2.3.2.7.
« Mabuso »
Lorsque les APJ opèrent ce
« mukwao », les impliqués sont gardés
à vue dans le « mabuso » c'est-à-dire le
cachot ; il porte plusieurs noms avec des sens particuliers, mais
rapprochés. Ce faisant, le sens et les représentations seront
décortiqués dans le troisième chapitre. Pour le moment,
nous trouvons l'opportunité d'en citer.
« gereza » (enfer)
« jangwa » (désert)
« kota okola » (entrer pour
grandir)
« Nyumba yetu » (notre maison)
« maison de passage »
« Hôtel »
« faculté sans professeur »
« Amigo »...
L'APJ peut miser sur les intérêts présents
ou futurs. C'est en ciblant le futur que cet adage africain tombe à
point : « de même le maïs grillé peut
germer ». Les relations peuvent produire des fruits et de bons un
jour. Ce qu'on a perdu dans le présent, peut nous
bénéficier dans le futur. L'impliqué devient
« Amigo ». Il peut être relâché sans
paiement d'amende. Pendant qu'il est au cachot, il bénéficie la
détente à l'extérieur par de petites corvées qu'il
exécute.
2.3.2.8. «
Les relations entre les policiers et les impliqués en garde à
vue »
Comme les surveillants de prison et les internés
tissent les relations de coopération ou de tension, il en est de
même pour les agents de police chargés d'assurer la Garde des
impliqués. Sur terrain, nous avons pu dénicher trois types de
relations que voici :
1° APJ « avocat »
« Défenseur » « protecteur » de
l'impliqué
Les agents de police arrivent parfois à se familiariser
avec les impliqués. C'est dans le contexte que Prince KAUMBA LUFUNDA
compare ce fait à l'image de « Stockholm »
caractérisé par le développement d'un climat de
familiarité entre les otages et les terroristes. (2004 : 34)
En effet, il arrive que les APJ se familiarisent avec les
impliqués pour partager ensemble la cigarette et le repas. Pendant la
nuit, il extrait le concerné du cachot pour passer la nuit au corps de
garde et le matin, il y retourne. Ainsi, sympathisant avec l'impliqué,
l'APJ se transforme-t-il en « avocat »
défenseur » de l'impliqué. D'avoir participé au
« mukwao », il a la facilité de contacter la partie
plaignante en vue de plaider pour trouver le terrain d'entente et sollicite sa
liberté auprès de l'OPJ instruisant ce dossier. Il peut aussi
intervenir pour réduire le montant de l'amende. Dans ce contexte, il n'y
a rien pour rien dans ce monde.
2° APJ « adversaire » de
l'impliqué
Ce cas se manifeste souvent lorsque l'impliqué a
posé la résistance lors de « mukwao »
(arrestation). Parfois, c'est l'échange des paroles vexatoires entre ce
couple qui engendre l'adversité et l'impliqué subi les mauvais
traitements tels que nous l'avons observés sur le lieu.
« Natafuta kuyamba, munakatala, nami niko muntu shina nyama. Mu
cachot amubakiyake ngozi, mitatoka paka » (je voudrais me
soulager, vous refusez, je suis aussi un homme et non un animal, je finirai par
sortir et je ne dois pas laisser ma peau au cachot). Le policier
rétorque : « shi ulitoka pomba, unatutshambula, sasa
uko wapi, kama niko paka hapa, nachakula autaipata » (Vous
étiez invincible en nous insultant, maintenant où est-ce que nous
en sommes, vous n'aurez pas le repas tant que je suis ici à la
police).
De tels cas sont fréquents au sous-commissariat de
Kafubu. La visite et le repas de l'impliqué sont conditionnés par
le « dix-vingt-cinq » (l'argent). Les visiteurs savent
qu'il faut verser le droit de visite. Pour nous, le monnayage de service est
une « déviance fonctionnelle. » Il arrive aussi que
la visite, la plainte, la libération s'effectuent sans paiement de
« 10-25 » ou amende.
3° L'impliqué « affaire
propre » de l'APJ
Il a été aussi constaté que certains
policiers se rendent justice eux-mêmes. L'APJ MUNGULUMA étant en
conflit avec son voisin pour le problème des enfants, il s'arrange avec
son équipe pour arrêter son voisin et le placer dans le
« mabuso » (cachot) à l'issue du commandant ou de
l'OPJ et sans aucune forme de procès. Une fois le voisin
écroué, il lui dit « nakusukisa, unanichezeyaka,
ujuwe ya kama mungu yulu, police chini » (Je vous ai
prouvé, vous vous moquiez de moi, après Dieu dans le ciel, c'est
nous la police sur la terre.) Quand le commandant passe pour le contrôle
de l' « Amigo » ou « mabuso »,
l'impliqué est soustrait pour y retourner après. Il arrive que
l'APJ se venge en se rendant justice.
4° Policier « serviteur »
de l'impliqué
L'APJ assurant la garde est un serviteur de l'impliqué.
Celui-ci se trouve dans un petit carré qui constitue son monde
fermé. « Natafuta kuyamba, munipe mayi ya kunya, munyujiye
tumbako, bitumbula, munitosheko ni pite mpepo » (je voudrais me
soulager, donnez moi de l'eau à boire, des beignets, sortez-moi d'ici
pour que je prenne aussi de l'air). Ainsi, l'APJ est tenu à satisfaire
tous les besoins de l'impliqué. Il peut même abandonner son poste
pour informer la famille du concerné, lui payer quelques biens de
nécessité (bougies, cigarettes, à manger...).
C'est dans ce contexte que l'APJ est un serviteur de
l'impliqué, lui procure les nécessaires, passe nuit avec lui au
corps de garde quoi qu'il soit étiqueté « de
malfra ». Certains par confiance due à l'excès de
zèle, facilite l'évasion de l'impliqué sans le vouloir et
prend sa place dans le petit carré. C'est pourquoi
« l'excès de zèle » est punissable dans cette
police militarisée.
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