§2 - La survenance des décisions de la
Commission supérieure de
recours et leurs effets
La survenance de la décision de la CSR (A) et ses effets
(B) sont régis par les articles 16 à 19 du règlement
portant organisation et fonctionnement de cet organe.
A- La survenance des décisions
On doit repondre à une question qui se dédouble :
à quel moment interviennent les décisions de la CRS (1), quelle
forme revêtent-elles et quel est leur contenu (2) ?
1 - Le moment de la survenance des
décisions
En application de l'article 16 du règlement portant
organisation et fonctionnement de la CSR, les décisions de cet organe
peuvent intervenir seon deux (2) modalités.
148 - Les arts. 11 et 15 prévoient en effet que si une
instruction est nécessaire, le recourant, le DG de l'OAPI ou son
représentant ainsi que tout expert choisi par le recourant et à
ses frais peut ~tre entendu, d'office ou sur demande.
149 - En comparaison, l'art. 16 de l'ordonnance n° 1/77
du 2 février 1977 portant Code de procédure civile de la
république gabonaise dispose que chacun doit apporter les faits
nécessaires au soutien de ses prétentions.
150 - Le représentant du DG de l'OAPI, le Chef du
service des Affaires juridiques et du contentieux, intervient ici non pas comme
membre de la CSR, mais plutôt comme un plaideur car il vient
défendre s'il y a lieu la décision prise par l'Organisation,
comme le ferait le représentant du Ministère public devant les
juridictions étatiques (Procureur de la République ou Procureur
Général), il ne défend/soutient pas absolument la
décision querellée.
151 - Les observations dont il est question se subdivisent en
trois parties : le rappel des faits, les griefs et moyens du recourant et, les
arguments de la Direction générale de l'OAPI (Ex : observations
du DG de l'OAPI du 12 avril 2009 dans le recours en annulation de la
décision n° 0082/OAPI/DG/DGA/SCAJ du 23 mai 2008 portant rejet de
la revendication de propriété de la marque « Logo CA
Stylisée » n° 53929).
Comme pour les décisions rendues par les juridictions
étatiques, les écisions de la Commission peuevent en effet
intervenir (< session tenante »152 (a) ou être
renvoyées à une session ultérieure (b).
a - Les décisions rendues << session tenante
»
La décision rendue (< session tenante » a lieu
soit immédiatement après la clôture des débats, soit
au cours de la même session.
Ces décisions interviennent ainsi lorsqu'entre autres
les recours ne présentent pas de difficulté(s)
particulière(s) de jugement, lorsque l'affaire est d'une relative
simplicité ou même lorsqu'il s'agit pour la CSR de constater un
désistement du recourant ou une transaction intervenue entre les
litigants.
En pratique, les décisions sont souvent rendues (<
session tenante »153. Elles peuvent cependant intervenir
à (< session ultérieure ».
b - Les décisions rendues à <<
session ultérieure »
Les décisions de la CSR peuvent intervenir non (<
session tenante », mais plutôt à (< session
ultérieure » dans plusieurs hypothéses.
Tout d'abord, elles peuvent ainsi intervenir lorsque le
dossier présente des difficultés particulières de jugement
: recherche de l'état de la législation invoquée ou de la
jurisprudence en la matière, examen minitieux des piéces,
compréhension des conclusions de l'expert, etc. Dans ces cas, les
décisions sont renvoyées pour plus amples et meilleurs
délibérés.
Ensuite, les décisions de la CSR peuvent intervenir
à (< session ultérieure » lorsque, les décisions
prévues pour être rendues à la session des débats,
cette dernière n'a pas pu se poursuivre154.
Enfin, les décisions peuvent intervenir à (<
session ultérieure » pour toute autre cause, même non
juridique, laissée à l'appréciation de la CSR et sans que
le motif ne soit obligatoirement indiqué aux plaideurs.
Intervenant (< session tenante » ou à (<
session ultérieure », qu'en est-il alors de la forme et du contenu
des décisions de la CSR ?
152 - Le choix de << session tenante » est
inspiré d' « audience tenante » utilisée dans le
domaine judiciaire pour faire état des décisions rendues
sur-le-champ, c'est-à-dire au cours de la même audience, au terme
des débats. Ainsi pour la session du 25 au 29 avril 2011, les affaires
ont été débattues les deux premiers jours, les
décisions quant à elles, ont été rendues le 29
avril 2011.
153 - On peut ainsi relever dans le rapport annuel des
activités de la CSR pour l'année 2009, dressé le 13
novembre 2009 par son Président (CHIGHALY Ould Mohamed Saleh) que sur 22
recours examinés, 14 décisions du DG de l'OAPI ont
été totalement confirmées, 6 partiellement
confirmées et 1 recours a fait l'objet de renvoi à la prochaine
session pour confirmation d'un arrangement amiable intervenu entre les
parties.
154 - Il ne s'agit pas d'une hypothèse d'école
car il peut très bien arriver qu'une session pourtant entamée ne
va pas à son terme, faute de pouvoir maintenir la
collégialité. Dans ce cas, un seul membre est habilité
à venir proroger le délibéré.
2 - La forme et le contenu des
décisions
Selon l'article 17 1) du règlement portant organisation et
fonctionnement de la CSR, les décisions à rendre par cet organe
sont prises à la majorité des voix, «..chaque membre
disposant d'une
vL7iX ».
Les décisions dont il s'agit sont donc écrites,
motivées et signées de tous les membres.
Dans l'Afrique ancienne, non alphabétisée ou non
lettrée, la justice était rendue oralement, sans forme
particulière et, les parties procédaient à
l'éxecution des décisions orales ainsi rendues.
La situation a évolué avec la
pénétration occidentale et la colonisation du continent. Le rendu
de décisions écrites s'est imposée comme obligation car,
il ne peut y avoir d'éxecution d'une décision de justice s'il
n'existe pas d'instrumentum de celle-ci, s'il n'ya point de titre
(exécutoire).
Outre que les décisions de la CSR doivent être
écrites, elles doivent par ailleurs être motivées.
L'obligation de motiver les décisions de la CSR est
comme celle de leur formalisation (l'écrit), empruntée au droit
processuel et à l'obligation faite aux Juges étatiques et aux
juges supranationaux de motiver leurs ordonnances, jugements et
arrêts155.
On peut cependant se demander s'il était
nécessaire fondamentalement de prescrire la motivation obligatoire des
décisions de la CSR dès lors que cet organe n'est pas une
juridiction de jugement et que sur le principe, ses décisions ne sont
pas susceptibles de recours.
L'obligation de motiver les décisions de la CSR semble
en définitive avoir pour but d'informer les usagers de l'état et
de l'interprétation du Droit de la propriété industrielle
dans l'espace OAPI. Elle vise ainsi à rationnaliser l'application de ce
droit.
Sous l'empire de l'article 17 (ancien) du règlement
portant organisation et fonctionnement de la CSR, seul le Président de
la CSR signait les décisions rendues.
La prise de décision étant dorénavant
à la majorité des voix, cela justifiait que la décision
rendue soit désormais signée par tous les membres. La CSR a donc
une conception plus large de la notion de collégialité qui
s'entend même de la signature de ses décisions, ce qui traduit
bien la nature sui generis de cet organe.
Outre leur signature par tous les membres, les décisions
de la CSR indiquent les qualités du jugement, comportent un exorde, une
motivation (en « Attendu » ou « Considérant ») et un
dispositif156.
La particularité de ces décisions est qu'elles
combinent la présentation des décisions des juridictions
judiciaires (motivation en « Attendu ») et celle des juridictions
administratives (visas, motivation en « Considérant » et
dispositif en articles).
155 - Marie-Noëlle JOBART-BACHELLIER et Xavier
BACHELLIER, La technique de cassation - Pourvois et arrêts en
matière civile -, Dalloz, 4e éd., Paris, 1998, p. 127
et s ; Association syndicale des magistrats, Dire le droit et être
compris - Comment rendre le langage judiciaire plus accessible ? -, CREADIF,
BRUYLANT, Bruxelles, 2003.
156 - Gabriel NZET BITEGUE, Cours de rédaction judiciaire,
ENM, Libreville, Année académique 2006-2007.
Trois constats peuvent cependant être faits sur ces
décisions. Les deux premiers constats sont purement formels alors que le
dernier est d'ordre fondamental.
Le premier constat est que dans l'ensemble, les
décisions de cet organe ne distinguent pas formellement les chefs de
motivation. Or, une telle rigueur, même purement formelle, permettrait de
mieux appréhender le raisonnement des membres.
Le deuxième constat est que les décisions de la
CSR ne font pas mention de ce que la plume est tenue par le secrétaire
de ladite Commission157. Même si cela s'explique par le fait
que ce secrétaire n'en est pas membre et que sa signature n'est pas
requise à peine de nullité des décisions rendues, rien ne
s'oppose légalement à ce qu'il soit fait mention dans ces
décisions de la présence de cet agent. Ce serait là
d'ailleurs une toute juste reconnaissance du travail important par lui
accompli.
Le dernier constat est que plusieurs décisions de la CSR
ne sont pas suffisamment motivées. L'explication pourrait être
recherchée dans l'absence de spécialisation en Droit de la
propriétéindustrielle des membres de la CSR, mais
également dans l'arrêt ou la suspension par l'OAPI de sa
politique de renforcement des capacités des membres dudit
organe. La réforme envisagée devrait donc conduire l'Organisation
à adopter une politique de perfectionnement des membes de cet
organe158.
Ceci étant, dans les quinze (15) jours de son rendu, la
décision de la CSR est notifiée par le secrétariat au
recourant ou à son représentant et au DG de l'OAPI afin de
produire des effets juridiques.
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