IV. LES « ATOUTS
ET LES BOULES » MOBILISES PAR LES POLICIERS « APJ -
OPJ »
Les atouts constituent les manoeuvres ou les ressources tandis
que les « Boules » traduisent les stratégies.
4.1. LES
« ATOUTS »
L' « OPJ » dans le cadre de son travail
judiciaire, mobilise d'abord le cadre juridique c'est-à-dire, la loi et
la procédure pénales. C'est la loi des
« autres » qui lui permet de qualifier les faits en vue
d'incriminer les impliqués. Ce cadre juridique est un atout persuasif
par son caractère répressif. La menace de la peine pèse
sur les impliqués et les amènent à la négociation
pour que le dossier se clôture à la police.
Mobilisant ce cadre, il recourt aux normes sociales voire
aussi religieuses pour réguler les conflits. L'
« OPJ » comme « APJ » se substituent en
« pasteur » pour prodiguer des conseils, amener la partie
plaignante à accorder le pardon au concerné. Enfin, une fois la
réconciliation terminée, il se déshabille de la soutane
pastorale pour porter la toge du juge en sanctionnant les impliqués par
l'amende transactionnelle. C'est ainsi qu'à défaut de l'amende,
l'OPJ sollicite les biens à gager, sinon, il recourt à
l' « amigo » cachot qui est un instrument de
« treizabilité ».
Mobilisant ces deux cadres (normes juridiques et sociales), il
a la manoeuvre selon les enjeux en présence, de transformer le
« un-quatre » en pénal et vice versa.
Quant à l' « APJ », c'est celui qui
arrête les impliqués et les achemine à l'
« OPJ » pour l'audition. Il participe à toute la
scène de traitement de dossier. Il arrive aussi que
l' « OPJ » lui demande conseil. Lorsqu'il ne trouve
pas son compte, il applique dans l'ombre la fonction de l'
« OPJ » parce qu'il en a l'expérience. C'est dans ce
cadre qu'il est appelé « OPJ debout ». Il s'investit
non pas seulement en « OPJ » mais aussi selon les
circonstances en « magistrat » parce qu'il s'estime
maître du terrain et de l'action publique, en « juge de
paix » par son caractère conciliatif ou de médiateur,
en « législateur » parce qu'il invente aussi ses
propres lois, en « Etat » puisqu'il s'institue à la
police qui est le miroir de l'Etat, aussi, il se paie lui-même à
partir des différentes perceptions découlant de sa pratique.
Les deux acteurs font la campagne contre les instances
judiciaires, à l'occurrence le Parquet et le Tribunal en
présentant leur faille et le risque de perte d'argent et de temps pour
les deux parties. Pour l'auteur, il a le risque d'être
étiqueté « délinquant » et
d'être condamné. Pour le requérant de la justice, l'
« OPJ » comme l' « APJ » évoque
les dépenses en argent et en temps, ainsi que les pesants ou les
méandres de la justice.
A propos des méandres de la justice VINKE Pierre
indique ce qui suit :
« la justice est pauvre, la population est
pauvre. Le coût de la justice pour un citoyen est inabordable et la
pauvreté du système lui-même est abyssale »
(2006 : 21)
Pour renchérir cette réflexion, la pensée
de Jean Didier KALOMBO tombe à point en stigmatisant ce qui
suit :
« la justice, principe qui exige le respect du
Droit et de l'équité n'est qu'un vain mot pour la population
démunie et affamée » (2006 : 28)
Profitant de l'ignorance et de la pauvreté de la
population, les deux acteurs utilisent l'art de persuasion afin d'amener les
deux parties en conflit sur un terrain d'entente derrière lequel se
trouve implanté le décor de
« treizalité ».
Ainsi, la « treizalité »
appelée aussi « treize »,
« treizage » ou « treizalisation », est
une finalité et l'arrangement à l'amiable ou la
négociation ou encore plus la médiation sont des moyens ou des
ressources pour mieux « treizer » puisque les acteurs se
trouvent dans un contexte de précarité qui guide leur
pratique.
La majorité de la population vit grâce à
l'économie de la débrouille. Elle est appelée à
exercer ces activités chaque jour puisque vivant au taux du jour comme
les policiers. C'est pourquoi, dans ce contexte, la justice est
appliquée et adaptée à chaque circonstance. C'est ainsi
qu'au problème courant, il arrive aussi que les populations proposent
des solutions se substituant à la loi. Il en est de même
concernant la pratique judiciaire par la police.
Au regard de la justice populaire, Jean Didier KALOMBO
illustre ce qui suit :
« Lors du décès d'un conjoint,
l'épouse est toujours traitée de sorcière et perd tous ses
droits. Un voleur une fois arrêté, n'est jamais
présenté devant la justice. C'est la population qui tranche et il
arrive qu'il soit brûlé vif.
Par manque de confiance en la justice et par ignorance, la
population recourt à la justice populaire. La pauvreté favorise
le non respect de la loi « ventre affamé n'a point
d'oreille ». Conclut l'auteur. » (2006 : 29)
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