2.4.3 «
L'issue des plaintes »
Il sera question ici de cerner le trafic d'influence dans sa
manière d'induire l'issue du dossier ainsi que les trois acteurs
impliqués dans le jeu du champ pénal.
2.3.3.1. « L'OPJ sous la pression
du trafic d'influence »
Nous rejoignons la recherche du Prince KAUMBA LUFUNDA dans sa
recherche sur l'approche de la criminalité dans la ville de Lubumbashi
lorsqu'il explique ce qui suit :
« Certains prévenus exigeaient que le
dossier en cours d'audition soit immédiatement transmis au Parquet de
Grande Instance. Aussi, le magistrat sur réquisition d'information
réclamait-il le transfert du dossier en cours du
traitement. » (2004 : 50)
Nous avons eu à enregistrer plusieurs cas sembables.
Parmi ces interventions, retenons à titre purement d'information celle
de « KILOLO, victime de coups et blessures par ses voisins. Le sous
commissariat informé par téléphone, les coupables seront
arrêtés et acheminés à l'Office. Pendant l'audition,
la soeur du coupable à l'OPJ téléphone pour recevoir
l'ordre de libérer sans condition et immédiatement les coupables.
L'OPJ insiste pour les soins à prendre à charge. Malgré
l'insistance, il céda sous la pression du chef pour conserver son poste.
C'est ainsi que la loi et la procédure étaient foulées au
pied et monsieur Kilolo, victime, sorti attristé et plaintif,
« la loi des autres » telle que appliquée et
limitée par les acteurs, demeura impuissante pour lui rendre justice et
créer l'harmonie. L'OPJ obéit à la logique
militaire : « l'exécution avant tout et la
réclamation après » bien qu'un ordre mal donné
ne s'exécute pas.
Ainsi donc, le trafic d'influence peut déterminer
l'issue du dossier pour qu'il soit clôturer au niveau de la Police ou
transféré au Parquet.
2.3.3.2. « Les enjeux des
acteurs »
Pour déterminer l'issue du dossier, nous avons
ciblé trois acteurs y relatifs : le plaignant, l'impliqué et
l'OPJ.
1° « L'exigence du
plaignant »
C'est le motif de la plainte. Le plaignant parait visiblement
pesant dans le dossier. Il détermine l'issue du dossier par ses
déclarations à travers les attentes de la plainte. La
manifestation de ses aspirations consiste à répondre à la
question comme celle-ci :
« Que voulez-vous que la police fasse pour
vous ?
Cette question peut être aussi formulée de
cette manière : « Que réclamez-vous à la
justice ? »
Cette question oriente l'issue du dossier. A titre de
renseignement, nous avons pu enregistrer ces quelques illustrations :
- « Tunakuya ku la police dju
mutushaurye » (Nous venons à la police pour le
conseil).
« La police-conseil » se limite au conseil
et blâme. Elle est fréquente pour les faits simples et surtout
familiaux.
- « Kupatanisha »
« souci yangu ni mwitupatishe » (souci
est de nous reconcilier).
La police est une instance de paix
- « Kupanda yulu »
(monter)
« Dossier yangu aitaishiya hapa, tupande naye ku
ngazi la djuu, paka ni mu sukise » (Mon dossier ne doit pas se
clôturer à ce niveau de la police, montons avec lui au niveau
élevé, je dois l'achever). La police est un niveau bas. Certains
souhaitent que le dossier suive son cours normal jusqu'au Parquet qu'ils
trouvent efficace en matière répressive.
- « Kuamuwa »
« Tunakuya mwituamuwe » (Nous sommes venus
pour nous juger ». La police est une instance de justice par le
jugement. « La police juge ». Elle sépare le
délinquant du non délinquant. Elle est sélective.
- « Hukumu »
« Paka alale mukasho, tasamba naye
kesho ».
(Qu'il soit incarcéré, je comparaîtrai
avec lui demain »)
Certains plaignants précisent de punir
l'impliqué par le payement d'amende. D'autres sollicitent le cachot de
15 jours plus le fouet tout en ignorant que la détention a des limites.
L'intention ici est de faire souffrir. Certains donnent l'argent aux policiers
pour fouetter l'impliqué.
- « Kulipa »
Il s'agit du payement de la victime qui exige
réparation.
- « Kurumiya »
Le plaignant peut désister et pardonner
l'impliqué. Malgré le désistement, l'OPJ sanctionne
l'impliqué par « mulambu ». Sur terrain l'on a vu
certains plaignants se transformaient en avocat de l'impliqué en
suppliant l'OPJ de le libérer. Celui-ci retorque :
« ulizani uku ni kanisa, anesha kwangukiya mu mayi, inapashwa
alipe. (Vous avez cru que c'est à l'église, il est
déjà tombé dans l'eau et doit payer l'amende. Parfois, le
plaignant paie pour l'impliqué pour clôturer le dossier.
Tout dépend de la visée du plaignant quant
à la formulation de la plainte. C'est le point de vue qui va orienter
l'OPJ. Si la visée est la réparation, le plaignant a tout
intérêt d'éviter la répression puisque les deux sont
incompatibles. Subissant la peine, l'impliqué échappe à la
réparation.
2° « Le poids de
l'impliqué »
Apparemment, il ne fait que subir la pression du plaignant.
Toutefois, il y a ces cas où l'impliqué pèse sur l'issue
du dossier. C'est ici où nous rejoignons la recherche de Gabin Kabuya
qui montre aussi que l'impliqué a aussi du poids (2006 :44)
Nous avons constaté que lorsque la visée du
plaignant est la réparation, l'impliqué se trouve devant une
alternative de choix entre le grand boulevard (Parquet) cheminant dans le
« grand monde » (la prison) et la réparation en vue
de clôturer le dossier sur place.
3° « L'OPJ , le grand
meneur du jeu »
Sa première visée d'un dossier en main est de
voir s'il peut en tirer profit. La procédure judiciaire étant
renversée, le civil tient le pénal en état. Son grand jeu
est d'amener les deux parties sur un terrain d'entente en vue de clôturer
le dossier par le « mulambu ».
Il sied de retenir qu'en arrière plan du
« treize » se localise une nécessité
imposante : l'arrangement à l'amiable qui est le garant de la paix
dans ce contexte. C'est pourquoi l'adage dit « vaux mieux un mauvais
arrangement qu'un bon procès ». En cas de non compromis, le
dossier est transféré avec ou sans prévenu.
Un regard sur l'issue des plaintes sur terrain indique que peu
de dossiers suivent leur cour normal et beaucoup sont clôturés sur
place. La police est à la fois un filtre et une sélection des
impliqués.
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