2.3.2.2. La police :
« Tribunal de paix »
La police est un service public susceptible d'être
requis par chacun. Ayant participé au colloque sur « le
processus de reforme de la police : Expérience belge et
perspectives congolaises » qui s'est tenu à Lubumbashi le 17
juillet 2007 à l'Ecole de Criminologie de l'Université de
Lubumbashi, avons été intéressé par l'exposé
du Professeur GORUS J portant sur « la police et la nouvelle
gouvernance ».
L'auteur en stigmatisant la reforme de mentalité qui
doit passer par la transparence, précise ce qui suit :
« Beaucoup de congolais s'intéressent à la police pour
résoudre leurs différents problèmes sans passer au
Tribunal. Plusieurs gens ayant des problèmes civils s'adressent à
la police pour appliquer leur droit. C'est le cas de propriétaire
d'immeuble qui sollicite la police pour le déguerpissement du
récalcitrant pensant que c'est la fonction de la police. Les policiers y
participent à cause de précarité, mauvais payement,
mauvaise condition de vie. D'où, il faut une bonne gouvernance, une
meilleure organisation de l'Etat devant créer une meilleure organisation
de la police. Une meilleure police pour assurer une bonne
gouvernance. »
Une réflexion pertinente, certes, qui tient compte du
contexte fonctionnel de la police sous-tendu par la logique de
précarité. Cependant, le professeur analyse les faits
criminologiques avec les lunettes juridiques. Sous cette perspective, la
recherche légale et procédurale obnubilent la finalité de
la justice : la recherche de l'harmonie, de la paix et de la
tranquillité sociétale. Le professeur semble oublier que le droit
congolais tel appliqué, nous a été imposé par le
processus colonial. Il est inapproprié, inadapté et non
contexctualisé et parfois contradictoire vis-à-vis de nos valeurs
culturelles.
A titre purement indicatif, nous pouvons prendre le cas
d'adultère qui n'est recevable que lorsque l'un des conjoints
lésé, porte plainte. Or, selon la coutume, les parents, les
membres de la famille ou de la communauté sont habilités à
accuser. D'où, le professeur doit tenir compte du relativisme juridique
et culturel.
Par ailleurs, il sera énoncé de penser que le
Tribunal est l'unique instance de régulation des problèmes
civils. Beaucoup de problèmes civils sont résolus par
l'arrangement à l'amiable dans la communauté. D'où la non
reportabilité de certains faits et l'existence des chiffres noirs qui
constituent un mal nécessaire au fonctionnement de la justice. Nous
pensons que, sous d'autres cieux, la police a aussi cette fonction qui se fait
dans la sphère non réglementaire.
Il se passe que beaucoup de problème concernant
à titre illustratif, les conflits de bail, orientés vers
l'urbanisme et habitat ou au tribunal ne trouvent pas de solution et que la
procédure est longue et coûteuse, le public pense que la police
peut jouer et joue déjà cette fonction régulatoire des
affaires civiles. L'OPJ joue le rôle d'intermédiaire en respectant
le délai légal de préavis. Après compromis, les
deux parties établissent, sous la directive de la police, l'acte
d'engagement de fin de contrat et le préavis légal que les deux
parties doivent respecter.
La garantie restituée, l'OPJ prélève le
10% et à la date convenue, le récalcitrant quitte la maison. La
police utilise, en tant que force régalienne, une solution
appropriée et dans un délai convenable. C'est cette
expérience qui fait que le public se communique de bouche à
oreilles, pour mon cas avec mon bailleur ou mon locataire, l'affaire a
trouvé solution à la police. « Ushipitishe wakati
yako bure kwenda ku Parquet ao ku Tribunal, utatupa franga, ku la Police
utapata solution. » (Ne perdez pas votre temps inutilement
d'aller au Parquet ou au Tribunal où vous aurez à gaspiller
inutilement votre argent. A la police, vous y trouverez la solution.)
Nous pensons que lorsque les deux parties en conflit en
matière civile trouvent un terrain d'entente à la police, c'est
l'essentiel puisque la finalité de la justice n'est pas la
procédure, celle-ci n'est qu'un moyen, mais s'affirme par la recherche
de la paix. Le professeur GORUS s'aligne dans une posture étiologique
« positiviste ». Les actes illégaux sont
posés par les policiers à cause de leur précarité
et mauvais traitement (salaire). Pour nous, ce n'est pas l'ignorance qui guide
le public à saisir la police dans cette matière mais c'est la
recherche de l'efficacité de la police qui fait que certaines valeurs
humaines ne soient pas respectées par ces acteurs.
Certes, la police actuelle a ses pesants qui font qu'elle est
parfois boudée par la population, tel le déguerpissement sans
mandats. Toutefois, elle a aussi ses mérites. C'est ici que tombe
à point la pensée de MONJARDET, D., qui précise à
ce propos : « Rien n'est plus trompeur que la distinction
d'une « bonne » police, qui protège, opposable
à la mauvaise police, qui réprime. » (1996 :
9)
Le professeur GORUS J., termine son propos par une meilleure
police pour une bonne gouvernance. Nous estimons que parler de la meilleure et
de la bonne serait porter un jugement de valeur. Au tant parler d'une police
convenable pour assurer une juste gouvernance. Il n'existe pas de
« bonne « ou « meilleure »
organisation. Celle-ci étant une construction humaine, elle est
imparfaite. Elle présente des mérites et des failles qui,
ensemble, contribuent au fonctionnement de l'organisation.
Ainsi donc, selon la finalité de la justice, lorsque la
police assure l'harmonie en régulant les problèmes qui se posent
dans la société, elle s'érige en « tribunal de
paix. » C'est dans cette logique que le public se présente
à la police : « tunachoka na ihi mambo mu
cité, tunakuja mutu unge, mutupatanishe » (Nous sommes
fatigués de ce problème, nous venons ici pour nous
réconcilier). La police est un tribunal de paix puisqu'elle
réconcilie. En jetant un coup d'oeil au registre des plaintes pour en
savoir leurs issues, il y a lieu de remarquer que peu de dossiers
évoluent vers le Parquet et la majorité est régulée
sur place. Ceci pour dire que la police est une « instance de la
paix » et l'OPJ un « juge de paix ».
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