2. 2. 3. 3. La latéralisation des
hémisphères
La latéralisation des hémisphères est un
processus qui commence très tôt et qui serait déjà
bien en place, voire achevé entre 4 et 5 ans (Hamers et Blanc, 1986). La
mobilisation de l'hémisphère droit pour le traitement
(linguistique et analytique comme la syntaxe, la phonétique ou le
lexique) du langage est limité chez un monolingue, alors qu'il est
largement mobilisé chez un bilingue précoce. Ainsi, la
mobilisation diversifiée et beaucoup plus partagées des
hémisphères entre en jeu dans la perception et le traitement de
divers stimuli linguistiques.
Il semble alors évident que la construction du
bilinguisme a une influence majeure sur le fonctionnement neurologique et la
dominance d'un hémisphère sur l'autre. De ce fait, les bilingues
apparaissent plus bilatéraux (selon la terminologie de Jackson
cité par Faure18) que les monolingues dans
l'utilisation systématique qu'ils font de leur hémisphère
droit dans le traitement linguistique. Selon Albert et Obler (1978), cela
semble beaucoup plus important chez les bilingues à tendance dominante,
entraînant souvent la dominance d'un hémisphère sur
l'autre. Il apparaît alors que le degré de compétence de
communication dans la langue seconde influence l'implication des
hémisphères dans le traitement linguistique. Cette domination
d'une langue sur l'autre, si importante dans le débat d'une ou deux
langues maternelles, ne serait pas sans influence dans la répartition
hémisphérique des tâches linguistiques. En effet, comme
cela a été mentionné (cf. supra),
l'hémisphère droit est en relation avec le traitement de
l'espace, de la prosodie et surtout des émotions. Cet argument pourrait
influer le fait qu'il n'existerait alors qu'une langue maternelle ou alors
qu'une des deux langues est toutefois fortement favorisée par l'enfant
sur le plan affectif. Ainsi la hiérarchisation des langues ne
dépendrait pas toujours d'un contexte diglossique mais simplement d'une
relation affective à cette langue.
2. 3. Le traitement cognitif et neurologique du bilingue 2.
3. 1. La cohabitation des deux langues
Les diverses expériences menées sur les enfants
bilingues ont permis d'aboutir à la conclusion selon laquelle les
bilingues construisent puis mobilisent différentes stratégies
cognitives du traitement linguistique et communicationnel. En effet, si les
bases fondamentales du langage sont neurologiquement les mêmes que celles
d'un monolingue, un enfant bilingue possède des systèmes
neurocognitifs qui lui sont propres, qui ont été
développés pour un traitement spécifique des deux langues.
Des expériences portées sur l'aphasie chez des bilingues ont
conduit (Vaid et Lambert,1979) à considérer qu'il existait un
18 « Introduction à la neuropsychologie »,
psychologie cognitive, cours de S. Faure, documents de cours 2003-2004.
traitement neurologique du bilinguisme différent de celui
d'un monolingue, l'enfant possédant une organisation
cérébrale et cognitive propre à chaque langue.
Les diverses expériences (Walters et Zatorre,1978) ont
permis de montrer une plus grande implication de l'hémisphère
droit chez les enfants bilingues que chez les enfants monolingues, en raison
d'une hiérarchisation affective des deux langues. De plus, il a pu
être constaté que l'implication des hémisphères ne
variait pas selon les langues impliquées dans le bilinguisme, et que
chacune des deux langues possédait la même mobilisation
neurologique des hémisphères droit et gauche. Il n'existe donc
pas de discrimination sur le plan neurologique, entre les langues
impliquées dans le bilinguisme, ni entre les deux langues d'un bilingue
et donc indépendamment du degré de compétence de
communication dans chacune des langues. Il apparaît alors que la
mobilisation neurologique est identique pour les deux langues dans le cas du
bilinguisme précoce. Les deux langues relèvent de la mobilisation
des mêmes zones neurologiques. Toutefois, la différence se situe
dans le type de système cognitif et linguistique mobilisé,
permettant ainsi la compréhension et la production de deux
systèmes différents, même si ces systèmes sont
traités par les mêmes zones neurologiques. Les différences
cognitives vont alors porter, en relation avec la notion de
hiérarchisation affective, sur les compétences de communication
dans chacune des langues. Ces différences sont (comme cela a
été défini ; cf. partie sur la diglossie) à
caractère diglossique, impliquant le fait que sur le plan affectif et/ou
contextuel, une langue est favorisée, impliquant des compétences
de communication différentes. Ces différences de
compétences vont alors peut-être avoir des influences sur la
maîtrise d'un des deux systèmes, essentiellement la taille du
vocabulaire dans chacune des deux langues, qui ne sera pas le même.
|