CHAPITRE 1
CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE ET SA MISE EN
CONTEXTE
Le contenu de ce chapitre consiste à répondre
à la question de savoir quel est l'objet de cette recherche et sa mise
en contexte ?
Elle implique une réponse à double
dimension : l'objet de recherche (1) et son contexte (2).
I. CONSTRUCTION DE L'OBJET
DE RECHERCHE
Cette partie du travail présente la conception et la
mise en train de l'objet de recherche, cerne l'état de la question, fixe
ses déterminants, délimite son champ, précise la
problématique et les questions de recherche.
1.1. La Conception et la Mise en
train de l'Objet de Recherche
La présente étude rentre dans la perspective de
la finalité de l'Ecole de Criminologie. Nous devons préciser
qu'une recherche peut être menée à titre individuel par les
étudiants en formation, tout comme ce processus peut-être mis en
oeuvre par l'institution. Ce faisant, l'Ecole de Criminologie a recruté
les étudiants professionnels. C'est un atout pour qu'ils puissent
produire un savoir scientifique de l'intérieur qui cadre avec leurs
institutions respectives. Faisant notre cette finalité, notre souci a
été celui de savoir quel objet cerner pour une telle
étude.
Comme toute recherche a comme un point de départ
l'observation empirique, celle-ci suscite un questionnement en vue de
répondre aux interrogations découlant d'une pratique sociale.
C'est du questionnement que dérivent la fixation et la précision
de l'objet. (ALBARELLO, 2004 : 13) Il s'agit d'une longue et
pénible gymnastique intellectuelle qui nécessite la
maîtrise méthodologique, un raisonnement cohérent
doublé d'une formation appropriée. Ainsi, nous a-t-il fallu
d'abord partir du contact de l'existence de plusieurs problèmes
vécus et observés dans le cadre du travail de la police.
A ce sujet, il a été constaté sur terrain
un réel conflit entre l'Officier de Police Judiciaire (OPJ) et l'Agent
de Police Judiciaire dans l'exercice de leur travail. Non pas seulement le
conflit les oppose, mais aussi la nomination et l'avancement en grade
l'amplifient. Par ailleurs, la police est militarisée et contient des
éléments issus de toutes les factions belligérantes
découlant de deux guerres qu'a connues notre pays. En plus, les
différents éléments ont des formations
différentes.
Focalisant notre attention sur le problème de grade, la
situation conflictuelle nous a permis de jeter un regard orienté vers
l'organisation hiérarchique de la police pour y repérer et
localiser le tandem « Officier et Agent de Police Judiciaire (OPJ et
APJ) qui évoluent chacun avec un statut et des rôles
différents et spécifiques.
L'Officier de Police Judiciaire jouit d'une formation
spécialisée, d'une fonction, d'une compétence et d'un
grade y afférents lui conférant sa qualité et sa
compétence en matière judiciaire. Par contre, un agent de police
judiciaire reçoit une formation de base qui comprend la phase militaire
et judiciaire.
Dans la pratique, il a été constaté que
l'Agent de Police Judiciaire évolue et entre en compétition avec
l'officier de Police Judiciaire dans le cadre informel lors de ses
différentes missions : ordinaires et extraordinaires (LUNSUA P.,
2006 : 8-9).
A ce sujet, l'Agent de Police Judiciaire dans l'exercice de
ses différentes missions comme l'arrestation d'un sujet, s'érige
ou se transforme en Officier de Police Judiciaire pour gérer les
situations qui sont de la compétence de ce dernier.
A titre illustratif, l'Agent de Police Judiciaire
envoyé par son commandant qui est un OPJ en vue d'arrêter un
suspect pour abus de confiance, au lieu d'arrêter ce dernier, demande aux
deux parties de s'arranger à l'amiable. S'il réussit
l'arrangement, les deux parties lui donnent son dû et il rentre au
sous-commissariat donner un faux rapport à son chef selon lequel le
suspect est absent de telle manière que la partie plaignante rentre
chez-elle.
Dans cette logique, il parait impérieux de
préciser le concept d' « OPJ debout » dans le
contexte empirique. Il n'est pas à confondre avec le Magistrat debout.
Celui-ci est appelé ainsi par analogie à la procédure
judiciaire qui oblige l'officier du Ministère Public à se tenir
debout chaque fois qu'il prend la parole à l'audience. Il est le chef
judiciaire de l'OPJ, à qui ce dernier rend compte de toutes ses
activités judiciaires.
« L'OPJ debout », quant à lui, tire
sa source dans sa pratique. C'est un APJ qui, sans papier, ni bic, ni bureau,
non assermenté et non habilité, travaillant sous la supervision
de l'OPJ, se permet de gérer les situations problèmes lors de
l'exercice de ses différentes missions de Police Judiciaire, à
l'insu de l'OPJ.
Il est nommé ainsi puisqu'il est expéditif dans
sa pratique. Il ne se met pas debout pour trancher, mais la position
« debout » exprime ici la manière expéditive
de gérer le problème. Il improvise l'arrangement. En cas de non
compromis, le problème est porté auprès de l'OPJ
assermenté.
Par analogie au juge du siège, nous entendons par
« OPJ » un officier ou un sous-officier de la Police
Nationale de première classe qui a sous sa supervision les APJ. Il
dispose d'un bureau. Ayant prêté serment, il est
assermenté, habilité et compétent pour dresser les
procès-verbaux judiciaires et rend compte de ses actes au Procureur de
la République.
Il est OPJ à compétence générale
à l'opposition de l'OPJ à compétence restreinte sur le
plan matériel. (ALANGI EBE, 2006 : 16-19). Pour éviter
l'équivoque dans cette recherche entre ces deux acteurs, nous appelons
« OPJ debout » l'Agent de Police Judiciaire et
« OPJ assis ou assermenté », l'Officier de Police
Judiciaire.
La police est organisée hiérarchiquement sous
réserve des règles par le corps de procédure pénale
en ce qui concerne les missions de la police judiciaire. Elle est placée
sous l'autorité de Ministère Public (LOFIMBO, 2006 : 9).
Sous d'autres cieux lorsque les acteurs se trouvent en conflit avec la loi dans
l'exercice de leurs missions, ils répondent de leurs actes à
l'Auditorat Militaire qui relève du Ministère de la
défense.
La police étant une institution
génératrice de recettes, l' « OPJ
assermenté ou assis » est un Agent de perception qui doit
rendre compte à la Direction Générale des Recettes et
Domaniale qui relève du Ministère des Finances et Budget.
Toutefois, le versement se fait par la voie hiérarchique.
Du reste, l'article 14 de la loi n°80-003 dispose
qu'avant d'entrer en fonction, l'Agent, selon la conception de cette
étude, l' « OPJ debout » est tenu de prêter le
serment suivant : « je jure fidélité au
Président de la République, obéissance à la
constitution et aux lois de la R.D.C. » (KAKESE E. et MBUMBA A.,
2006 : 10).
Vu sous cet angle, l' « OPJ debout » n'a
pas la compétence matérielle et géographique
(territoriale) pour traiter les matières pénales. Par
conséquent, il est même dépourvu de la compétence
restreinte, celle qui est destinée au personnel des entreprises. (ALANGI
EBE, 2006 : 18)
Cependant, il y a lieu de retenir que le manque de
compétence de cet acteur suscite une réflexion à analyser
empiriquement pour prendre la distance. Il en est de même pour l'
« OPJ assermenté ou assis » qui travaille à
la fois dans le formel et l'informel.
La fonction de l' « OPJ assis » a ses
exigences spécifiques. Le policier ne peut exercer effectivement ses
attributions, ni se prévaloir de cette qualité qu'après
avoir été personnellement habilité par le Procureur de la
République et prêté le serment suivant :
«Je jure fidélité au Président
de la République, obéissance à la Constitution et aux lois
de la R.D.C., de remplir fidèlement les fonctions qui me sont
confiées et d'en rendre loyalement compte à l'Officier du
Ministère Public (OMP) (KAKESE E., et MBUMBA A., 2006 :
10)»
Les deux acteurs ayant un statut, des rôles
différents et spécifiques, il a été constaté
dans la pratique, qu'il y a un conflit dans l'exercice de la mission
judiciaire. Ainsi, l'analyse conflictuelle entre les deux acteurs nous a-t-elle
captivé pour y consacrer la recherche sur la pratique qui en
découle.
Nous en sommes arrivé à expliquer les conflits
des rôles et statuts entre « OPJ » et
« APJ » dans l'exercice de la mission de Police
Judiciaire.
La préoccupation est pertinente du point de vue
production scientifique du savoir. Elle est aussi faisable puisqu'elle peut
répondre à la réalité du terrain. Toutefois, elle
pose la difficulté de clarté et de précision. (QUIVY R.,
et CAMPENOUDT L.V., 2006 : 28)
Sans doute, nous limiter uniquement au niveau du conflit entre
les deux acteurs, reviendrait-il à réduire le champ. Celui-ci se
veut plus vaste, mais précis pour ne pas s'écarter de l'objet.
Ainsi l'analyse conflictuelle a-t-elle été sujet
de discussion avec notre promoteur qui nous a guidé d'aller
au-delà des conflits pour aborder l'analyse des
« relations » entre les deux acteurs. Ce concept est vaste
et intégrateur.
Nous nous sommes posé la question suivante :
- Quelles sont les relations que les
« OPJ » entretiennent avec les « APJ »
et quel est l'impact de ces relations sur la mission de la police
judiciaire ?
L'analyse des incidences est essentielle et peut-être
retenue comme question de recherche. Cependant, la question centrale
pêche contre le principe de la concision, c'est pourquoi, elle a
été résumée de cette manière ?
- Quelles sont les relations entre
« OPJ » et « APJ » dans l'exercice de
leur travail judiciaire ?
Cette question centrale est concise, claire et précise.
Elle a l'avantage d'être large puisqu'elle inclut les deux acteurs et
offre la possibilité de s'élargir tout au long de la construction
du savoir. Elle reste le fil conducteur de cette étude puisqu'elle est
dans le possible ou le réalisable et analyse ce qui existe. C'est ainsi
que nous retenons « le travail de la police judiciaire comme notre
objet d'analyse criminologue ».
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