3. 4. Définition du code mixing
Le code-mixing est défini, chez un bilingue (Genesee
2005 ; Cantone 2007), comme l'usage d'éléments d'une langue
parlée (phonétique, syntaxique, lexical), dans l'autre langue
parlée.
« It is the use of elements (phonological, lexical,
morphosyntactic) from two languages in the same utterance or stretch of
conversation. It can occur within an utterance (intra-utterance mixin-e.g.,
«see cheval»[horse]) or between utterances (inter-utterance mixing).
Rates of code-mixing in children vary depending on the form of mixing (intra
versus inter-utterance), the nature of the mixed element (function versus
content words), the language of the conversation (the child's less versus the
child's more proficient language), and the context (with interlocutors who are
bilingual versus those who are monolingual, for example). » (Genesee et
Nicoladis 2005 , 12).
Au cours du premier stade, dans l'acquisition lexicale d'une
langue à l'autre de mots qui peuvent avoir une traduction dans l'autre
langue. Il arrive qu'un mot soit sujet au code-mixing, mais que ce même
mot possède un équivalent traduit, dans l'autre langue, et que
cet équivalent ne soit pas sujet au code-mixing. Cela
révèle alors une probable dominance d'une langue sur l'autre.
Au second stade, la syntaxe est, la plupart du temps,
respectée, la syntaxe appelle une certaine structure (lexicale,
phonologique, e. g. : un déterminant appelle un nom). En effet, selon
Genesee (2005) le mélange n'interviendrait qu'au moment où les
deux systèmes syntaxiques sont parfaitement parallèles et
superposables.
« Evidence for grammatical-gap filling comes from
Petersen (1988) and Lanza (1997b) who report that bilingual children often mix
function words and inflectional morphemes from their more proficient language
with content words from their less proficient language, but seldom
the reverse, and from Gawlitzek-Maiwald & Tracy (1996)
who argue that young bilingual children use syntactic patterns from their
stronger language to bootstrap into the grammar of their less proficient
language. » (Genesee et Nicoladis 2005 , 15).
Le code-mixing dépend alors de la nature de
l'élément mélangé, du statut de la langue
utilisée par l'interlocuteur. De ce point de vue, le code-mixing est
presque indissociable du choix de la langue et du développement d'une
compétence pragmatique basée sur le choix de la langue et de la
nature de cette langue (dominante ou dominée). Par conséquent le
mélange est à un sens, c'est la langue dominante qui fait
irruption dans la langue dominée, et non l'inverse. En effet, la
domination a été constatée du fait que l'enfant
était parfaitement capable de différencier les deux langues, mais
que seule une faisait irruption dans l'autre (Paradis et Genesee 1996,
cité par Cantone 2007). Il y aurait donc à un moment, comme nous
l'avons évoqué précédemment, un système
linguistique plus élaboré que l'autre, plus abouti,
peut-être en relation avec le temps d'exposition à chaque langue
(Cantone 2007).
L'existence d'un seul système syntaxique pour les deux
langues induirait des cas de particularités qui seraient agrammaticaux,
mais nous n'en n'avons pas trouvé. Le code-mixing est alors
grammaticalement contraint et suit une syntaxe précise. Il est toujours
grammatical. Il garde la syntaxe de la langue dominante par exemple dans
l'occurrence « une red chaise », l'enfant bilingue considère
l'anglais comme langue dominante et dans le code switching c'est la syntaxe de
cette langue qui dominera mais il ne dira jamais « une rouge chaise »
car il n'y a pas concurrence de systèmes et qu'en français
l'adjectif est postposé.
Selon Genesee (2005) le troisième stade est
l'interférence linguistique ; elle est due au fait que l'enfant est en
train de séparer l'usage des deux langues :
« In the third stage the child speaks two languages
differentiated both in lexicon and syntax... » (Genesee et Nicoladis 2005,
1).
Cette séparation est liée à l'acquisition
d'une compétence pragmatique de l'usage des langues : selon les
contextes et les interlocuteurs, l'enfant adapte sa langue à celle de
son interlocuteur. Il faut également souligner, selon Genesee (1989,
cité par Cantone 2007), que le code-mixing interviendrait, dans
certaines situations pour pallier à un manque dans une des deux langues,
au niveau d'un manque dans le répertoire ou s'il lui manque un aspect
syntaxique. Le développement et la maîtrise du système
linguistique ne sont pas les mêmes dans les deux langues, et une langue
est plus développée que l'autre, peut-être que
se serait la langue la dominante la plus avancée. Le
temps d'exposition aux langues n'étant pas la même dans le
contexte, l'enfant a pu acquérir des mots dans une langue qu'il n'a pas
dans l'autre : il utilisera alors le mot qu'il connaît dans la langue
où il ne le connaît pas. Dans ce cas, l'interférence de la
langue dominante serait pour compléter la langue dominée, et le
code-mixing disparaîtrait dans le temps avec la maîtrise des deux
systèmes.
En résumé, le code-mixing serait
révélateur d'une dominance d'une langue sur l'autre. Au premier
stade, l'existence de mots sémantiquement équivalents peut donner
lieu, sur l'un des mots d'une langue, à un code-mixing de niveau
phonologique ou morphologique, sans que le mot de l'autre langue soit sujet au
code-mixing. Au second stade, une syntaxe dominée par un modèle
qui est proche de celui de la langue dominante. Au troisième stade,
l'interférence lexicale peut pallier à un manque de vocabulaire
dans la langue dominée et un système syntaxique de la langue
dominante peut pallier au manque de celui de la langue dominée.
« While mixing to fill lexical gaps because of
incomplete mastery of their languages is one explanation of child code-mixing
[...]. »(Genesee et Nicoladis 2005, 15).
Les enfants bilingues ne mixeraient alors pas les structures
et les mots appris plus vite dans une langue que dans une autre, alors que les
structures acquises plus tardivement dans une langue que dans une autre
seraient plus souvent sujettes au code-mixing. Le code-mixing pourrait alors
être en relation avec la précocité du système : ce
qui est acquis plus tôt dans une langue, par rapport à une autre,
sera moins sujet au code-mixing, et, au contraire, serait plus susceptible de
faire irruption dans la langue où l'équivalent n'existe pas
encore. La langue qui se construirait le plus vite, avec un temps d'exposition
à la langue supérieure à celui de l'autre langue, serait
celle dite « dominante ». Cantone (2007) et Genesee(2005) posent le
postulat que les enfants bilingues mixeraient plus dans une langue que dans une
autre, et que la langue la plus sujette au code-mixing serait la langue
dominée.
« [...] Gawlitzek-Maiwald & Tracy (1996) who argue
that young bilingual children use syntactic
patterns from their stronger language to bootstrap into the
grammar of their less proficient
language. Both lexical and morpho-syntactic mixing attest to
the young bilingual child's ability
to access and use creatively the lexical and
morpho-syntactic resources of both languages
on-line during language production. » (Genesee et
Nicoladis 2005, 15).
Néanmoins Genesee (2005) fait aussi part d'une
constatation selon laquelle l'enfant reproduit le fonctionnement parental :
l'enfant reproduit le code-mixing de ses parents, c'està-dire qu'il
mélange dans la même langue que ses parents produisent du
code-mixing.
« In particular, parents who adopt what Lanza dubs
«bilingual discourse strategies», such as
«move-on» or «expressed guess»
strategies that imply that the parent has understood what the
children are saying when they code-mix, tolerate and
encourage further code-mixing. Parental discourse strategies may, therefore, be
one way in which children learn to make appropriate language choices, at least
with familiar interlocutors, and as well offers an explanation of some of the
variation that characterizes children in different families » (Genesee et
Nicoladis 2005, 18-19).
L'enfant se fonde alors sur certains patterns du code-mixing
parental qu'il mémorise et reproduit.
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