2.4.2. «
Les traitements des plaintes »
Il s'agit des plaintes enregistrées ou non, mais
traitées à la police.
2.3.2.1. Le
« Mukwao » ou « l'embouchi » (c'est le
piège)
C'est comme le filet. Pour attraper les gibiers, il faut leur
tendre le piège. C'est comme les poissons qui sont attrapés
à l'aide du filet ou d'une nasse. Le « mukwao »
désigne l'arrestation du concerné. Pour parvenir à cette
fin, le « mukwao » s'opère surtout par trois
documents qui tiennent lieu et place du mandat sans l'être.
- « La
convocation » qui est une simple invitation du
concerné, sert de mandat d'amener. Souvent, l'OPJ écrit sur la
convocation « très urgent et se faire accompagné par
les policiers dès réception ». Pour amener
l'impliqué à se présenter au bureau de la police, au bas
de ce document on y lit cette formule : « Faute
d'obtempérer à la présente le concerné fera objet
d'un mandat d'amener auprès de l'Officier du Ministère
Public ».
Si certains tombent dans le « mukwao »
d'autres par contre en échappent et déchirent même la
convocation. La convocation n'est pas un document adapté à la
culture congolaise. Une fois que la personne est invitée à la
police, il voit le « mabusu » (le cachot) et fait tout pour
échapper à la justice. C'est ici où le droit n'a pas
été contextualisé. Le droit des autres, celui
imposé par la logique et le contexte colonial est loin de s'accommoder
avec notre culture. S'il faut agir toujours conformément à la
loi, en arrêtant sur base d'un mandat d'amener, la police serait
inefficace. C'est la recherche de l'efficacité qui est une des
problématiques du respect des valeurs humaines et des droits
fondamentaux de l'homme qui tient à sa dignité.
Toutefois, il y a aussi des citoyens congolais qui, une fois
la convocation réceptionnée, se présentent à
l'heure et à l'office indiqué. Des tels citoyens sont à
encourager et doivent bénéficier des mesures de relaxion puisque
nous sommes dans un pays entrain de se construire et où il faut surtout
vulgariser les valeurs humaines.
Concernant la mentalité de la population
vis-à-vis de la convocation, il arrive aussi que l'OPJ aspire à
respecter la dignité de l'homme, mais il est poussé de faire le
contraire suite à la méfiance comportementale de certains
invités impliqués. A ce propos, le dossier MUJOS,
dépositaire des poissons salés, invité à la police
pour avoir perdu deux sacs de poissons salés d'un de ses clients, peut
édifier le lecteur. Par insuffisance des preuves, l'OPJ Instruisant lui
confie une convocation pour le jour suivant au nom du principe de
liberté et dont l'arrestation en constitue une exception. Au lieu de se
présenter le lendemain, c'est la réquisition d'information qui
tombera sur la table de l'OPJ. Les interférences sont fréquentes
dans la police. Elles font l'essentiel de la recherche de GUY KAYAMBA (2007).
Dans l'optique de cette étude, elle est assimilée
au « trafic d'influence » qui sera
épinglé un peu plus loin.
Dans la pratique, il arrive aussi que l'OPJ envoie la
3ème convocation en lieu et place de la première et
sans souche dans le seul but de pousser le concerné à se
présenter en craignant le mandat d'amener. Il est aussi courant qu'un
OPJ envoie la première convocation le matin, la deuxième le soir
et la troisième le lendemain matin.
A titre de rappel, l'article 2 de l'ordonnance n°78-289
du 03 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier et
agent de Police judiciaire près les instances de droit commun, la police
judiciaire est chargée de rechercher et de constater les infractions
à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher
les auteurs. C'est dans ce cadre que nous venons de voir qu'un OPJ convoque,
dans ce but de les entendre, les personnes susceptibles d'éclairer
l'enquête. En cas de refus, nous l'avons dit, il peut les y forcer par
mandat d'amener sollicité auprès du magistrat du Parquet. Il ne
peut décerner un tel mandat selon l'esprit procédural en droit
congolais, qu'en cas de flagrance et a une durée de 6 mois non
renouvelable.
- En dehors de la convocation, l'OPJ recourt aussi au
« Bulletin de service » comme un mandat de
justice. La plupart des « mukwao » opérés
à la police, se réalisent par le Bulletin de service
équivalent dans ce contexte au mandat d'amener. Pour les policiers, le
Bulletin de service est un document qui permet l'efficacité de
l'intervention policière. Il est livré sur place par l'OPJ aux
APJ en vue d'opérer les « mukwao » des personnes
impliquées. Il permet de contourner la longue procédure pour
obtenir le mandat d'amener. Et de ce fait, il échappe au contrôle
du magistrat. C'est en qualité d'acteurs sociaux que les policiers
agissent ainsi quoique sachant les punitions qu'ils peuvent encourir. C'est
comme la suspension de ses fonctions ou le retrait définitif de son
habilitation ou une servitude pénale qui tombe sous le coup de l'article
67 du code pénal livre II alinéa 1 qui stipule ce qui suit :
« est puni de servitude pénale d'un an à cinq ans,
celui qui, par violence, cause ou menace, a enlevé, arrêté
ou fait arrêter arbitrairement, détenu ou fait détenir une
personne quelconque ».
Il sied de remarquer que l'usage de ce Bulletin de service
dans la logique du mandat par les OPJ n'est pas encore sujet à des
sanctions parce que ceux qui ont subi le
« mukwao » ignorent le caractère
« délictueux » de cette démarche. Par
ailleurs, leurs chefs hiérarchiques ferment les yeux sur l'acte
puisqu'ils sont complices et savent qu'ils y tirent profit « le
mulambu » (offrande). Ainsi, le pouvoir disciplinaire est
affaibli par la logique de « 13 » ou treizalisation.
Du reste, même les personnes qui connaissent leurs
droits doutent de saisir les instances judiciaires pour raison des frais de
justice et l'incertitude `obtenir le gain de cause suite à la
cupidité de certains acteurs de la régulation sociale. Le
Bulletin de service est selon son cadre conceptuel, un document administratif
valant l'ordre de mission, destiné à couvrir le
déplacement d'élément de force de l'ordre. C'est un
document justificatif de l'accomplissement de telle ou telle mission
effectuée par les policiers. (MUDEKEREZA M., 2005 : 15)
L'article 17, alinéa 1 et 2 de la Constitution dispose
pour garantir la liberté du citoyen ce qui suit :
« La liberté individuelle est garantie. Elle est la
règle, la détention en constitue l'exception. Nul ne peut
être poursuivie, arrêté, détenu ou condamné
qu'en vertu de la loi et dans les formes qu'elle prescrit. »
Malgré toutes les dispositions procédurales, les
OPJ sur terrain dressent et signent le Bulletin de service, portant mandat
d'arrestation. Les OPJ légitiment le bulletin -
« mandat » par la rubrique missions spéciales qui y
figurent et qu'ils complètent sous cette formule :
« Rechercher, arrêter et acheminer devant nous les
nommés [ ] pour avoir commis tels faits prévus et punis par
... » Le Bulletin dispose aussi d'une place réservée
à la consigne qui dépend de chaque OPJ. Elle peut
être :
- exécution sans faille. Il s'agit d'une mission
impérative.
- Respect de la loi, courtoisie, mais fermeté. Or le
Bulletin est un acte administratif et non un mandant. D'où il est contra
legen et l'OPJ exige à l'APJ le respect de la loi.
Cette dernière consigne tisse une marge de manoeuvre
d'appréciation de l'APJ exécutant qui peut trouver une
opportunité de réguler les problèmes sur le terrain et
faire un faux rapport à son chef tel qu'il s'est buté à
une résistance. La recherche de l'efficacité poussera l'OPJ de
solliciter le mandat et va se retrouver dans l'aspect réglementaire.
- « L'avis de recherche »
est aussi un autre document portant mandat d'amener. Il est aussi d'usage
à la police comme le Bulletin de service et convocation. Sa partie
conceptuelle et qu'il est émis dans le cas d'un condamné en
fuite, d'un déserteur, d'un infracteur inconnu. Cependant, dans la
pratique ce document est livré même pour arrêter une
personne dont l'adresse est connue et sa fuite non à craindre. Le but
c'est d'arriver à opérer le « mukwao » sous
la recherche de l'efficacité.
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