B - Les conditions particulières à
remplir
Il ne suffit pas d'être magistrat d'un Etat membre de
l'OAPI pour postuler à la CSR. L'expérience professionnelle (1)
et les connaissances en propriété intellectuelle (2) sont deux
conditions obligatoires à remplir.
1 - I 'flxphrience professionnelle
Le règlement portant organisation et fonctionnement de
la CSR dispose que les magistrats postulants au statut de membres de cet organe
doivent avoir une expérience professionnelle d'au moins dix (10) ans.
La question de l'expérience professionnelle est une
condition objective dont la preuve peut être rapportée de deux
façons.
En premier lieu, la preuve de l'ancienneté dans le corps
de la magistrature peut être rapportée par la production du
procès-verbal de prestation de serment, dressé par le Greffier en
chef de la
32 - En l'espèce, un règlement.
33 - En l'espece, l'ABR.
34 - Philippe MALINVAUD, Introduction à
l'étude du droit, Litec, Paris, 12e éd., p. 129 et
s.
35 - Ainsi à la session de juillet 2002 par
exemple, YAHOUEDEOU KUASSI Romuald Jean, membre suppléant a
remplacé un membre titulaire (ABO KADJO FODJO, empêché en
raison des troubles politicosociaux que la Côte d'Ivoire connaissait
cette année-là).
juridiction recevant le serment et, déposé au rang
des minutes du greffe concerné. Il s'agit de la preuve au moyen d'un
acte judiciaire.
En second lieu, la preuve de l'expérience
professinnelle peut résulter de la production au dossier de postulation,
de la première attestation ou du premier certificat de prise de service.
Quoiqu'établis et délivrés par une autorité
judiciaire pour servir et valoir ce que de droit, ces pièces sont en
réalité des actes purement administratifs.
L'expérience professionnelle décennale
exigée aux magistrats qui postulent à la CSR n'est pas fortuite.
Elle correspond en effet à une expertise judiciaire
éprouvée car, dans la plupart des statuts de magistrats des Etats
membres de l'OAPI, ces dix ans d'expérience professionnelle
correspondent au profil d'un magistrat de grade suffisant pour exercer au moins
dans une Cour d'appel, gage d'une certaine expertise en matière de
règlement des litiges déférés à la censure
des juridictions du second degré et même des Cours suprêmes.
Ce qui est important car la CSR statue en dernier ressort36.
Les tableaux ci-après, dressant une vue synoptique des
magistrats ayant siégé et qui siègent présentement
à la CSR l'illustrent mieux.
Tableau 1 : CSR, mandat de 2000 à
2003
Magistrats
|
Fonctions
|
MOUNOM MBONG Daniel
|
Inspecteur des services judiciaires
|
ABO KADJO Fodjo
|
Procureur de la République près le TPI
|
HODI Hassane
|
Conseiller de Cour d'appel
|
KUASSI Romuald Jean Yahouedehou
|
Directeur adjoint de la législation, de la codification
et des Sceaux
|
ANGO Jacques
|
Conseiller juridique à la Présidence de la
République
|
MAMADOU Saliou Sow
|
Conseiller juridique du Ministère de la promotion
du secteur privé, de l'industrie et du commerce
|
36 - V. développements infra du
mémoire.
Tableau 2 : CSR, mandat de 2004 à
2007
Magistrats
|
Fonctions
|
NGflKA Lambert
|
Membre de la Cour suprême
|
DflTflUM Traoré
|
Inspecteur des services judiciaires
|
SCHLICK Gilbert
|
Chef cellule de suivi - Ministère de la Justice -
|
DAGRflU Théodore
|
Procureur de la République près le TPI
|
flumar Sarr
|
Directeur de cabinet du Ministre de la
recherche scientifique et technologique
|
DEZflUMBE Mabare
|
Membre de la Cour suprême
|
Tableau 3 : CSR, mandat de 2007 à
2011
Magistrats
|
Fonctions
|
CHIGHALY fluld Mohamed Saleh
|
Président de chambre civile et sociale de Cour
suprême
|
NTAMACK Jean Fils Kleber
|
Procureur de la République près le Tribunal de
Grande Instance
|
KflURflUMA Paulette
|
Conseiller de Cour suprême
|
TRAflRE Jérôme
|
Secrétaire Général du Ministère de
la Justice
|
KflYAGUE Etienne
|
Conseiller à la Chambre sociale de la Cour
suprême
|
SAMPAIfl João
|
Conseiller juridique du Président de la Cour
suprême
|
Il résulte des trois tableaux qui précèdent,
la répartition en pourcentage (%) suivante :
- 7 magistrats de Cours, suprêmes et d'appel, soit environ
7/18 x 100 = 38,88% ; - 5 magistrats de la Chancellerie37, soit
environ 5/18 X 100 = 27, 77% ;
- 3 magistrats du premier degré, soit environ 3 /18 X 100
= 16, 66% ; - 3 magistrats en détachement, soit environ 3/18 X 100 = 16,
66%.
Ceci étant analysé, peut-on dire que le
règlement relatif à l'organisation et au fonctionnement de la CSR
et son aménagement ont entendu par dix ans d'expérience
professionnelle, dix ans de présence continue dans la magistrature et/ou
dans les juridictions des Etats membres ?
La réponse A cette question est donnée par une
analyse des tableaux qui précèdent.
Les tableaux dont il est question révèlent que
quelques magistrats n'exerçaient pas effectivement dans des juridictions
au moment de leur admission A la CSR. Ils étaient soit en
détachement, soit mis en disponibilité ou A tout le moins en
service dans les Chancelleries de leurs Etats38.
Il en résulte donc que les dix ans d'expéreience
professionnelle comprennent stricto sensu les cas de magistrats en service dans
les juridictions ou A la Chancellerie.
Lato sensu, les magistrats en détachement dans d'autres
administrations publiques ou parapubliques peuvent également etre pris
en compte car dans certains Etats membres de l'OAPI, ils contnuent de
bénéficier de l'avancement comme s'ils étaient en fonction
dans les juridictions ou à la Chancellerie39.
Ne sont pas par contre pris en compte, les magistrats
bénéficiant d'une mise en disponibilité car en pareil cas,
ils ne bénéficient pas des droits et avantages attachés au
statut de magistrat(s).
Quoiqu'il en soit, l'expérience professionnelle n'est
pas cependant l'unique condition complémentaire A remplir par les
magistrats postulants A la CSR. Il leur faut en outre avoir une maîtrise
des questions de propriété intellectuelle.
2 - Les connaissances en propriété
intelectuelle
L'article 3 nouveau de l'aménagement du
règlement portant organisation et fonctionnement de la CSR a repris in
extenso le contenu de l'article 3 ancien du règlement adopté A
Nouakchott. Selon ces dispositions, les magistrats postulants A la CSR doivent
: «.posséder une bonne connaissance des questions de
propriété intelectuele
».
37 - La Chancellerie est ici le Ministère en
charge de la Justice, Garde des Sceaux. Elle n'est pas à confondre avec
le Ministère en charge des affaires étrangères et de la
coopération (internationale) ou Ministère des relations
extérieures. Elle ne s'entend pas non plus d'une ambassade.
38 - L'affectation permanente à l'ENM (cas du
Gabon) ou au CFJ (cas du Sénégal) devrait titre assimilée
à l'occupation d'une fonction au sein de la Chancellerie.
39 - On peut même considérer que, sauf
incompatibilité prévue expréssement par les textes en
vigueur, même les magistrats exerçcant dans des juridictions
supranationales (ex : Cour de justice de la CEMAC ou de l'UEMOA) peuvent titre
éligibles à la CSR.
A la différence de l'expérience professionnelle,
analysée comme condition objective, la possession d'une bonne
connaissance des questions de propriété intellectuelle est
aujourd'hui une condition subjective.
Même si le législateur OAPI n'a pas stricto sensu
parlé de « connaissances en Droit de la propriété
intellectuelle », les magistrats composant la CSR devant statuer en fait
et en droit sur des recours relevant de leur(s) compétence(s), il faut
l'entendre ainsi.
La connaissance par les postulants à la CSR des
questions de propriété intellectuelle ne doit pas cependant
être circonscrite au seul espace OAPI. Ils doivent plutôt
posséder une universalité de connaissances en
propriété intellectuelle car, les questions de Droit de la
propriété intellectuelle sont aujourd'hui des questions mondiales
et il existe un Droit international de la propriété
intellectuelle.
En disposant que les postulants à la CSR doivent
posséder une bonne connaissance des questions de propriété
intellectuelle, le législateur OAPI n'a pas pour autant imposé
que les magistrats soient diplômés en Droit de la
propriété intellectuelle car, même s'il est
considéré comme discipline émergente, le Droit de la
propriété intellectuelle est encore une discipline nouvelle,
inconnue même des magistrats des Etats membres de l'OAPI et le
contentieux s'y rapportant est peu ou prou important devant les juridictions
dudit espace.
Malgré cela, le postulant doit prouver par tous moyens
qu'il possède ces connaissances en propriété
intellectuelle.
Cette preuve peut consister notamment en la production de titres
universitaires, de certificats obtenus au cours de sessions de formation en
Droit de la propriété intellectuelle40.
Conscient que la connaissance des questions de
propriété intellectuelle était difficile à remplir
et dans le souci de participer au renforcement des capacités des membres
de la CSR, l'OAPI a organisé à l'intention de certains d'entre
eux des voyages d'immersion et d'études auprès d'offices et de
juridictions occidentales41.
Les conditions professionnelles et intellectuelles
étant remplies par les magistrats, quel est leur mode de
désignation, la durée de leurs mandats au sein de la CSR et les
modalités de rémunération de leur office ?
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