SECTION II : Extension de la théorie standard :
« l'aversion à la déception » (Gul, 1991) et Le
modèle de croissance d'Aizenman et Marion (1995)
Le modèle standard de maximisation de l?utilité
inter temporelle a subi de nombreuses critiques rattachées au fait qu?il
est incompétent pour expliquer les choix des agents économiques
dans certaines situations. Ainsi, les conclusions obtenues dans les analyses
précédentes risqueraient de ne plus être valables dans un
environnement qui n?est pas pris en compte par le modèle. C?est dans
cette logique qu?arrive le paradoxe d?Allais, qui met en évidence une
situation complexe qui ne cadre pas avec les explications issues de ce
modèle. Ainsi, en correction à ces insuffisances, d?autres
approches plus générales sont développées, et
ensuite utilisées par les économistes pour tester la robustesse
des décisions d?investissement des individus en situations
d?incertitude.
2.1- Du modèle traditionnel de maximisation de
l'utilité à la théorie de l'aversion à la
déception
Tous les cas de neutralité /aversion au risque avec
irréversibilité des investissements traités dans la
section précédente s'inscrivent dans le cadre du modèle
néoclassique standard de l'utilité espérée,
développé au départ par Savage (1954). Cependant, il est
important de noter que ces modèles vont bien au-delà de l?analyse
de la relation volatilité-accumulation de capital, et sont aussi
utilisés par d?autres sciences sociales comme la psychologie. Ainsi, le
cadre d?analyse de la maximisation de l?utilité espérée,
bien qu?utile dans plusieurs contextes, éprouve des difficultés
à expliquer certaines anomalies et modes de comportement. Par exemple,
l?extrême volatilité du cours des actions25 et le
casse-tête de la prime de risque sur les marchés
boursiers26 ont soulevés des questions concernant
l?adéquation du modèle de Savage. En outre le « paradoxe
d?Allais » fait remarquer qu?il y a des situations intéressantes
où les préjugés envers un résultat connu affecte la
prise de décision selon des mécanismes qui ne sont pas pris en
compte dans l?environnement de Savage27. Ce genre de
préoccupations ont
25 Notée par, Shiller, R. (1981). «Do
stock prices move too much to be justified by subsequent changes in
dividends?» American Economic Review, 71, 421-36.
26 Identifié dans Mehra, R. et Prescott, E.
(1985). «The equity premium». Journal of Monetary Economic, 15,
145-61.
27 Il montre que l?hypothèse
d?indépendance, faisant partie des postulats de Savage (1954) n?est pas
toujours vérifiée. Cet hypothèse s?énonce comme il
suit : « si la loterie A est préférée à la
loterie B, alors, quelle que soit la loterie C et quelle que soit la
probabilité p, la loterie [A (p) ; C (1-p)] est
préférée à la loterie [B (p) ; C (1-p)] ». [A
(p) ; C (1-p)] désigne une méta-loterie dans laquelle on joue la
loterie A avec la probabilité p, et la loterie C avec la
probabilité (1-p).
conduit au développement de modèles
généralisés de maximisation inter temporelle qui rendent
plus flexibles les postulats de Savage.
L?une de ces approches est celle de «l'aversion
à la déception » Gul (1991), notamment
préconisée par Aizenman et Marion (1995, 1999). Elle
s'écarte du paradigme de l'utilité espérée en
supposant que les préférences des agents accordent plus de poids
aux résultats défavorables que favorables. En effet, l?une des
caractéristiques du modèle de Savage est que la perte de
l?utilité espérée issue de la volatilité du produit
est proportionnelle à la variance de ce produit. Par conséquent,
la volatilité peut plutôt avoir de faibles effets en fonction
d?hypothèses appropriées sur la répartition des chocs.
Aizenman et Marion (1995) montrent qu?en vertu d?hypothèses
adéquates concernant le degré d'aversion pour la
déception, la théorie de Gul peut produire un impact
négatif plus significatif de la volatilité sur l'accumulation de
capital, par rapport à celui proposé par le cadre conventionnel
de l?utilité espéré. En effet, les auteurs affirment que
quand les préférences des agents sont saisies à travers le
modèle généralisé de l?utilité
espérée (modèle de Gul), ces agents accordent toujours
plus d?importance aux anticipations relatives aux mauvais résultats
qu?à celles qui sont favorables. De ce fait, il y a une non
linéarité des préférences. Par conséquent,
la volatilité a un effet d?ordre 1 sur l?investissement
agrégé proportionnel à l?écart-type des chocs
plutôt qu?un effet d?ordre 2 proportionnel à leurs variances.
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