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L'acquisition du genre et du code switching chez l'enfant bilingue précoce

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par Sophie Rimbaud
Université Montpellier III - Master 2 2009
  

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Chapitre 1 : partie théorique

Le langage humain est très différent du langage animal : d'une part la communication humaine est symbolique et grammaticale, d'autre part un humain peut apprendre différentes langues, même à l'âge adulte. Cette capacité qu'a l'homme de parler plusieurs langues fascine les chercheurs dans de nombreux domaines : les sociolinguistes ont été les premiers à travailler dans ce domaine, avec une approche sociale et culturelle du bilinguisme, à travers l'étude des contacts de langue. Cette recherche sur cette faculté à apprendre plusieurs langues s'est étendue dans le domaine la didactique, c'est-à-dire l'enseignement des langues étrangères pour l'adulte et plus généralement celui de la linguistique.

Au début du siècle, des chercheurs en acquisition, confrontés à une situation de bilinguisme précoce se sont à leur tour penchés sur un phénomène bien particulier du bilinguisme : le bilinguisme précoce. L'acquisition du langage chez le bilingue c'est développé, mais à moindre vitesse que l'enfant monolingue et certains domaines en phonétique, prosodie, syntaxe, sémantique restent encore inconnus.

Dans ce mémoire nous allons nous pencher sur le problème de l'acquisition du genre, qui reste à ce jour, très peu étudiée.

Pour réaliser cette étude, nous allons travailler dans des domaines divers pour les relier à la problématique du bilinguisme en acquisition : dans la première partie, la psycholinguistique et la sociolinguistique nous servirons à définir les différents types de bilinguisme qu'il existe. Dans la seconde partie les neurosciences vont nous apporter des connaissances sur le fonctionnement du cerveau, et sur le fonctionnement du cerveau bilingue, pour expliquer cette facilité qu'a l'enfant, par rapport à un adulte, à apprendre les langues.

Dans une troisième partie, nous rentrerons plus particulièrement dans une étude du bilingue précoce, sur son développement et son fonctionnement dans ses productions.

Cette partie servira à établir un tableau théorique qui pose les bases de la partie expérimentale. L'étude expérimentale se fait sur un enfant bilingue français/anglais. Après avoir défini le type de bilinguisme dans lequel il se place, nous entrerons dans une étude de l'acquisition du genre chez cet enfant bilingue, étude qui servira à valider ou pas l'hypothèse de départ.

Rimbaud Sophie L'acquisition du genre et le code mixing chez le bilingue précoce 2009 1. 1. Différents types de bilinguisme :

Dans le bilinguisme il existe des degrés d'acquisition d'une ou plusieurs langues qui vont dépendre, entre autres, de l'âge auquel l'enfant apprend les deux langues et du contexte d'apprentissage (famille monolingue dans un pays étranger, famille bilingue...), cette acquisition ne peut donc pas se généraliser sous un seul terme et des sous-catégories doivent être établies. En effet, cette définition du bilinguisme étant trop littérale, le problème s'est posé de redéfinir la problématique du bilinguisme. Ainsi la littérature scientifique et populaire parle plutôt chez les enfants bilingues de « type de bilinguisme » : par cette expression, les auteurs entendent parler des différents stades d'acquisition où une différence sera perceptible en ce qui concerne l'acquisition des deux langues.

Les classements des types de bilinguismes sont nombreux et dépendent souvent de l'angle d'approche théorique des chercheurs. De plus, ces classifications contextuelles, c'est-à-dire en lien avec l'environnement proche de l'enfant, seront à mettre en relation avec le développement du cerveau : en effet, comme nous le verrons dans une seconde partie1, c'est l'interaction avec le contexte qui développera la structure mentale du langage, permettant d'expliquer les différences marquantes au niveau de l'enfant que ce soit sur le plan cognitif, développemental ou interactionnel.

De ce point de vue, il sera intéressant de définir ces différents « types de bilinguisme », ainsi que les critères dans la littérature scientifique, afin de les confronter d'un point de vue critique. Ainsi nous pourrons en dégager une problématique nouvelle qui sera celle de ce mémoire qui sera traitée dans l'analyse du corpus. Au vue des difficultés rencontrées, je prendrais position d'une façon argumentée afin de donner un point de vue différent ou complémentaire aux problèmes rencontrés.

Etablir une définition du bilinguisme et surtout des types de bilinguisme existants permettra de présenter le corpus à analyser et de présenter l'enfant en fonction du type d'environnement bilingue.

1. 1. Classification en fonction de la compétence dans les deux langues

1 Cf. infra partie « Les bases neurologiques dans le fonctionnement du langage »

Dans l'évaluation de la compétence linguistique, il est nécessaire de prendre en compte l'âge auquel l'enfant est exposé à la deuxième langue , si l'exposition aux deux langues se produit en même temps ou si la seconde langue est acquise après. De l'âge d'acquisition de la seconde langue dépendra le type de bilinguisme

Cette partie traite de l'évaluation comparative des compétences dans les deux langues afin de qualifier un premier type de bilinguisme. Une distinction sera d'abord faite entre le bilinguisme équilibré, dans lequel les compétences de l'enfant sont au même niveau dans les deux langues, et le bilinguisme dominant dans lequel une des langues est acquise après la langue maternelle. Bien entendu, dans cette étude, la terminologie de « comparaison du niveau de compétence » (Hamers et Blanc, 1990) des langues est étudiée par opposition à l'acquisition de sa langue maternelle par un enfant monolingue. En effet on ne peut pas comparer l'acquisition de deux langues chez l'enfant avec l'apprentissage d'une langue étrangère chez l'adulte.

Un bilinguisme équilibré n'est pas non plus la capacité d'un enfant à utiliser de la même manière les deux langues dans tous les domaines et toutes les utilisations possibles, mais sa capacité à atteindre un relatif niveau d'équilibre dans ses utilisations. C'est le contexte qui va déterminer le type de bilinguisme : quand l'enfant commence à parler et reste dans la cellule familiale, il va avoir une compétence orale équilibrée dans les deux langues, s'il est scolarisé dans une école monolingue il favorisera, à ses dépends et s'il ne suit pas le même apprentissage, une compétence (par exemple l'écriture) qui développera un déséquilibre dans une des fonctions du langage (l'écriture) de l'autre langue. En effet, la perception du contexte constitue un élément pragmatique qui sera relié à l'utilisation des langues, favorisant ou non l'utilisation d'une des deux langues (Lambert, Havelka et Crosby, 1958 cité par Hamers et Blanc, 1990) autrement dit selon le contexte l'enfant se trouve dans la nécessité d'employer d'avantage une langue qu'une autre, ce qui est le principe de la diglossie2. Dans le cas d'un bilinguisme équilibré, l'enfant est confronté à un contexte familial bilingue et possède le même avancement dans la maîtrise du système des deux langues.

Dans le cas d'un bilinguisme dominant, l'enfant se trouve soit dans un contexte bilingue où l'utilisation d'une seule langue est privilégiée et l'enfant acquiert avant tout la langue la plus appropriée pour communiquer avec son entourage proche (Hamers et Blanc, 1990) ; L'enfant peut également évoluer dans une famille monolingue mais une autre langue est parlée dans un contexte extérieur généralement au titre de langue officielle, impliquant que l'enfant soit plus avancé dans une langue qu'une autre (Abddelilah-Bauer, 2006). Cet

2 Cf. partie sur la diglossie

avancement dans l'apprentissage de la langue n'est pas statique car il dépend de l'exposition à la langue : avant 3 ans l'enfant sera majoritairement au contact de la langue de ses parents, entre 3 et 6 ans, il sera de plus en plus souvent en contact avec d'autres enfants parlant une autre langue et enfin à partir de 6 ans il sera scolarisé dans une école où il va approfondir l'apprentissage de la langue du pays tout en développant de nouvelles compétences (lecture, écriture) d'une manière plus régulière et normée. C'est pour cela qu'il faut souligner que le bilinguisme équilibré représente le type de bilinguisme le plus rare voir utopique, car dans son usage, il présuppose d'une part que dans le cadre de la cellule familiale, il existe un usage indifférent d'une langue ou d'une autre, et d'autre part qu'il en soit de même dans le contexte social dans lequel évolue l'enfant.

Pourtant, dans un contexte social, il n'existe pas d'exemple dans lequel des individus puissent employer indifféremment une langue ou l'autre, en fonction des idéologies linguistiques présentes dans la société. Une langue est toujours favorisée, soit parce qu'elle est la plus répandue, soit parce qu'elle représente le prestige, l'ascension sociale ou la langue de la communauté ou la langue officielle du pays. Ces idéologies se retrouvent dans la communauté linguistique et la cellule familiale, c'est pourquoi il paraît difficile de certifier l'existence de ce type de bilinguisme. Il semble alors cohérent de soutenir l'existence d'un bilinguisme exclusivement dominant, non pas au niveau de la maîtrise que l'enfant a des deux langues, mais au niveau de la favorisation faite pour une langue, soit par le locuteur, selon la représentation qu'il a des langues, soit par une contrainte de type sociale.

La maîtrise des deux langues n'est alors pas à remettre en question. Ce qui varie, essentiellement, que ce soit dans la cellule familiale ou dans un contexte social, c'est la compétence de communication. En effet, dans le cadre d'un bilinguisme dominant, les deux langues ne sont pas sollicitées dans les mêmes contextes ni à la même fréquence. Il est alors possible que dans une des deux langues, la compétence de communication soit incomplète ou affaiblie. C'est sur la compétence de communication que repose la définition de ce type de bilinguisme, et le bilinguisme équilibré serait alors une maîtrise égale de la compétence de communication dans les deux langues. Cela est favorisé, dans un premier temps, si les parents ne parlent pas la même langue et dont l'usage sera partagé et alloué aux mêmes tâches dans la vie quotidienne. Cependant, une fois l'enfant placé dans un milieu social tel que le contexte scolaire ou dans sa relation avec les autres enfants, il va favoriser d'une manière plus explicite une des deux langues car le contexte social implique souvent de favoriser une langue au détriment de l'autre.

Le bilinguisme équilibré ou dominant est de loin la compétence la plus difficile à définir et à évaluer. En effet, l'acquisition d'une compétence bilingue dans tous les domaines

dépend non seulement du contexte dans lequel évolue l'enfant mais surtout de ses capacités cognitives. Chaque personne a sa propre configuration et celle-ci n'est pas fixe, mais cette définition est indispensable dans notre recherche car elle est indissociable de la vie et du développement de l'enfant et aura des conséquences sur son développement linguistique et cognitif.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault