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L'acquisition du genre et du code switching chez l'enfant bilingue précoce

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par Sophie Rimbaud
Université Montpellier III - Master 2 2009
  

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1. 2 . Classification en fonction de l'organisation cognitive de la langue

Dans l'évaluation de la compétence cognitive de la langue, on prend en compte la manière dont se fait l'acquisition du lexique dans les deux langues et dans un même contexte. Cela revient à se demander s'il existe un ou deux systèmes. Dans cette partie, nous n'allons va pas rentrer dans le débat pour savoir s'il existe un ou deux systèmes nous allons présenter les différentes théories qui existent en donnant, si nécessaire, leurs limites.

La classification est inspirée par Weinrich (1968 cité par Hamers et Blanc, 1990) et Hagège (1996) : il est difficile de donner une terminologie exacte à la classification de Weinrich (1968) mais Hagège parle « d'organisation des connaissances de mots dans les situations de bilinguisme ». Wienrich part de la structuration du lexique mental d'un enfant, lexique qui construit progressivement au contact de la langue. L'acquisition du lexique se fait dans le temps mais selon lui, c'est l'exposition à la langue qui a construit le type de bilinguisme : tout d'abord on parle de « bilinguisme composé» » pour caractériser un enfant qui apprend les deux langues dans un même contexte et dans une même situation. De ce fait, deux mots peuvent avoir un référent et un signifié commun, ainsi le langage se construit dans une interdépendance des deux langues sur le plan sémantique et de l'organisation cognitive du sens et de la perception des éléments du contexte.

En effet, la catégorisation cognitive et sémantique des éléments contextuels perçus sera équivalente dans les deux langues. Par ailleurs, le bilinguisme est coordonné quand il se construit au sein d'une indépendance entre les deux langues. En effet, l'enfant apprend deux langues dans un contexte propre associé à chacune ; ainsi, chaque mot de chaque langue possède son propre référent et sa propre signification, impliquant deux signifiés et deux référents dans deux langues différentes. Selon cette classification, il y aurait deux systèmes linguistiques et conceptuels parfaitement distincts.

Enfin, Weinrich est le seul à parler de bilinguisme « sous-coordonné » (Sub-coordinate3) dans le cadre d'un bilinguisme où les deux langues sont acquises mais

3 Selon notre propre traduction.

l'une d'elles va devenir « langue la plus forte » (stronger language (SL)) et l'autre « langue la plus faible » (weaker language (WL)) et la représentation du même mot dans les deux langues ne se fera que dans la langue forte (SL). Dans un «bilinguisme coordonné» une des deux langues va rendre l'ascendant sur l'autre, ce qui représente l'aboutissement d'un conflit diglossique.

Dans l'acquisition du bilinguisme vont donc opposer deux définitions : la première où l'on parle de « bilinguisme composé», c'est-à-dire que l'enfant va avoir dans chaque langue un signifiant pour un signifié4. La seconde désigne un bilinguisme dit coordonné, où l'enfant va se représenter le monde de la même façon dans les deux langues et va donc avoir pour un mot, un signifié pour deux signifiants. La construction du monde se fait dans deux langues différentes. Dans la troisième définition, l'une des deux langues domine l'autre ; la structure de base sera toujours la langue fondamentale (maternelle et dominante) et l'utilisation d'une autre langue nécessitera un encodage supplémentaire qui se superposera à celui de la langue maternelle qui nécessite un traitement cognitif différent de celui de la langue maternelle, cependant selon Padilla et Liebman (1975 cité par Hamers et Blanc, 1990), l'implication précoce et importante de l'hémisphère droit chez un bilingue équilibré (par rapport à un monolingue où la mobilisation de l'hémisphère droit est relative), reste proche de celle d'un bilingue à tendance dominante si la seconde langue est apprise avant 6 ans.

La première définition (« bilinguisme composé») s'applique facilement à des contextes de bilinguisme familial dans lequel les parents alternent sans distinction les deux langues dans leur parler. Le «bilinguisme coordonné» quant à lui s'applique à des situations plus scolaires où une seconde langue étrangère est apprise : c'est souvent le cas lorsque l'enfant est élevé dans une famille monolingue dans un pays qui parle une langue différente. Lorsqu'il se retrouve dans une situation d'apprentissage avec d'autres enfants il entre en contact avec une nouvelle langue, ce contact se fait par un enseignement, il n'est pas « naturel » (dans l'interaction discursive avec les parents) ainsi, l'enfant va apprendre à dire le monde qu'il connaissait déjà, dans une autre langue et d'une certaine manière va le réapprendre. La distinction entre les types composé et coordonné n'est pas exclusive pour Ervin et Osgood (1954) : ces types constitueraient les deux pôles du bilinguisme et les sujets bilingues se situeraient entre les deux, leur position variant en fonction des situations d'apprentissage et d'utilisation de la langue, ainsi que de l'âge de confrontation aux deux

4 Le signifiant est la forme concrète (image acoustique) du signe linguistique. Alors que le signifié est le contenu sémantique du signe linguistique

langues. Par conséquent le bilinguisme tiendrait plus à des stratégies cognitives adaptées à un contexte qu'à des modèles figés.

Cette classification concentre le bilinguisme presque exclusivement sur un plan sémantique et lexical. Dans le cas du «bilinguisme coordonné» il se développe, selon les langues, une variation en fonction de la construction de la dimension sémantique et organisationnelle qui va également modifier la perception et la catégorisation d'éléments du monde. Cette définition présuppose que les deux systèmes linguistiques soient reliés à des systèmes indépendants. Il existerait alors deux représentations du monde, une pour chaque langue. Cette dimension implique, par exemple, que le référent de « forêt », en français, ne soit le même qu'en anglais. Cette perspective, qui peut se rapprocher de l'hypothèse SapirWhorf, impliquerait que la langue construit la vision du monde. La catégorisation cognitive impliquerait deux systèmes, donc deux fonctionnements neurolinguistiques différents. De même, on conceptualiserait le monde dans deux langues et la perception du monde s'en trouverait changée.

Mais il est également intéressant de souligner que, si cette classification s'avère empiriquement exacte, le fonctionnement organisationnel du lexique et de la perception du contexte varie non seulement d'une langue à l'autre mais aussi d'un individu à l'autre en fonction à leur propre fonctionnement cognitif individuel. De ce fait, la classification ne servirait pas seulement à décrire différents types de bilinguisme, mais aussi les fonctionnements cognitifs et les stratégies d'apprentissage propres à chaque individu.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore