Conclusion
En conclusion, on a passé en revue les
différentes théories qui analysent le lien entre
volatilité et accumulation du capital humain. La plupart d?entre elles
sont basée sur la résolution des modèles stochastiques de
croissance endogène, où bien sür c?est l?investissement en
capital humain qui est à l?origine de la croissance. Les
résultats trouvés sont divergents : certains affirment que
lorsque l?apprentissage est délibéré, la volatilité
affecte positivement l?accumulation du capital humain via la réduction
du cout d?opportunité de la formation ou l?accroissement des
investissements de précaution dans ce capital ; d?autres postulent
cependant que cette relation est négative lorsque l?apprentissage
devient externe, mais aussi parce que les propriétés
spécifiques du capital humain décourage
linvestissement privé y afférant dans un environnement
volatile. Plus précisément, prenant en compte la
possibilité de migration dans le cas des économies
subsahariennes, certains auteurs confortent la conclusion du lien positif ;
cependant l?impact défavorable de la volatilité sur leurs
dépenses publiques sociales balance ce dernier effet et continu donc
d?entretenir le suspense. Ainsi, seule l?analyse empirique pourra apporter un
éclairage définitif pour les économies qui nous
intéressent.
CHAP IV - EVALUATION DE L?INFLUENDE DE LA VOLATILITE
SUR L?ACCUMULATION DU CAPITAL HUMAIN EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Introduction
Comme nous venons de le constater dans le chapitre
précédent, il n?y a pas de consensus théorique en ce qui
concerne la relation volatilité - accumulation du capital humain.
Pendant que certaines théories postulent un lien positif, d?autres au
contraire considèrent que la volatilité est grandement
néfaste. Pour être fixé, rien d?autre que l?étude
des données.
L?objectif de cette section est donc d?évaluer
empiriquement l?influence de la volatilité sur l?accumulation du capital
humain dans les économies subsahariennes. Les indices de
volatilité retenus sont ceux définies précédemment,
à savoir la volatilité du taux de croissance du
FIB/hab.40, de l?inflation, du terme de l?échange, et du taux
de change réel. Dans une première section, on fera état de
l?ensemble des techniques utilisées jusque-là, ce qui nous
permettra de spécifier notre modèle. Dans la section suivante,
l?analyse des faits stylisés sera suivie de la présentation et de
l?interprétation des résultats obtenus.
SECTION I- revue des méthodes empiriques et
spécification économétrique
1.1- La rareté des études empiriques
- La prédominance des études sur
données de panel
Malgré la longue liste de modèles
théoriques et analytiques qui traitent de la relation entre
volatilité et accumulation du capital humain, il faut dire que les
évidences empiriques se font très rares. Néanmoins, on
peut noter quelques contributions majeures.
Flug et al. (1998) étudient l?influence de la
volatilité sur la croissance du capital humain en se basant sur la
période 1970-1992 pour 60 pays. Les auteurs trouvent que la
volatilité du taux d?emploi, affectent négativement
l?accumulation de capital humain, saisi ici à travers l?enrôlement
total en cycle secondaire des individus ayant l?age normal pour y
accéder, tandis que la volatilité du FIB a un effet non
significatif. Cependant, dans un panel à effet fixe, cet effet devient
significativement négatif. Apres avoir divisé le panel en pays
à revenus élevés et à revenus faibles, il vient que
la volatilité du taux d?emploi a un effet négatif et significatif
sur l?enrôlement secondaire dans les pays à faible revenus, mais
cet effet devient positif et non significatif quand dans le contexte des pays
développés. Ce résultat suggère que dans les
pays
40 Qui permet ici d?approximer la volatilité du
taux d?emploi (Flug et al. 1998)
en développement ou l?assurance contre le chômage
est inexistant, l?opportunité d?emploi devient l?indicateur essentiel de
l?incitation à accroitre son capital humain. Par contre, dans les pays
développés où le marché financier est plus
développé, les individus ont la possibilité de
prêter aux banques ou de puiser dans leurs épargnes personnelles
pour investir dans la formation de leur capital humain, de sorte que la
volatilité soit insignifiante. La mesure de la volatilité
employée ici est l?écart-type du taux d?emploi. La
volatilité du PIB a un effet non significatif dans les deux
catégories de pays. Les résultats sont obtenus à l?aide de
l?estimateur des moindres carrés.
Checchi et García-Peñalosa (2004) se concentrent
sur le stock de capital humain, c?est-àdire le niveau moyen
d'éducation. Les auteurs développent tout d?abord un
modèle de croissance dans lequel le risque liée au niveau de
production détermine le niveau moyen d?éducation, ainsi que sa
distribution. Ils concluent qu?un risque plus élevé est
associé à un faible niveau de scolarisation, mais favorise les
inégalités de capital humain. Ensuite pour confirmer ce
résultat, une étude empirique s?étalant sur la
période 1960-1995 est menée pour un panel de 111 pays. Les
données sont prisent en moyennes de 5 ans et la volatilité est
mesurée par l?écart-type de la croissance du PIB. Les auteurs
trouvent encore que cet indice de volatilité contribue à
réduire le niveau moyen de scolarisation. La plupart de leurs
régressions comprennent 70 à 80 pays. En raison de l'absence
d'une dimension temporelle dans la mesure de cette volatilité, ils ne
peuvent pas utiliser un estimateur à effets fixes, mais opte pour un
estimateur des moindres carrés pondérée par la population
en incluant des variables indicatrices régionales.
Vandewege et Heylen (2005), approfondissant les travaux de
Checchi et García-Peñalosa (2004) aussi bien de manière
analytique qu?empirique, concluent que les résultats de ces derniers ne
sont pas robustes. Un canal important de l?effet de la volatilité sur
l?accumulation du capital humain semble être son impact néfaste
sur les dépenses publiques d?éducation. En effet,
contrôlant l?effet de la dépense publique d?éducation dans
toutes leurs régressions, il apparait que l?influence de la
volatilité (mesurée de manière invariante dans le temps)
change de signe, c?est-à-dire devient positive. En utilisant une mesure
de volatilité temporellement variable, son effet sur le capital humain
devient également positif. Cet effet dépend également des
caractéristiques spécifiques des pays, et est plus important dans
les pays à revenus élevés. L?effet de la volatilité
reste positif lorsqu?ils contrôlent l?existence potentielle
d?endogéneité avec l?estimateur des doubles moindres
carrés. L?estimateur utilisé une fois de plus est celui des
MCO.
Kedir et Bani (2012) étudient le rôle de
l?accumulation du capital humain dans la relation entre volatilité et
croissance économique. Les auteurs utilisent 40 ans de données
portant sur un panel de 100 pays en développement d?Asie,
d?Amérique latine et d?Afrique ; la plage temporelle
considérée couvre la période 1970-2009. Etant donné
que les données de l?éducation sont disponibles par intervalle de
5 ans, ils prennent la moyenne simple sur 5 ans pour toutes les variables. Le
capital humain est mesuré ici par le nombre moyen d?années
d?études des individus âgés de 25 ans et plus. En
considérant le fait que la force de travail dans les pays en
développement est constituée en majorité de jeunes, la
robustesse des résultats est testée en prenant plutôt la
mesure du capital humain pour les individus de 15 ans et plus. La
volatilité est mesurée comme l?écart-type de la croissance
sur l?ensemble de la période. L?effet de la volatilité sur la
croissance via l?accumulation de capital est mesurée en insérant
dans l?équation un terme interactif
(volatilité*éducation).
Les auteurs concluent que la volatilité est
néfaste à la croissance, mais le terme interactif entre
volatilité et éducation exerce un effet significativement
positif. L?accumulation du capital humain semble donc être le
mécanisme par lequel la volatilité impacte positivement la
croissance. L?accumulation du capital humain diminue et éradique
l?influence de la volatilité. Cependant, les tests de robustesse
montrent que l?effet positif du terme interactif dépend grandement du
niveau de revenus d?un pays et de la sévérité de la
volatilité à laquelle il fait face.
Cavalcanti et al. (2011) s?intéressent également
à la relation volatilité accumulation du capital humain dans le
contexte d?un panel de 118 pays d?Afrique subsaharienne, d?Europe et d?Asie sur
la période 1970-2007. L?échantillon comprend 62 pays exportateurs
de matières premières et la techniques d?estimation
employée est la méthode généralisée des
moments (GMM) dans le cadre d?un panel dynamique. L?estimateur en
première différence41 est alors utilisé. Les
auteurs construisent une mesure de l?accumulation de capital humain en se
basant sur l?interpolation linéaire des données relatives au
niveau moyen de scolarité, qui sont disponibles après chaque 5
an. A partir de là, ils obtiennent des données annuelles sur
l?accumulation du capital humain qui est ensuite inséré comme
variables dépendantes dans la régression. Les auteurs
contrôlent les effets individuels invariants dans le temps, mais aussi
les effets temporels symétriques pour chaque individu. Les
résultats de cette étude montrent que la volatilité du
terme de l?échange des matières premières exerce un effet
négatif et
41 Voir Arellano, M. and S. Bond (1991). Some Tests of
Specification for Panel Data: Monte Carlo Evidence and an Application to
Employment Equations. The Review of Economic Studies 58(2), 277-297.
significatif sur l?accumulation du capital humain. En testant
la robustesse de ces résultats aves des méthodes d?estimations
autres que ceux de la méthode généralisé des
moments,42 le résultat devient mitigé. Pendant que
certaines méthodes confirment les résultats négatifs,
d?autres produisent des chiffres non significatifs.
A l?égard de ce qui vient d?être dit, on peut
maintenant essayer de spécifier un modèle empirique qui nous
permettra d?évaluer l?ampleur de cette causalité.
- Déduction des ancrages théoriques et
empiriques
Pour mener à bien notre étude, il est important
de rappeler les caractéristiques des économies subsahariennes qui
nous poussent à choisir les théories explicatives les mieux
adaptées. Premièrement, la zone Afrique subsaharienne est
fortement frappée par le chômage (17% en 2011, WDI). Dans cette
logique, dire que l?accumulation du capital humain se fait principalement par
le Learning by doing (donc de manière externe) serait un peu
irréaliste. On opte donc pour un mode d?apprentissage interne. De ce
point de vue, il devrait exister une relation positive entre la
volatilité et l?accumulation du capital humain dans la zone. Cette
hypothèse serait d?autant plus forte que l?étroitesse du
marché de l?emploi et la possibilité de plus en plus grande
d?immigration choisie de la part des pays développés encourage
les individus à se former dans un environnement volatile pour avoir des
chances d?aller à l?étranger trouver un emploi. En même
temps, la possibilité d?émigration des populations de la zone est
également restreinte à cause du bas niveau de capital humain. En
outre, considérant que l?épargne de précaution dans
l?accumulation du capital humain est un choix rationnel pour les populations
averses au risque, on peut encore étayer l?hypothèse du lien
positif. Cependant, les propriétés spécifiques du capital
humain découragent l?investissement privé dans sa formation (Flug
et al. 1999) ; ceci se conjugue à un marché du crédit
restreint et des dépenses publiques menacées par la grande
incertitude (volatilité) macroéconomique que subissent ces
économies. De ce fait, le lien devrait plutôt être
négatif.
Nous considérons la primeur des effets négatifs
sur les effets positifs et donc, adoptons l?hypothèse de la
négativité de l?influence de la volatilité sur
l?accumulation du capital humain, notamment à cause de l?effet
revenu.
42 Notamment l?estimateur CPMG (Cross Sectionally
Augmented Pooled Mean Group) adapté à l?étude de
séries non stationnaires. Voir, Pesaran, M. H., Y. Shin, and R. P. Smith
(1999). Pooled Mean Group Estimation of Dynamic Heterogeneous Panels. Journal
of the American Statistical Association 94(446), 621-634.
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