3. 6. Le code switching
Le code switching peut apparaître à n'importe
quel moment dans le discours d'un bilingue (Cantone 2007). Sur un plan
cognitif, les deux langues sont toujours actives, mais le sont encore plus dans
un contexte bilingue. Cette particularité cognitive permet
d'établir la définition du code switching : ce serait alors la
capacité volontaire à faire intervenir la deuxième langue
dans le discours. Passer ainsi d'une langue à l'autre dans un discours
se rapproche de l'utilisation du code-mixing mais nécessite un effort
supplémentaire : en contexte monolingue l'enfant ne mixe pas mais
switche et cette opération demande un effort cognitif
supplémentaire. Nous pouvons néanmoins observer l'existence d'un
code switching en contexte bilingue à condition qu'il soit le
résultat d'une intention volontaire soulignant ou facilitant le
décodage de l'intention communicative pour l'interlocuteur. En effet,
dans ce dernier cas, si l'emphase n'était pas volontaire nous aurions
affaire à du code-mixing, code défini précédemment,
dans tout contexte bilingue. Dans ce contexte les deux langues sont
cognitivement activées, beaucoup plus qu'en contexte monolingue. Au
niveau cognitif si l'enfant ne fait pas d'effort pour passer d'une langue
à l'autre nous parlerons de code-mixing alors que s'il y a un mouvement
volontaire de la part de l'enfant nous parlerons de code switching.
La frontière entre code-mixing et code swicthing est
fine et la différence est délicate et la différence
diverge selon les auteurs : C'est pour cela que nous nous
réfèrerons à la définition de Myusken :
22 Cependant si la langue dominée n'est pas
parlée hors du cadre familial, alors le fossé créé
entre les deux langues ne se comblera pas et l'enfant parlera la langue
dominée sans en développer toutes les compétences de
communication.
« [...] all cases where lexical items and grammatical
features from two languages appears in one sentence [...] the more commonly
used term code switching will be reserved for the rapid succession of several
languages in a single speech event » (Muysken 200023,
cité par Cantone 2007 ; 56).
Le code switching apparaît alors comme un choix
délibéré en fonction de l'interlocuteur, du contexte, du
sujet de la conversation, et de l'utilité pragmatique de recourir au
code switching, sans enfreindre les codes sociolinguistiques, et en respectant
les contraintes grammaticales spécifiques à l'intérieur de
laquelle s'insère le code switching (Cantone 2007). Mais avant tout, il
faut souligner les effets communicatifs du code switching, brièvement
abordés auparavant. Le code switching est alors appréhendé
comme une stratégie communicative (Cantone 2007). Son usage peut
être sémantique, afin d'employer un mot qui n'a pas
d'équivalent exact dans l'autre langue, ou qui apporte une nuance que
l'autre mot n'a pas dans sa définition ; il peut être pragmatique,
en posant une emphase sur le mot objet du switch ; il peut être social et
faire partie d'un style socioculturel ; il peut également être
purement rhétorique, afin de capter l'attention de l'interlocuteur.
Le code switching se manifeste à travers trois
phénomènes spécifiques (Cantone 2007), l'insertion,
lorsque des éléments d'une deuxième langue sont
insérés dans la langue parlée. Le transfert qui
présuppose un calque parfait des structures syntaxiques des deux
langues, et l'alternance d'un élément par un autre dans la
même position syntaxique, en plaçant un mot pouvant exercer
l'exacte fonction syntaxique du mot substitué.
23 MUYSKEN P. (2000) Bilingual speech : a typology
of code mixing, Cambridge : Cambridge University Press.
3. 7. Synthèse de développement du langage chez
le monolingue :
L'acquisition est un processus naturel, long et complexe. Si
cette acquisition vient naturellement en interaction avec un contexte, elle
doit passer par des étapes successives. Le processus par étapes
est le même pour l'enfant monolingue et bilingue : dans une étude
sur le bilinguisme précoce simultané, il est nécessaire
d'établir un parallèle entre ces deux processus d'acquisition,
pour pouvoir établir le profil de l'enfant que nous allons
étudier, à la fois dans l'acquisition du langage et genre.
Néanmoins, l'acquisition du monolingue n'étant pas notre sujet,
nous ne rentrerons pas dans les détails de cette acquisition.
La période pré-linguistique
précède l'installation du langage. Pendant les six premiers mois
de la vie l'activité du bébé est centrée sur la
perception : à cet âge sa compétence de discrimination est
particulièrement développée, il est capable de discriminer
des sons qui ne sont pas dans sa langue maternelle. Cette particularité
explique pourquoi, dans le cadre du bilinguisme, un enfant est réceptif
à deux langues différentes ou plus. De la naissance à 6
mois l'enfant produit des vocalisations qui vont se structurer pour donner
entre 6 et 10 mois un babillage « canonique » (les syllabes sont
soumises à un ordre tel qu'il sera dans le langage normé).
Dès 9 mois, l'enfant est capable de comprendre des mots isolés
qu'il a fréquemment entendu.
La période linguistique commence, du point de vue de la
production, vers 12-13 mois lorsque l'enfant prononce son premier mot. Alors
qu'il babille encore il est capable de nommer des noms (papa, maman, son
prénom) et les objets les plus fréquent de son environnement. Il
commence à acquérir des éléments de syntaxe : on
parle alors de babillage mixte.
Entre 18 et 24 mois l'enfant connaît une explosion
lexicale. Cette explosion s'exprimer dans les productions de l'enfant vers la
fin de la première année, au début de la seconde,
associé à un début de complexité syntaxique :
l'enfant s'exprime en style télégraphique sans morphèmes
grammaticaux. L'explosion grammaticale a lieu entre 2 et 3 ans avec
l'acquisition des morphèmes (conjugaison de verbes, accord de genre de
l'adjectif, mots fonctionnels). A partir de là, sa production gagnera en
complexité syntaxique et ne cessera de se développer. Ainsi vers
4 ans la parole de l'enfant est construite et intelligible. Néanmoins
certaines acquisition continuerons de se développer encore longtemps
(jusqu'à 15 ans pour le vocabulaire).
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