PREMIERE PARTIE
Le présent de la
Commission supérieure de
recours
Quatre (4) séries de textes constituent la base
légale de la CSR :
- les articles 19, 27 et 33 de l'ABR ;
- le règlement portant organisation et fonctionnement de
la CSR ;
- l'aménagement du règlement portant organisation
et fonctionnement de la CSR ; - les instructions administratives de l'OAPI.
Même si ces différents textes et les instructions
administratives n'ont pas déterminé la nature juridique de la
CSR, il a été décidé qu'il s'agit d'un organe sui
generis, c'est-à-dire de son propre genre21.
La nature juridique sui generis de la CSR tient à son
organisation (Chapitre premier) et à ses attributions (Chapitre
second).
21 - V. Introduction générale au
mémoire.
L'organisation de la Commission
supérieure de recours
CHAPITRE PREMIER
La composition de la CSR est déterminée
par deux catégories de textes : l'ABR et les règlements relatifs
à cet organe.
Cette composition est en son principe déterminée
par les articles 33 de l'ABR.
En raison du caractère général de la
disposition qui précède, les articles 3 à 7 du
règlement portant organisation et fonctionnement de la CSR adopté
à Nouakchott le 4 décembre 1998, les articles 3 et 4 (nouveaux)
de l'aménagement de ce règlement, fait à N'djamena le 4
novembre 2001 sont venus préciser la composition dudit organe.
Il résulte de ces différents textes que la CSR
se compose de membres (Section 1). Ces membres ne peuvent cependant exercer
leurs compétences que s'ils sont assistés d'un secrétariat
(Section 2).
Section 1 - Les membres de la Commission
supérieure de
recours
La CSR est constituée de membres qui sont
exclusivement des magistrats.
Les membres de la CSR doivent remplir un certain nombre de
conditions (§1) afin d'être désignés pour exercer leur
office dans une durée légalement fixée et
bénéficier ainsi des indemnités de sessions (§2).
§1 - Les magistrats, membres exclusifs devant remplir
certaines
conditions
Les membres de la CSR sont des magistrats (A). Ils
doivent remplir deux conditions cumulatives (B).
A- Les éléments généraux de
présentation des membres
L'article 33 1) de l'ABR dispose que : « La commission
est composée de trois membres choisis par tirage au sort sur une liste
de représentants désignés par les Etats membres, à
raison d'un représentant par Etat »22.
En raison de la généralité de la disposition
qui précède, seuls des règlements d'application pouvaient
la préciser.
L'article 3 in fine du règlement portant organisation
et fonctionnement de la CSR est donc venu préciser que : « Les
représentants parmi lesquels sont choisis les membres de la commission
ainsi que trois suppléants doivent gtre des magistrats.. ».
Ces dispositions conduisent à faire des précisions
sur la qualité des membres de cet organe (1) et sur leur nombre (2).
1 - les prtcisions sur la qualitt des
membres
Les magistrats visés par les dispositions qui
précèdent sont en principe des agents publics,
diplômés des établissements
spécialisés23.
Exceptionnellement, les magistrats pouvant composer la CSR
peuvent être recrutés autrement, sur titres ou en raison de leurs
compétences en matière juridique24.
Le choix porté sur les magistrats plutôt que sur
d'autres catégories professionnelles, même ayant des
compétences en Droit de la propriété intellectuelle, se
fonde sur trois raisons non exhaustives.
La première raison est que dans les systèmes
judiciaires des Etats membres de l'OAPI, les magistrats sont traditionnellement
et statutairement chargés de dire le droit. Ils ont donc
été le meilleur choix pour dire le droit...OAPI25.
La deuxième raison qui explique le choix porté
sur les magistrats est que même si la CSR dépend
administrativement et financièrement de l'OAPI, la soumission
traditionnelle de ces agents publics à la seule autorité de la
loi et dans certains cas, à leur intime conviction ne peut entamer leur
traditionnelle et caractéristique indépendance26.
22 - Les Accords de Libreville (art. 10) et de Bangui
(art. 16) disposaient déjà que cette commission
était
composée de trois (3) membres choisis par tirage au sort
sur une liste de représentants de chacun des Etats membres.
23 - Les établissements de formation de magistrats sont
entre autres l'Ecole nationale d'administration et de magistrature ou ENAM
(Cameroun) l'Ecole nationale de la magistrature ou ENM (Gabon) et le Centre de
formation judiciaire ou CFJ (Sénégal).
24 - Le décret n° 95/048 du 8 mars 1995
portant statut de la magistrature camerounaise dispose par exemple que ces
agents publics peuvent titre recrutés parmi les avocats et certaoins
enseignants d'université.
25 - Guy THUILLIER, L'art de juger, Economica, Paris,
2001.
26 - Les arts. 21 et 22 du règlement de
Nouakchott disposent en effet que les frais de fonctionnement et les
indemnités dues aux membres de la CSR sont à la charge de l'OAPI.
A cela, Il faut ajouter que la CSR siège dans les locaux de
l'Organisation qui met à sa disposition les moyens matériels pour
son fonctionnement.
La troisième raison qui explique le choix porté
sur les magistrats est que ces professionnels du droit sont astreints au secret
des causes dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs
fonctions27. Les affaires connues par la CSR étant
entourées du secret, qui mieux que les magistrats pouvait garantir
celui-ci ?28
Les magistrats dont il est question, titulaires et
suppléants, doivent être des ressortissants des Etats membres du
seul espace de l'Organisation. Cette prescription n'est nullement
discriminatoire29 car, l'OAPI étant un office régional
africain, les membres de la CSR ne pouvaient donc provenir que de l'espace
géographique couvert par cette Organisation.
Sont donc éligibles à la CSR, les magistrats qui
possèdent la nationalité de l'un des Etats membres de l'OAPI lors
de la présentation de leurs candidatures, peu important le moment ou le
mode d'acquisition par eux de cette nationalité et le lieu d'exercice
effectif de leurs fonctions30.
Au regard de la condition de nationalité sus
évoquée et à la différence de certains textes
nationaux31, les magistrats étrangers non ressortissants de
l'espace OAPI, africains et non africains, ne peuvent pas postuler comme
membres de la CSR. Ils ne bénéficient pas du «
privilège de nationalité » octroyé/accordé ou
reconnu par les textes aux magistrats des Etats membres de cette
Organisation.
Ceci étant, en l'état du droit actuel, rien
n'interdit à un ancien membre de la CSR de postuler à nouveau
à cet organe puisque seul le tirage au sort constitue le mode de
désignation des membres de cet organe. Sont donc éligibles les
anciens membres de la CSR, même sortants, et les magistrats n'ayant
jamais siégé à la CSR.
Que peut-on dire alors du nombre de postulants et de membres de
cet organe ? 2 - Les observations sur le nombre de postulants et de
membres
Les articles 33 1) de l'ABR et 3 in fine du règlement
susvisé servent de base d'analyse et d'observations à la question
du nombre de postulants à la CSR et de membres dudit organe.
L'article 33 1) susvisé dispose que les membres de la CSR
sont choisis sur une liste de représentants désignés par
les Etats membres, à raison d'un représentant par Etat. S'il
avait été
27 - Guy CANIVET & Julie Joly- HUART, La
déontologie des magistrats, Dalloz, Paris, 2004, p.76 et s ; Bruno PY,
Le secret professionnel, Coll. < La justice au quotidien »,
L'harmattan, Paris, 2005, p. 26 et s ; Conseil supérieur de la
magistrature, Recueil des obligations déontologiques des magistrats,
Dalloz, Paris, 2010.
28 - L'art. 20 du règlement portant organisation et
fonctionnement de la CSR dispose en effet que : < Les membres titulaires
de la commission, leurs suppléants. sont tenus au secret pour toutes les
informations dont ils ont eu connaissance au cours de la procédure
».
29 - Le traitement national des articles 2 et 3 de la CUP,
réservé au dépôt des titres de
propriété industrielle ne s'applique pas en effet en pareil cas.
En ce sens aussi, Bernard REMICHE et Vincent CASSIERS, Droit des brevets
d'invention et du savoir-faire - Créer, protéger et partager les
inventions au XXIe siècle -, Manuels Larcier, Bruxelles, 2010, p. 63,
4.3, n° 5.2.
30 - Le critère de nationalité ne
tient pas compte du fait que la nationalité l'est à titre de
nationalité d'origine ou qu'elle ait été acquise par
l'effet de la naturalisation ou du mariage. Quant au lieu d'exercice de la
fonction, il peut ~tre situé dans ou hors de l'espace OAPI, en Afrique
ou hors d'Afrique.
31 - L'art. 76 du décret n° 95/048 du 8
mars 1995 portant statut de la magistrature Camerounaise dispose que : <
Les juristes étrangers peuvent être délégués
aux fonctions judiciaires. Ils sont dans le silence des conventions
internationales ou de leur contrat, régis par le présent
statut ».
légiféré autrement, on courrait le risque
de voir cet organe constitué de membres provenant d'un seul Etat membre.
Par cette disposition, l'OAPI a donc garanti un tant soit peu une sorte
d'égalité entre tous les Etats membres.
Le choix quant à lui de trois membres titulaires et de
trois membres suppléants prévu par l'article 3 in fine du
règlement portant composition et fonctionnement de la CSR s'explique par
le souci du législateur OAPI de garantir à tout moment, la
collégialité au sein de la CSR et la continuité du
fonctionnement de cet organe, gages d'une bonne et équitable
administration de la justice.
Mais au-delà des justifications qui
précèdent, la question qui se pose est celle de savoir si un
règlement pris en application de l'ABR pouvait aller au-delà de
ce que l'Accord lui-même a prévu. En d'autres termes, l'ABR
n'ayant pas prévu l'existence de membres suppléants, un
règlement pouvait-il en instituer ?
La réponse à cette question est
péremptoirement négative si l'on considère qu'en droit,
une règle - inférieure - d'application32 d'une norme
supérieure 33 ne peut pas créer des situations non
prévues par la norme dont il s'agit34. C'est la règle
de la hierarchie des normes.
Même s'il doit être reproché au CA de ne
s'être pas soumis à la légalité, il faut
reconnaître qu'en adoptant ce règlement et en instituant des
membres suppléants, cet organe a poursuivi un objectif précis :
suppléer l'empêchement temporaire ou définitif des membres
titulaires et assurer ainsi le fonctionnement régulier de la
CSR35 dont les membres doivent remplir deux séries de
conditions particulières, cumulatives et obligatoires.
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