basées
sur le modèle standard de maximisation de l?utilité
espérée, puis dans la section suivante, l?extension des
résultats obtenus dans le cadre plus général de la
théorie de l?aversion à la déception.
SECTION I : Les approches basées sur la
théorie standard de maximisation de
l'utilitéespérée (Savage, 1954) : la décision
d'investissement en situation d'incertitude
La littérature part du principe que la
volatilité crée une situation contraignante d?incertitude pour
les investisseurs. Pris dans l?ensemble, cependant, les prédictions
théoriques sont ambiguës. Selon leurs hypothèses
sous-jacentes, certaines approches prédisent une relation positive,
tandis que d'autres lui donnent un signe négatif.
1.1- Effet mitigé de la volatilité sur
l'accumulation de capital physique : Analyse microéconomique
L?analyse microéconomique révèle deux
mécanismes majeurs qui s?opposent : l?effet positif du à la
convexité de la fonction de profit, et l?effet défavorable issu
de l?hypothèse d?irréversibilité des investissements.
1.1.1- convexité de la fonction de profit VS
irréversibilité
1.1.1.1- L'effet positif du à la convexité
de la fonction de profit
L'impact de la volatilité dans les modèles
standard d?investissement avec neutralité au risque des investisseurs
dépend essentiellement de la relation entre le revenu marginal
espéré du capital et la (les) variable (s) incertaine
(s)-généralement le prix à la production ou le salaire
réel. Considérons par exemple, le scénario familier des
rendements constants, des firmes parfaitement concurrentielles dans lesquels le
capital est le seul facteur fixe, tandis que d'autres facteurs de production
(par exemple, le travail) peuvent être sans coûts ajustés en
fonction de l'évolution des prix à la production. Les chocs de
prix entrainent alors une modification de la technologie de production de
l?entreprise, c?est-à-dire de sa force de travail, étant
donné que c?est le seul facteur d?ajustement. Par suite, le revenu
marginal du capital augmentera plus que proportionnellement (ou se
réduira moins que proportionnellement) au prix de l?output. Dans ces
conditions, la rentabilité marginale est une fonction convexe des prix
à la production, et l'inégalité de Jensen implique alors
qu?une incertitude de prix plus élevée augmente la
rentabilité espérée du capital, augmentant ainsi le stock
de capital désiré et donc les investissements (Hartman, 1972;
Abel, 1983).
1.1.1.2- Le lien négatif issu de
l'irréversibilité des investissements
Récemment, une part grandissante de la
littérature théorique a déplacé le centre d?analyse
sur les coûts d?ajustement induit par l?acquisition et l?installation du
capital, en insistant sur la possibilité de report dans le futur et le
caractère irréversible de la grande majorité des projets
d'investissement fixes (Dixit et Pindyck, 1994)18. Cette
caractéristique rend les coûts d?ajustement des investissements
asymétriques, c?est-à-dire plus élevés pour des
réductions de la quantité de capital que pour son accroissement.
Ce qui crée sous des conditions appropriées
18 Son importance avait déjà
été montrée par Pindyck (1988).
l?inaction des investisseurs, qui ne prennent la décision
d?investir que lorsque la profitabilité espérée du capital
dépasse un certain seuil.
Serven (1997) considère une entreprise face à la
décision d?investir sur un projet s?étalant sur un horizon
temporel de deux périodes. L?entreprise est neutre au risque, le projet
est irréversible, son coût d?achat est Pk, et son rendement
incertain dû à la volatilité du prix de l?output ou celle
de la demande. Plus précisément, on postule que si le projet est
mis en oeuvre à la période 0, son rendement à la fin de
l?année est connu et égal à R0, mais il est incertain sur
chacune des périodes à venir et égal à R. Les
informations dont on dispose maintenant établissent à E0(R) la
valeur espérée du rendement futur. La valeur présente des
bénéfices anticipés est donc :
V0 = -Pk + [1/ (1+r)] R0 + [1/ (1+r)]
2?8i=0(1+r)-i E0(R) = -Pk + (1+r)-1[R0+
(1/r)E0(R)]
Ou r est le taux d?actualisation ou le taux de rendement
réel de l'actif alternatif. L?application naïve du critère
de la valeur actualisée nette (VAN) recommande la réalisation du
projet si V0> 0, qui peut être réécrit sous la forme
commode :
(R0-rPk) + [E0(R)-rPk]/r > 0 (1)
Notons que la dépréciation est absente, et rPk
est le cotit d?utilisation du capital de Jorgenson (1963) du capital. Si les
investissements étaient totalement réversibles, alors l'avenir
n?aurait pas d?importance, et la décision optimale serait d'investir
maintenant si et seulement si R0> rPk, c?est-à-dire si le rendement
actuel excède le coût d?utilisation du capital. Ceci parce que la
décision peut toujours être annulée à la prochaine
période si les événements se révèlent
défavorables.
Cependant, même si le critère de la VAN est
vérifié ex-ante, l'entreprise peut regretter à posteriori
d?avoir entrepris le projet. Cette situation peut se produire s?il y a une
chance que R < rPk, de sorte qu'avec une faible probabilité le
rendement futur sera en deltà du coût du capital. Dans ce cas,
l'entreprise se trouverait engagée dans un projet non rentable. Lorsque
cette possibilité existe, et l'entreprise peut reporter l'investissement
pour apprendre davantage sur le rendement futur - peut-être par
observation de la trajectoire de prix à la production ou des
déterminants de la demande -, la règle de décision
proposée par (1) n'est pas correcte. La
raison en est qu'elle peut payer pour attendre plus
d'informations avant de s?engager dans un investissement
irréversible.
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