CHAPITRE III : CADRES CONCEPTUELS DE LA RELATION
ENTRE VOLATILITE ET CAPITAL HUMAIN
Introduction
L?influence de la volatilité sur la dynamique du
capital humain a récemment connu une analyse théorique
particulière, dü au fait que, nous le rappelons, l?accroissement du
stock de capital humain constitue un facteur endogène essentiel à
la croissance soutenue (Lucas, 1988 ; Romer, 1990). Cependant, le signe de
cette relation fait l?objet de débats. De manière
générale, la discussion s?est construite autour de la
prédominance du mécanisme à l?origine de l?apprentissage.
Si ce dernier est obtenu de manière interne, c?est-à-dire par des
actions délibérées qui se substituent à des
activités de production, la volatilité a un effet positif sur
l?accumulation du capital humain ; notamment, elle permet de réduire le
coût d'opportunité de la formation (Aghion et Saint-Paul, 1998) et
incite à des investissements de précaution (de Hek, 1999 ; Canton
2002 ; Jones et al. 2005). D?un autre côté, l?apprentissage peut
être hasardeux (externe), c?est-à-dire à travers des
actions non intentionnelles : C?est le «Learning by doing». Dans ce
cas, la volatilité a un impact négatif par le biais de la
réduction des emplois qui constituent le facteur principal par lequel
l'expertise, les connaissances et les compétences sont acquises et
diffusées (Martin et Rogers, 1997 et 2000). En outre, cette
dernière position est confortée par le fait que la
volatilité a une influence néfaste sur les dépenses
publiques sociales (Catao et Kapur, 2006) ; enfin, considérant l?option
de migration, on aboutit encore à un effet favorable qui nous laisse
perplexe.
Ces résultats contradictoires sont souvent
associés à des implications divergentes au sujet de la relation
à long terme entre l?accumulation du capital humain et la
volatilité. En plus, les conditions économiques et les
comportements des agents diffèrent selon les régions. Pourtant,
certaines des explications théoriques précédentes peuvent
coïncidées avec les réponses attendues de l?étude du
cas des pays d?ASS. Il est donc important de toutes les analyser pour en
dégager l?ancrage le plus pertinent. Dans une première section,
nous développerons le débat concernant le rôle du mode
d?apprentissage, pour ensuite étudier dans la section suivante l?effet
de la volatilité sur les dépenses publiques d?éducation et
de santé.
SECTION I : Le mode d'apprentissage comme
déterminant essentiel de l'influence de la volatilité :
Accumulation interne VS learning by doing.
Dans la littérature, il semble en effet que l?influence
de la volatilité sur la décision d?investissement privé en
capital humain dépende grandement de la prédominance d?un mode
particulier d?apprentissage ; Ainsi, l?accumulation de capital peut se faire de
manière interne ou externe. Pour le premier cas, il s?agit d?un
investissement consenti par l?individus, qui
décide donc de manière volontaire d?attribuer
une partie de son temps à l?acquisition de compétences
supplémentaires ; le second cas lui représente des situations ou
l?apprentissage est « forcé " : il advient lorsque les individus
acquiert l?expertise et l?habilité au fur et à mesure qu?il
exerce de manière répétitive un ensemble de taches ; ce
mode d?accumulation de capital humain est encore appelé « learning
by doing "34.
1.1- La volatilité, un catalyseur pour
l'accumulation interne du capital humain
Ici, L?hypothèse sous-jacente est que la constitution
du stock de capital humain se fait majoritairement de manière interne.
En d?autres termes, les travailleurs décident de leurs propre chef
d?abandonner les activités de production tout en accordant plus de temps
à leurs formations, et donc à la constitution de leurs stocks de
capital. Cette hypothèse est d?autant plus vérifiée dans
les économies dotées d?un revenu réel par habitant
élevé. Dans ce contexte, la volatilité peut effectivement
être favorable pour plusieurs raisons :
1.1.1- La réduction du cout d'opportunité
de la formation
Aghion et Saint-paul (1998) montrent que la volatilité
du PIB peut être positivement reliée à l?accumulation du
capital humain en utilisant l?approche du « cout d?opportunité "
dans un contexte schumpetérien. L?hypothèse de
destruction-créatrice de Schumpeter (1942) signifie basique ment que
certaines idées qui sont créées dans un contexte
particulier de la vie d?une nation (ou d?une économie), mais sont
finalement détruites et remplacées par des idées plus
efficientes au fur et à mesure que le contexte évolue. Les
anciennes idées peuvent également être conservées
tandis que les nouvelles viennent s?empiler sur elles, Ce qui conduit à
un environnement croissant et en perpétuel changement. En effet, Les
auteurs affirment que le cout d?opportunité du travail est faible durant
les récessions, Puisque ces dernières sont
caractérisées par des chutes du revenu national. Par
conséquent, il y a moins de revenus (et d?avantages) perdus pendant les
récessions lorsque les travailleurs décident de migrer d?un
travail à l?autre ou lorsqu?ils entreprennent d?abandonner le travail
pour accroitre de manière interne (intentionnellement) leur capital
humain. Ce phénomène est bien sur dû au fait que la
productivité est faible pendant les périodes de récession.
A partir de là, la faiblesse du coût d?opportunité et le
chômage élevé se traduiront par deux choses :
premièrement, il y aura une
34 Voir Arrow, K.J. (1962). «The economic
implications of learning-by-doing». Review of Economic Studies, 29,
155-173.
réallocation de la force de travail vers les emplois
plus productif,35 et ensuite, une partie des travailleurs choisira
d?allouer plus de temps à la formation. Ces deux résultats
entraineront de facto l?accumulation de connaissances et de compétences
nouvelles, et donc l?accroissement futur du stock de capital humain dans
l?économie. Ainsi, les périodes de récession correspondent
à la constitution d?un nouveau stock de capital humain qui vient
s?ajouter à celui de la période précédente (logique
schumpetérienne).
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