2.3.2.9. «
L'OPJ entre le marteau et l'enclume »
A titre de rappel, le travail judiciaire le place sous
l'autorité du Ministère Public qui relève du
Ministère de la justice. Sous d'autres cieux, la police étant
militarisée, l'OPJ répond de ses actes à l'auditorat
militaire qui dépend du ministère de la défense.
Concernant les recettes, il doit rendre compte de ses perceptions à la
Direction Générale des Recettes et Domaniale relevant du
Ministère des Finances et Budget en passant par sa voie
hiérarchique. L'OPJ en tant que policier, dépend du
ministère de l'Intérieur.
Sur ce, la position de l'OPJ le place dans une situation
« des pressions » qu'il subit de part et d'autres de ses
supérieurs :
1° Du Ministère
public
L'OPJ dépend du Ministère public auprès
de qui est doit rendre compte de ses activités
« directement ». Ici le concept a le sens du délai
lui imparti par la loi qui ne peut pas dépasser 48 : 00 heures
à moins qu'il sollicite une prorogation ».
Il se passe qu'en pratique, au moment où l'OPJ est
en train d'instruire un dossier, sur demande de l'une des parties, une
réquisition du Ministère public tombe sur la table de l'OPJ qui
se voit dessaisir le dossier. Tel est le cas de Monsieur KALABA, un
transporteur qui n'avait pas bien bâché son camion, une vingtaine
des sacs des fretins ont connu la putréfaction. Au moment où son
chauffeur TSHABALA comparaissait à la police, KALABA s'est
arrangé avec un magistrat qui a envoyé une réquisition
obligeant toute affaire cessante pour le transfert du dossier et du
véhicule saisi contenant les fretins. Ce type d'intervention est
fréquent au sous commissariat.
2° Du commandement de la
police
L'article 9 du code de procédure judiciaire ainsi que
les cours et tribunaux consacrent l' « indépendance de
l'OPJ » en réalité, l'OPJ n'est pas indépendant.
L'indépendance n'est qu'un leurre. A ce sujet, le travail del'OPJ
dépend largement de son chef hiérarchique dans le cadre du
commandement. A titre de renseignement, la réunion qui s'est tenu le 24
janvier 2007 par l'inspection provinciale à l'attention des OPJ peut
édifier le lecteur. Il ressort de cette réunion que l'OPJ de la
Police Nationale n'est pas indépendant sur le plan judiciaire. Il doit
rendre compte de ses activités à son chef administratif. En cas
de refus, il peut être privé de cette qualité en lui
confiant une autre fonction telle que chargé de transmission,
chargé de ravitaillement, chef du camp... Et par conséquent un
OPJ compétent est celui qui verse. Le montant est d'avance fixé,
10 $ par semaine.
Il va de soi que cette situation renforce les
stratégies de l'OPJ en tant qu'acteur social qui discerne le fait et
cherche les moyens de le contourner. Il ne se soumet pas aveuglement, discerne
le fait désavantageux pour les contourner par d'autres voies.
L'enregistrement, l'audition de la plainte et la perception de l'amende
transactionnelle se font à l'absence du chef. Au lieu d'enregistrer cinq
plaintes réelles, il enregistre une ou deux et d'ailleurs en
caractère pénal transformé en
« civil ».
3° De l'Auditorat
L'auditorat intervient souvent à la police et surtout
en matière judiciaire. Parmi ces interventions, relevons celle d'un
inspecteur de la société nationale d'assurance, qui en
état l'ivresse, s'est battu avec le gérant de l'Hôtel
« WA KUMIKOMA » pour avoir refusé de lui accorder
une chambre. Dépêché sur le lieu, l'OPJ a instruit le
dossier et l'inspecteur a pris à charge les premiers soins. Comme
c'était la nuit, il fallait que les deux parties se présentent le
matin pour voir dans quelle mesure clôturer le dossier. Le matin, avant
qu'il n'entre au sous-commissariat, l'OPJ a subi le
« mukwao » tendu par les agents de l'Auditorat.
Menotté, l'OPJ a été ridiculisé et a eu la
liberté grâce au « mulambu ».
4° Agent de Police
Judiciaire
Lorsque l'OPJ instruit le dossier, il doit avoir en tête
qu'il faut le rentabiliser pour se partager avec les APJ participants au
dossier ainsi qu'au commandant. Dans le cas contraire, il perd son poste.
D'où il doit « treizer » son poste pour le
conserver. Si l'APJ ne trouve pas sa part, il peut nuire à l'OPJ par la
voie de « kokunda » (enterrer), appelée
autrement « kubambisha touche » dont la
finalité ou la visée est de faire punir. Les différentes
pressions exercées sur l'OPJ permettent de stigmatiser que la loi et
l'organisation judiciaire des « autres » ne s'adaptent pas
au contexte pratique. Cadre réglementaire paraissant contraignant,
impératif et rigide, ne l'est que par l'apparence. Celle-ci est
trompeuse puisque les limites juridiques sont fluides. Elles permettent aux
acteurs de ce champ d'avoir une marge de manoeuvre pour adapter la loi
pénale et la procédure au contexte du milieu « Naza
mwokonzi » « niko chef » (Je suis le chef).
Le chef a le pouvoir de libérer. Ce pouvoir est limité au point
de vue, l'expérience, la visée guidée par le projet et
l'histoire des acteurs.
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